Critique
La jupe, nouveau vêtement de la résistance ?
Hier emblème d'émancipation, le pantalon est-il devenu habit d'oppression ? Dans son livre, Christine Bard n'hésite pas à l'affirmer. Tout en rappelant que le pantalon demeure interdit aux femmes dans une large partie du monde (au Soudan, il est puni de 40 coups de fouet), elle insiste sur le fait qu'"aujourd'hui, en France, ce n'est plus le pantalon, c'est la jupe qu'il est difficile de porter". Car les jeunes garçons ont désormais tendance à considérer la fille en jupe comme une "allumeuse". Et si le phénomène touche toutes les catégories de la population, il est particulièrement brutal dans les quartiers "sensibles". "Pourquoi ne peut-on pas porter de jupe sans être traitée de pute ?", s'interrogeait Loubna Méliane, cofondatrice de l'association Ni putes ni soumises. "Le vêtement de la résistance, aujourd'hui, est visiblement la jupe", résume Christine Bard.
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Peut-être, répondent certains sociologues, mais gare à ne pas stigmatiser les jeunes hommes des "cités". Car si ces derniers voient la jupe d'un mauvais oeil, affirment les chercheurs en question, c'est parce que ce vêtement les renvoie à la stigmatisation raciste dont ils sont victimes : "Je me suis souvent emplâtré avec les féministes sur ce point, témoigne Didier Lapeyronnie, auteur de Ghetto urbain (Robert Laffont, 2008), interrogé par Le Monde. Il faut bien voir que le racisme s'exerce différemment sur les hommes et sur les femmes. Les hommes ne peuvent pas en sortir, alors qu'une femme, si elle adopte la norme occidentale, si elle met une jupe, par exemple, peut lui échapper. "Quand je mets une minijupe, me disait une jeune Maghrébine, on ne voit plus en moi l'Arabe, mais la jolie Orientale." Voilà pourquoi, dans le regard des garçons, le port de la jupe représente une trahison. Ils disent : "Celle-là, elle a oublié d'où elle vient, c'est une sale blanche francisée." Inversement, le port du voile est vu comme un signe de solidarité avec le quartier, et la majorité des filles voilées portent d'ailleurs le pantalon. Tous ces signes sexuels sont inséparables de l'appartenance au quartier et à l'identité raciale."
J. Bi.
Article paru dans l'édition du 27.08.10.
vendredi 27 août 2010
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