Filles-garçons : la mixité ne tient pas toujours ses promesses
LEMONDE | 17.08.10 | 14h18 • Mis à jour le 17.08.10 | 14h18
La question du bien-fondé de la mixité est dans l'air du temps. Alors que certaines écoles britanniques sont revenues à l'organisation d'enseignements non mixtes, Marie Duru-Bellat, chercheuse à Sciences Po, publie dans la Revue de l'OFCE de juillet 2010 une étude de synthèse sur la mixité dans les classes. Un travail qui fait apparaître que la présence de garçons et de filles sur les mêmes bancs ne permet pas de réaliser de façon évidente l'égalité hommes-femmes.
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La synthèse démontre qu'au quotidien les salles de classe sont le théâtre de la reproduction, voire de la constitution des représentations stéréotypées des rôles sociaux masculins et féminins. Le formatage préétabli par l'éducation des parents, bien avant et pendant le parcours scolaire, se trouvant renforcé dans l'école mixte.
L'auteure formule l'interrogation suivante : pourquoi, à compétences, chances et affinités égales, n'y a-t-il pas d'aboutissement logique à un même parcours ?
Les études révèlent là une responsabilité des éducateurs. Par leurs exigences et leurs comportements différents envers leurs élèves garçons et filles, ces derniers prennent un rôle dans la construction de la représentation sociale.
Marie Duru-Bellat prend l'exemple des matières scientifiques. Inconsciemment, il y aurait plus d'attente et plus de sévérité manifestée par les enseignants envers les garçons, au motif qu'ils ont un potentiel qu'il faut révéler. Au contraire, une moindre attention est portée aux filles.
En grandissant, les garçons sont confortés dans une l'idée d'une disposition pour ces disciplines, alors que les jeunes filles doutent. La chercheuse formule l'hypothèse que les carrières qui s'ensuivent sont plus brillantes pour les garçons alors que les filles sont moins incitées à réussir. C'est ainsi que le cycle de la "domination masculine" se reproduit. Dans les classes non mixtes, cette différence de traitement est absente et les filles sont à leur aise pour réussir pleinement.
"CRISPATIONS VIRILES"
Les rapports de concurrence qu'entretiennent les deux genres renforceraient leur différenciation. Dans les groupes mélangés, les stéréotypes du masculin et du féminin auraient plus tendance à s'affirmer. Les jeunes filles chercheraient à éviter l'affrontement et la rivalité avec les garçons. Ceux-ci exerçant vis-à-vis d'elle une forme de pression morale les infériorisant et bridant leur volonté de réussite. De leur côté, à force de s'enfermer dans des "crispations viriles", se manifestant sous forme de désinvolture scolaire, les garçons obtiennent de moins bons résultats. A l'inverse, dans des classes non mixtes : les uns et les autres n'ont aucun complexe à faire des choix scolaires qui ne sont pas nécessairement connotés avec leurs genres.
La sociologue aboutit au constat que la mixité n'a pas été suffisamment pensée pour remplir son objectif. Sa simple instauration n'a pas produit les résultats escomptés. Il faut dès lors envisager sérieusement la possibilité d'un retour à la non-mixité, mais un retour contrôlé, partiel et ponctuel. Autrement, cela reviendrait à affirmer qu'il y a une différence au lieu d'une distinction entre les sexes telle que chaque genre mérite une éducation différente.
Abdel Pitroipa
Article paru dans l'édition du 18.08.10.
lundi 23 août 2010
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