En discutant par e-mail avec une vendeuse de livres (libraire non professionnelle ?) de priceminister à qui j'avais commandé des livres, j'ai enfin écrit -et donc nommé, pris conscience- de la chose suivante:
"Je pense que la force et le courage des femmes (.....) c'est aussi d'abord cette force de caractère à aller au-delà de ce que l'on attend de nous. Et dans tous les domaines : physique, intellectuel, professionnel, personnel. Prouver que l'on peut faire comme les hommes. Tout simplement.
Et en cela, je me dis que j'ai toujours été féministe mais je n'avais pas une connaissance réaliste de ce mouvement de pensée pour me nommer en tant que telle."
Avant, j'écris pour me présenter:
"A 34 ans (...), cela peut paraître tardif pour avoir une "révélation" mais gérer le fait d'être une femme, lesbienne dans notre société peut "parasiter" un peu cette prise de conscience; la preuve ! J'ai essayé d'assumer les deux états de fait avant le troisième ! Un par décennie on va dire ;-)"
La dernière phrase est une boutade mais donne l'idée tout de même d'une chronologie.
Petite, je ne voulais pas être une fille et je rêvais d'avoir et d'être tout ce que l'imagerie attribuait aux garçons: la force principalement. Je voulais avoir les mêmes jeux que mon frère car je les trouverais mieux etc. Les mêmes droits, en fait. Je trouvais plus valorisant d'être un garçon. J'avais tout compris de notre société. Mais je n'avais pas les mots pour le dire. Alors je rêvais que j'étais un garçon, que j'étais un super-héros. Plus tard, je rêvais que je me transformais en l'un ou l'autre sexe. Je me transformais en garçon pour être Le héros. Au quotidien, je n'aimais pas les jupes ou robes, je ne restai pas longtemps au cours de danse auquel mes parents m'avaient inscrits. Certes, je restais à celui de gymnastique sans grand enthousiasme (4-5 ans). C'est l'école élémentaire qui m'appris ces jeux -puis sports de balle et de ballons (hand, basket) qui me plaisent tant. Je fis à ce moment du tennis et du tennis de table avec mon frère et mon père. Je passai néanmoins à côté d'une vocation sportive; poussée plus par mes parents aux études qu'au sport. Je les délaissais pour les redécouvrir ponctuellement, plus tard.
Assumer le fait d'être une fille -et je n'écris pas "assumer ma féminité"- a été la première étape et j'essaie je crois encore aujourd'hui de construire mon identité. J'essaie de re-construire cette identité féminine en m'extrayant des idées pré-mâchées sur la "féminité" et la "nature féminine". J'essaie d'être moi, naturellement; je fais abstraction de ce que l'on attend de moi parce que née fille. Au risque de ne pas être pour certains une "fille/femme comme les autres".
J'assumais progressivement d'être une fille -oh fatalitas !- mais je n'acceptais pas tout ce que voulait dire "devenir femme" -et tous les codes vestimentaires, esthétiques, comportementaux que cela suppose: je ne voulais pas de la "féminité" ou en tout cas, je fis un tri !-. Se maquiller, s'habiller sexy, jouer à un jeu de séduction avec les garçons et avoir des discussions qui tournent autour de ces sujets ne m'intéressaient aps. Je me sentais très éloignée des jeunes de mon âge. J'étais pour eux une "intello" sauf pour la meilleure copine très bonne élève aussi. Je m'intéressais à des choses très différentes des jeunes de mon âge. Mal-être terrible que l'adolescence.
Assumer mon orientation sexuelle a commencé à partir de la prise de conscience écrite dans mon journal intime -donc formulée et consciente- à 16-17 ans.
12-13 ans, il m'a fallu pour l'assumer dans le cercle des proches -amis et famille-, oser aller à l'encontre de ce que ma famille, la société et mon éducation m'avaient inculquée: l'homosexualité est honteuse voire inexistante !
J'"étais lesbienne" au fond de moi mais accepter de "devenir lesbienne" -au sens actif du terme, dans la pratique ;-)- prit un certain temps. Devenir, au sens d'accepter pleinement. On ne peut devenir homosexuel, on ne peut l'assumer quand faisant selon moi un coming out personnel et professionnel (sans cesse renouvelé tant que la société n'aura pas évolué).
3 ans pour l'assumer dans le cercle professionnel. Éviter les malentendus et les secrets. Destructeurs pour moi.
C'est, je crois, à partir de ce choix d'une plus grande sincérité vis-à-vis des collègues que s'est opéré le déclenchement de la véritable prise de conscience, en deux ans, avec une accélération terrible en 9 mois. A partir du moment où vous "désobéissez" à cette injonction tacite à la discrétion, un certain nombre de réalités apparaissent.
L'homosexualité peut alors devenir un sujet de conversation et même de blagues -en rire m'a fait dans un premier temps énormément de bien-. Les idées à son propos peuvent se libérer, les stéréotypes aussi. Dans un premier temps, on est soulagé : on croit qu'il n'y a pas d'homophobie.
Et puis,on comprend que l'homophobie n'est pas le fait de quelques déséquilibrés. Elle est partout et sommeille en tous, à différentes doses. Il y a différents degrés dans l'homophobie. Pour moi, l'injonction plus ou moins tacite à une discrétion -une invisibilisation- est la plus répandue.
C'est à cause d'elle que la lutte contre l'homophobie "directe", violente, est difficile. Elle reste secondaire aux yeux qui n'ont rien en apparence contre les homosexuels mais qui vont être gênés par certaines attitudes démonstratives et revendicatives (c'est "trop" ... cf Thomas de la nouvelle star...combien de fois ce mot a-t-il été prononcé; ce qui est sûr c'est chanteur homo efféminé, ça ne passe pas aux yeux d'un jury composé d'hommes...). Pour eux, il n'y a (plus) rien à faire; tout est acquis. Aveuglément.
A ce propos :
Il faudra aussi toute sa vie assumer cette homosexualité: de manière ouverte et publique -par exemple, par rapport aux parents d'élèves ou même aux élèves- et le renouveler à chaque nouvelle rencontre pour ne pas laisser émerger et formuler l'idée erronée d'une hétérosexualité présumée ...
Je suis persuadée qu'il vaut mieux l'annoncer, même au détour d'une "discussion banalement personnelle", AVANT que l'interlocuteur/trice ne formule, de manière quasi-inconsciente, ma supposée hétérosexualité -une évidence pour lui/elle-. Éviter le malentendu.
Je pense que cette évidence pour eux/elles est une violence pour moi et qu'il est plus difficile d'affronter ces présupposés formulés que de le dire simplement dès que l'occasion se présente :"Ma copine et moi, nous sommes allées voir un film" plutôt que "tu sais... j'ai une copine". Cela peut paraître brutal pour certain(e)s. Je me rappelle l'étonnement dans les yeux de celle que je connaissais depuis plus moins de deux semaines... Mais cette violence est moins forte que de lui faire croire tacitement le contraire et, en cela, les tromper d'une certaine manière. Elle est aussi moins forte, cette violence, que celle que nous rencontrons, nous à l'orientation sexuelle différente, tous les jours dans ce présupposé d'une hétérosexualité. Violence sourde et discrète qui ne dit pas son nom. Je préfère l'honnêté à la dissimulation. Je préfère la visibilité à l'invisibilité. L'existence à l'indifférence.
Je ne dramatise pas le coming out, je le banalise: je l'inscris dans le quotidien, dans la normalité alors que de mettre en scène le coming out ou même de protester en disant "Mon copain ? bah en fait il s'agit de ma copine, plutôt !" va dans le sens de l'extraordinaire, de la différence et de l'anormalité. Bien sûr, cela arrivera encore car la norme hétérosexuelle est tellement omniprésente qu'elle peut débouler avant que je la sente arriver ;-) Et cela restera gérable. Ne le seraient pas le silence ou le mensonge.
Je réaffirme donc ce que j'ai expérimenté après quelques déboires -et essais de tous genres-: mieux vaut l'annoncer tout de suite -à l'occasion-; comme ça, le sujet n'est pas un problème, celui-ci est éludé avant qu'il ne se pose ...
Car nous ne sommes pas encore dans une société qui présupposerait réellement des sexualités diverses et variées. On ne vous pas pose la question "as-tu un ami ou une amie?" mais plutôt "as-tu un ami ?".
La société commence à l'admettre toutefois mais au quotidien, nous rencontrons encore beaucoup de gens (cultivés) qui vous collent l'étiquette hétérosexuel(le) avant même de vous avoir parlé ....
Je préfère donc prendre les devants plutôt que de ressentir cette honte ou au moins ce malaise que j'ai ressentis pendant 13 ans "heu non... je ne suis pas comme vous...".
Je maîtrise ma vie et ce que je délivre sur elle. En en parlant la première, je donne à voir que ce n'est pas un problème pour moi et c'est le cas, même si la société a tout fait pour !
Les propos tenus, homophobes, sur des chanteurs homosexuels (cf Thomas Nouvelle Star 2009) m'ont aussi indignée. L'homophobie est là, malgré les avancées.
Je n'ai pas voulu me considérer comme féministe car "la femme", "les femmes" avaient une image que je récusais ; je n'en voulais pas ... Bizarrement, je n'aimais pas ces femmes-là ... moi, la lesbienne ... ;-)
J'aimais certaines beautés dès l'âge de 8-10 ans. Grace Kelly puis Sigourney Weaver pour citer les plus importantes.
Déjà la dernière sortait des standards de la première: grande -plus d'1 m 80-, elle a quelque chose en elle de fort qui ne renvoie pas à la fragilité de la première. Souvent, je me suis maladroitement dit que j'aimais le masculin de certaines femmes féminines. Des femmes qui sortaient de l'image rêvée de la femme idéale, féminine et fragile. Une force (de caractère) qui, je le pense maintenant, n'est pas masculine mais dans notre vision binaire du monde, nous renvoie malgré tout à l'autre sexe. Manque de vocabulaire. La force de caractère n'a pas de sexe.
Et c'est peut être cela qui a été difficile pour moi: savoir de quelle(s) femme(s) parle-t-on quand on se définit comme fille/femme, savoir quelle(s) femmme(s) on aime quand on se définit lesbienne.
J'ai eu du mal avec cette image de la femme car j'ai subi une vision unique de la féminité et de l'identité féminine: je ne m'y reconnaissais pas, je ne l'aimais et je ne me voyais donc pas la défendre ...
Aujourd'hui, j'ai pris conscience que ce que j'avais ressenti comme malaises par rapport à ces identités du sexe et de l'orientation sexuelle ont été et sont ressentis par d'autres: la lecture sur l'homophobie m'a fait un bien fou car j'y ai lu des ressentis jusqu'alors non exprimés car, je le croyais, seulement personnels et peu communicables.
Le dictionnaire de l'homophobie m'a permise de m'interroger aussi sur le genre, sur ce que l'on attend, justement, de nous comme fille ou comme garçon ...: non seulement une sexualité unique -l'hétérosexualité- mais aussi une attitude, une apparence, une culture sexuée, genrée. J'ai compris que l'homophobie découlait du sexisme.
Et c'est cette démarche qui sort du cas particulier pour aller vers la généralité, l'universalité qui m'a permis de comprendre que tous les malaises que j'avais ressentis avaient pour origine un système.
Le système patriarcal qui fonde la domination des hommes sur les femmes.
Le problème est donc beaucoup plus vaste que je ne l'avais cru.
J'avais eu tout au long de mes 34 premières années rejeté certains faits, souffert de ce que l'on attendait de moi car femme, lutté contre une image de la femme qui ne me correspondait pas, j'avais osé l'indépendance, les voyages originaux, et surtout franchi le pas de l'affirmation de mon orientation sexuelle.
Ne plus subir.
A travers mon cas personnel, j'ai compris les autres. J'ai compris que TOUTES les femmes, y compris celles que je n'aimais pas, avaient quelque chose de commun avec moi : cette injonction subtile à la conformité.
Certaines ne peuvent/veulent pas lutter contre cette mise à l'ordre qui n'en a pas l'apparence; moi, j'y ai résisté individuellement.
Je viens de réaliser que je n'étais pas seule.
Hier en me couchant et en pensant à ce message qui n'était pas fini, je finis par me dire que c'est la prise de conscience de ce que je suis qui m'a permis de penser; ainsi je peux donc dire "Je suis donc je pense !" ! Je suis (femme, lesbienne) donc je pense (féministe). Autrefois, je refusais ce rapprochement car cela tombait pour moi dans la caricature "la lesbienne-qui-aime-les-femmes ne peut que soutenir aveuglément les femmes". Or, comme je l'ai dit précédemment, ce n'était pas vrai : je ne me sentais pas proche, pas vraiment "femme" au sens "j'appartiens à un groupe". C'est en me définissant, en m'affirmant, que la pensée et la réflexion ont émergé: cette conscience (d'appartenance à une classe ?) engendre pensées -et actions-.
Et aujourd'hui dans ma recherche sur le net sur Françoise Gaspard, je tombe sur un article sur Nancy Huston :
Celle-ci " renverse les termes du « Je pense, donc je suis » cartésien : « Je suis (humaine), donc je pense. » Désigner l’existence physique comme origine de la pensée et du langage, et non l’inverse, c’est aussi ce que fait le géographe Augustin Berque dans son livre Ecoumène : « C’est par les sens que nous avons du sens. » Ou : « Il ne peut y avoir pleinement signification que dans un certain lien avec les sensations de la chair vivante. » Nancy Huston : « Les fonctions de l’esprit ne sont ni plus ni moins bestiales que celles du corps. Le langage est une capacité innée, instinctive, de l’animal qui se nomme être humain. » Augustin Berque, lui aussi, refuse l’idée de la primauté du langage, qui créerait le sens à partir de rien : « La question du sens est inséparable de celle du langage, mais elle ne s’y réduit pas ; c’est au contraire le sens qui englobe le langage, qui le précède et qui subsiste quand il n’y a plus de langage. » "
Curieux de retrouver quelques 10 ans (au moins) Augustin Berque qui était pour moi un spécialiste du paysage ...
Il serait intéressant de s'intéresser aux deux personnages cités. Drôle de citer un ouvrage de Descartes qui m'avait fallu lire en terminale -il y 16 ans ...- et cela avec beaucoup de peine et de souffrance -j'avais peur de la philosophie-. Philosopher à partir de rien ou de pas grand chose m'inquiétait. Il m'aura fallu attendre mon âge avancé mon comprendre ce que c'est la philosophie -ou, en tout cas, lui donner plus d'importance que cela en avait à l'époque à mes yeux !-.
J'ai mis les doigts dans un engrenage de pensée dans lequel on ne peut plus reculer. La seule solution est d'avancer, de progresser au risque de prendre quelques maux de tête ;-)
Mon tsunami est parti pour durer et tout renverser sur son passage.
Je me dis à présent que j'ai dû d'abord assumer d'être une femme -sans vraiment le devenir- -j'ai refusé beaucoup de codes de la féminité-, que j'ai dû assumer d'être lesbienne -ce qui était, je crois, dans la continuité de mon refus d'une féminité "forcément" hétérosexuelle; j'ai dû attendre un certain temps avant de "devenir lesbienne".
Ainsi, je suis "devenue féministe" -c'est- à-dire que j'ai pris conscience que je l'étais- quand j'ai réalisé qu'"être femme" était aussi "devenir femme" avec tous les codes que l'on attendait de nous. Tous les codes, tous les impératifs non dits mais montrés partout dans les images de La femme, si omniprésentes que l'on n'y fait plus attention.
J'ai en fait d'abord accepté d'être femme et d'être lesbienne.
J'ai accepté ensuite de devenir lesbienne.
Pour moi, "devenir", c'est "accepter d'être" avec tout ce que cela suppose comme conséquences à assumer.
Et en acceptant de prendre en compte ce que "devenir femme" signifiait,j'ai accepté alors d'être féministe puisque j'ai accepté de prendre en compte les impératifs de la norme de la "féminité".
Je ne les ai pas acceptés, au sens premier, en les prenant comme naturels et à adopter.
Je les ai pris en compte, en les prenant comme culturels et donc imposés. Pour les combattre.
Je pense que c'est l'acceptation de mon homosexualité qui m'a permise d'avancer vers l'acceptation de mon féminisme.
Par contre, la prise de conscience de mon homosexualité -première chronologiquement- a freiné la prise de conscience de mon féminisme.
Ce n'est pas parce que l'on est lesbienne que l'on est féministe, contrairement à ce que l'on pense. Les féministes peuvent être des hommes hétéro ou homo ou des femmes hétéro.
En étant lesbienne, je me suis dédouanée de certains impératifs liés à la "féminité"; j'en ai refusés, j'ai refusé de les accepter et même de les voir, je me suis sentie différente des autres femmes, je n'ai pas voulu prendre en considération cette conscience collective du féminisme même si j'avais, isolément, ponctuellement, des propos ou des agissements féministes ou ,au moins, anti-sexistes...
J'ai, paradoxalement, refusé de devenir féministe parce que lesbienne ....
Et parce que j'ai accepté de devenir lesbienne -par le coming out-, j'ai accepté de voir l'homophobie et le sexisme. J'ai accepté de devenir pleinement femme, et pour moi, cela veut dire que j'ai accepté de devenir féministe,; c'est-à-dire pleinement consciente de mon appartenance à un groupe minoré.
Mon titre "Enfant, j'étais féministe !" est certes sympa et drôle mais je crois qu'il est faux :
J'étais tout au contraire misogyne, sexiste et homophobe et il m'a fallu lutter contre ce que la société et l'éducation avaient créés.
Je n'aimais pas les images de la femme. Je les refusais. MISOGYNE.
Je laissais le machisme et le sexisme s'opérer dans ma famille. J'y contribuais. Je me sentais différente de ma mère et de ces femmes. SEXISTE.
J'ai hésité, résisté à l'homosexualité. HOMOPHOBE.
J'étais tout ce que la société portait, tout en étant malgré tout au fond de moi UNE FEMME, UNE FÉMINISTE, UNE LESBIENNE. Oui, malgré tout, car en devenant un être réfléchi, en grandissant, j'ai compris que cette haine que l'on m'avait inculquée et dès mon plus jeune âge, allait à l'encontre des valeurs qui étaient VRAIMENT LES MIENNES.
C'est un constat affligeant, honteux, certes mais honnête.
C'est le dictionnaire des cultures gaies et lesbiennes que ma chérie m'a offert qui vient de faire prendre conscience de cela: la misogynie existe chez les gays mais aussi chez les lesbiennes....
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