Petit extrait texte de Christine Delphy, auteure et chercheure au CNRS depuis1966.
"Au début des mouvements féministes et homosexuels, on dénonçait la famille ; maintenant on veut en être. J’ai dit ce que je pensais du contrat d’union civile. Il est dommage que les lesbiennes et les gays soient devenus aveugles ou indifférents à la nature patriarcale du mariage, et revendiquent à leur bénéfice un contrat fondé sur le postulat de dépendance de l’un des deux membres du couple. Mais d’un autre côté, le contrat d’union civile (devenu ensuite le PACS) me semble présenter une qualité qui, si elle ne rédime pas tous ses défauts, en fait néanmoins une proposition valable aujourd’hui et maintenant : il promeut la visibilité.
Or la visibilité est précisément ce que la société ne tolère pas. Le message de Finkielkraut :
«Faîtes ce que vous voulez, mais de la discrétion, que diable !»
C’est le discours le plus classique, un discours qui paraît anodin, et justement, libéral : après tout on n’est pas tenu de «s’afficher». Et c’est pourtant ce qui montre qu’il n’y a aucune différence entre la position «non éclairée» dite homophobe et la position libérale: la dernière n’est pas moins
répressive, elle est plus hypocrite, c’est tout.
Car dans une société obsédée par la «différence sexuelle », qui guette tous les signes de conformité – maximale, adéquate, insuffisante – aux prescriptions de genre, obsédée par l’hétérosexualité (et non pas, comme on le croît, par la sexualité), vivre sans se cacher nuit et jour, c’est forcément s’afficher. Il n’y a pas de demi-mesure, de position médiane ou neutre, pas plus qu’il n’y a de troisième sexe. Ou bien on «passe» – on passe pour hétérosexuel-le – ou bien les gens «se posent des questions» et finissent par trouver des réponses.
La discrétion, c’est la double vie : la clandestinité en temps de paix. Mais y a-t-il un temps de paix pour les femmes, ou pour les «homos», constamment sur le qui-vive, constamment en danger ? D’être «démasqués» quand elles/ils tentent de «passer»,ostracisés et discriminés voire agressés dès qu’elles/ils sont démasqués. Et puisqu’on ne se cache pas quand on n’a rien à dissimuler, les « homos » finissent par croire elles/eux-mêmes qu’elles/ils font quelque chose de mal.
La discrétion, c’est aussi écouter les histoires hétérosexuelles de ses collègues, des voisins de restaurant, sans jamais mouffeter, et sans jamais parler de soi. C’est être seul-e. C’est mentir. Un peu, beaucoup, par action, par omission. Même à ses amis. L’estime de soi ne résiste pas longtemps à ce traitement. Vivre dans la peur, dans le mensonge, dans la solitude, dans le mépris de soi : voilà ce que nous imposent ces libéraux qui ne demandent que de la discrétion."
Je retrouve dans ce texte qui m'émeut mon parcours, mes idées et aussi les arguments de ceux et celles qui se disent non homophobes mais qui ne perçoivent pas -je pense- la part d'homophobie dans leurs propos. Je pense que tout le monde doit chasser ses propres démons mais il faut pouvoir les regarder ne face... c'est ce que j'essaie de faire et mon engagement actuel me renvoie à chaque fois à la construction de mon identité.
C'est drôle comment l'aventure du petit Thomas de Barbezieux à la nouvelle star a réveillé en moi les idées que j'avais déjà de par mon propre vécu sur cette société bien pensante ... les propos qui y ont été tenus autour de lui révèlent cette homophobie qui ne dit pas son nom...
Désespérant ? Oui et non. Mettre les mots sur les choses, c'est commencer à les désarmorcer.
Je crois en ce pouvoir des mots et de la communication des idées pour les faire avancer ...
Lancer les débats, les discussions même si des oppositions, des idées différentes émergent, c'est déjà avancer... je crois.
Plutôt que de se dire "n'en parlons pas; circulez, y'a rien à voir et les vaches seront bien gardées " !!!
samedi 13 juin 2009
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