samedi 6 mars 2010

La création d'une "super" agence de l'ONU sur les droits des femmes se fait attendre

La création d'une "super" agence de l'ONU sur les droits des femmes se fait attendre
LE MONDE | 06.03.10 | 13h48

LE 8 MARS 2010 aurait pu signer la naissance d'une agence sur les droits des femmes de l'ONU. Il n'en sera rien. Son secrétaire général, Ban Ki-moon, a dû se contenter d'un nouvel appel solennel, jeudi 4 mars, en faveur de la création "sans délai" d'un organe unique chargé "des questions d'égalité de genres et de renforcement des capacités des femmes".
Sur le même sujet
Militantes du collectif La barbe au siège social de L'Oréal", le 16 avril.
Zoom Le militantisme décalé des féministes de La Barbe
Nicolas Sarkozy et les ministres de son gouvernement, le 20 juin 2007.
Les faits Les proches collaborateurs de M. Sarkozy sont tous des hommes
Analyse Dans les grandes écoles, mieux vaut être boursier que fille
Enquête Ni féministes, ni soumises
Les faits Lyon rêve d'une "saison exemplaire"
Les faits La révolution inaboutie

Les hommes semblent de plus en plus impliqués dans la vie familiale et domestique, et pourtant, une récente étude de l'INED montrait que les femmes assuraient toujours 80 % des tâches ménagères. Comment s'organise la répartition des rôles dans votre couple ? Avez-vous l'impression que par rapport à la génération de vos parents, les relations de couple se sont équilibrées ? Est-il plus facile aujourd'hui d'articuler vie professionnelle et vie de couple ?


M. Ban Ki-moon intervenait à New York devant la 54e assemblée de la commission de l'ONU sur le statut de la femme. Elle réunit jusqu'au 12 mars quelque 2 000 femmes, dont une dizaine de ministres ainsi que des centaines de représentantes d'ONG du monde entier, qui, pour la plupart, défendent ardemment le projet.

Les Nations unies ont déjà franchi un pas décisif en adoptant, en septembre 2009, le principe de la création d'une telle agence qui serait dirigée par une personnalité ayant rang de secrétaire général adjoint. Elle conduirait à la fusion des quatre organes onusiens qui interviennent aujourd'hui sur le droit des femmes : le fonds de développement des Nations unies pour la femme (Unifem), la division pour l'avancement des femmes, le bureau du conseiller spécial sur les questions de genres et enfin l'institut des Nations unies sur la formation et la recherche internationale pour l'avancement des femmes (Un-Instraw).

L'ONU l'admet : éclatées, ses interventions - contre les violences, et les violences sexuelles en particulier, faites aux femmes, contre les disparités salariales, dans la lutte contre la pauvreté, le trafic des êtres humains, la protection maternelle, etc. - souffrent d'un manque "de cohérence et de cohésion". Car outre les organes déjà cités (dont aucun ne dispose de l'autorité équivalente à une agence), d'autres entités, comme l'ONU Sida par exemple, développent des programmes qui ciblent les femmes.

"Nous approuvons la création de cette agence qui apportera une meilleure coordination au sein même des Nations unies, incitera chaque agence à assurer comme elle le doit l'égalité des genres et enfin permettra de s'intéresser à des nouveaux domaines qui ne sont pas couverts pour l'instant, comme les conséquences du changement climatique et de la crise financière sur les femmes", souligne ainsi Winnie Byanyima, directrice de l'unité du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Morcelée, la voix des femmes ne serait pas non plus entendue. D'où l'idée que cette "super" agence sur les droits des femmes soit dirigée par une personnalité au poids politique incontestable. Le nom de la présidente du Chili, Michelle Bachelet, qui doit quitter le pouvoir le 11 mars, a été avancé.

Six mois après cette déclaration d'intention, les choses ne sont pas totalement au point mort. Un rapport, présenté au mois de janvier, a défini les contours de la future organisation. Celle-ci serait dotée de 500 millions de dollars, dont 375 millions par des contributions volontaires des pays donateurs. Des recommandations ont été proposées en termes d'organisation.

"Coup de gueule"

Mais l'avancée est trop lente aux yeux des plus ardentes militantes. D'où le "coup de gueule" poussée lundi 1er mars à New York par la vice-présidente de la Commission européenne chargée de la justice et de l'égalité des sexes, Viviane Reding, rapportée par l'agence Inter Press Service. "Ou bien l'ONU est une organisation qui agit ou c'est un club où l'on fait des discours", a-t-elle lancé. "Nous avons besoin de cette agence et nous en avons besoin cette année", renchérit Daniela Rosche, d'Oxfam International.

Des blocages existent bel et bien. Une partie du retard s'explique sans doute pour des raisons de fond et notamment les craintes politiques que peut susciter la perspective d'une telle agence, dans les pays du Sud. Refus de se voir imposer des priorités, de voir s'exercer des pressions sur leurs gouvernements... Ces réticences pourtant ne semblent pas la cause première de l'inertie actuelle.

Car les pays en voie en développement jouent, à travers cet épisode, une autre partie. L'idée même de la création de ce nouvel organe a été émise dans le cadre d'un rapport qui formulait aussi des propositions pour une meilleure efficacité de l'institution dans la gestion des fonds et dans la gouvernance des agences de l'ONU. Or ces axes de réforme-là n'avancent pas.

Ce manque d'empressement ne fait pas l'affaire des pays en développement. De même qu'ils ont exigé à Copenhague d'avoir droit au chapitre sur les décisions en matière d'adaptation au changement climatique, ils cherchent à peser davantage dans les décisions de l'institution de New York. L'Agence sur les droits des femmes fait les frais de ce bras de fer.
Brigitte Perucca

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire