Parfois lorsque j'énonce des idées féministes, un malaise me prend, l'impression de me contredire, de n'être pas assez logique ...
Une mise en mots m'apparait un peu plus clairement; je la commence : le dilemme se joue sur comment le féminisme s'attaque aux idées reçues et stéréotypes véhiculés dans notre société : doit-on prendre le mal à sa racine ou tenter de le dénoncer tout en faisant avec ce qui existe...
Doit-on tout déconstruire ?
Parlons plus concrètement car le débat porte sur la différencIATION des sexes soit la construction des différences de sexes ... la différence biologique est somme toute peu de chose en regard de la fabrication culturelle des femmes et des hommes (cf Simone de Beauvoir, on devient femme ou homme; on ne parle plus de sexe mais de genre) qui est considérée comme naturelle alors qu'elle est culturelle, acquise, donc ... Le choix des couleurs rose et bleu, et leur attribution datent par exemple seulement du début du XXème siècle (http://les8petites8mains.blogspot.com/2009/09/bebe-rose-bebe-bleu.html) or que voit-on aujourd'hui ? un renforcement d'une équation simpliste filles = rose et garçons= bleu avec le renversement très marqué rose = pas garçon !! Tout un marketing et, disons-le simplement, un bourrage de crâne dès le plus jeune âge amène de nombreux adultes (intelligents) à croire que c'est "normal(naturel) que les filles aiment le rose, et les garçons le bleu (moins cependant marqué que la préférence dite des filles) ... Et comme corollaire plus grave, c'est naturel que les garçons aiment se battre et sont plus inattentifs en classe (ok y'a les hormones mais faut pas pousser pépé dans l'escalier tout de même) et que les filles parlent moins et sont plus réservées ... Manque de recul culturel et historique de notre société qui ne croit que ce qu'elle voit, même si j'ai remarqué qu'en l'espace de 10 ans, il y a une évolution visible de l'équation rose= filles -matraquée partout-. Rien de grave si cela ne s'accompagnait pas d'une association "jeux de filles = ménage, cuisine, enfants à éduquer et soigner" qui sent bon les colchiques de nos grand-mères ... Domination masculine, bref.
Sans parler du renversement sexiste et homophobe : un garçon ne doit pas porter du rose (la honte !, la réciprocité n'étant pas là pour la fille qui porte du bleu même si chercher un cartable bleu relève d'un engagement certain ;-) )... Alors on me dit "Mais elle adore le rose" après avoir repeint le vélo acheté pour son fils en bleu car le rose original ne convenait pas (à qui ? au papa qui n'a pas envie que son fils se fasse traité de fille ou de pédé ? (j'adore ma famille).
Bref, revenons à mon propos : il s'agit donc de souligner cette fabrication des différences entre les sexes car créer de la différence là où il n'y en pas, cela a pour conséquence de marquer les esprits : de fermer d'entrée des horizons à des enfants et futur-e-s adultes en fonction de leur sexe (ô discrimination quand tu nous tiens)... je soupçonne derrière cette idée "nous sommes si différents" -cf venant de Mars et de Vénus- l'idée d'une nécessaire complémentarité possible que dans le cadre de relations hétérosexuelles ... Hétérocentrisme, quand tu nous tiens ...
L'idée de la féminité et de la masculinité (et de la virilité) est bien sûr liée à ces constructions de différences; d'ailleurs j'ai été marquée par le propos de cet article (http://www.lesoir.be/regions/hainaut/2011-01-07/pis-que-sdf-femme-sdf-812947.php) : je salue le fait de s'intéresser à la situation particulière des femmes sdf -la domination masculine s'exerce partout,les femmes sdf n'y échappent pas (violences etc)-. Mais quand je lis "Livrées à elles-mêmes, les femmes doivent perdre leur identité pour survivre. Elles s'habillent comme des hommes, refusent de se maquiller, oublient de prendre soin d'elles. "
"S'habiller comme des hommes" m'interroge et je suis très perplexe sur cette sacro-sainte "féminité (maquille toi un peu ...) et les représentations de l'auteur sur l'"identité féminine"... Il y a bien sûr perte d'hygiène et de soin en général, dictée par les conditions de la rue -comme chez les hommes- mais c'est justement là on on voit que cette féminité est bien une construction sociale, historique et culturelle.Mais parce qu'elles sont femmes, on attend d'elles de la féminité !! Si c'est pas de la domination masculine : sois sdf, femme, mais reste féminine !!
Bref, la grande peur de l'indifférenciation sexuelle est là, déjà présente au XIX ème siècle lorsque la "première vague" féministe "osait demander le droit de vote, de devenir avocates, de faire des études supérieures... ou que des femmes voulaient simplement porter le pantalon... how shocking ... oui l'antiféminisme était déjà très fort et la peur de voir les femmes égales et pas si différentes foutaient les jetons à ceux qui avaient les billes (expo Musea sur ces "femmes au masculin" http://musea.univ-angers.fr/rubriques/elements/affiche_element.php?ref_notice=369&ref_element=37&ref_paragraphe=1¬ice_courante=0).
Mais jusqu'où porter cette critique constructiviste ? car il y a bien une différence biologique, physique et hormonale, des femmes qui ont pris des injections de testotérone ont remarqué être plus violentes ... Certains comportements seraient expliqués par ces secrétions naturelles mais que dire du discours qui vante la virilité et la toute-puissance -les cartables des garçons ont droit à tous les super héros possibles- ... Ne pleure pas, sois un homme etc... Où s'arrête le naturel et où commence le culturel ? Comment le culturel fabrique t-il le nature ? car la force musculaire des hommes étant survalorisée et "travaillée" dès le jeune âge, on entretient et développe des capacités pourtant bien là chez les filles (et porter jupes et talons ne va pas trop avec le self-defense ou la course ...). Mon idée est de déconstruire le culturel car ce à quoi il aboutit est un monde inégalitaire, discriminant et violent ... mais est-ce possible de le changer ?
- d'où faut-il composer avec les données culturelles sexistes ?
Avec une telle question, on a envie de dire non mais allez dire à beaucoup que la virilité n'a rien de naturel, que c'est une construction, que ton fils va mettre du rose pour aller à l'école etc .. on vous accueille avec au mieux du scepticisme, sinon de la moquerie voire une forme de violence ... Dites que le terme "mademoiselle" est un terme discriminant et rabaissant pour les femmes et qu'il n'est pas légal (http://romy.tetue.net/madame-ou-mademoiselle) et c'est à peine si certains ne vous rient pas au nez ... bref, un certain découragement peut nous saisir face à la démonstration à faire à certain-e-s de leur "embrigadement" dans une culture sexiste. Rien n'est perdu : soi-même, nous avons bien fait ce cheminement intellectuel ... mais comment par exemple, faire cesser les infanticides ou avortements sélectifs en Asie qui chiffrent à 100 millions le nombre de "femmes manquantes" ... le dire, au risque de s'isoler et de ne pas être comprise, internet a du bon ... le buzz aussi parfois ...
samedi 8 janvier 2011
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