samedi 6 mars 2010

"Ce que soulève la jupe. Identités, transgressions, résistances", de Christine Bard : histoire longue d'un vêtement

Critique
"Ce que soulève la jupe. Identités, transgressions, résistances", de Christine Bard : histoire longue d'un vêtement
LE MONDE | 05.03.10 | 15h43 • Mis à jour le 05.03.10 | 15h43


Célébrera-t-on, en 2011, les 50 ans de la minijupe, qui révolutionna les années 1960 ? Après son complice Alain Souchon qui avait su, comme personne, évoquer le trouble adolescent "rétines et pupilles/des garçons qui ont les yeux qui brillent/pour un jeu de dupes : voir sous les jupes des filles", Laurent Voulzy a chanté naguère Mary Quant, et "son grand carnage" de 1961 qui "a coupé les jupes/des filles les plus sages".

Mais si le port de ce vêtement est ces jours-ci au coeur des festivités culturelles, c'est pour une interrogation plus grave, plus délicate aussi, grâce au film de Jean-Paul Lilienfeld, La Journée de la jupe.

Dès la diffusion de l'oeuvre sur Arte, en mars 2009, le succès d'audience comme le message avaient dérangé. La résistance de Sonia Bergerac/Isabelle Adjani à la radicalisation de la violence et du sexisme dans la banlieue où elle exerce, qui la pousse à prendre ses élèves en otage et à revendiquer une "journée de la jupe au collège où l'Etat affirme qu'on peut mettre une jupe sans être une pute" posait une authentique question politique, à l'heure où les débats sur la burqa réactivent la controverse sur les interdits vestimentaires.

Sur le point d'achever un essai sur l'histoire du pantalon, l'historienne Christine Bard s'est emparée du sujet pour questionner le rôle de la jupe, ce vêtement aujourd'hui prohibé dans le milieu scolaire qui est passé d'un indice de soumission à l'ordre masculin quand le pantalon se faisait émancipateur à celui d'un refus de la stigmatisation et de l'uniformisation qui dissout les genres.

Retissant une histoire longue du vêtement, Christine Bard dégage sa triple fonction traditionnelle de rempart pudique, de protection physique et de parure face à la nudité. La légende urbaine n'exagère-t-elle pas les autodafés de soutiens-gorge des années 1970 ?

De Madonna aux Spice Girls, l'étude interroge les avatars de la transgression vestimentaire jusqu'au brouillage contemporain où la jupe pour homme, inventée par Jacques Estérel et popularisée quinze ans plus tard par Jean Paul Gaultier, remet en cause la notion même de genre.

Au coeur du débat sur l'identité sexuelle, la jupe incarne une liberté vestimentaire toujours à conquérir, nécessaire contre la "livrée uniforme de désolation" de l'habit masculin, selon Charles Baudelaire.
CE QUE SOULÈVE LA JUPE. IDENTITÉS, TRANSGRESSIONS, RÉSISTANCES de Christine Bard. Autrement, 176 p., 17 €

Philippe-Jean Catinchi

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