samedi 20 mars 2010

La pouffe mondialisée est-elle l'avenir de la femme?

La pouffe mondialisée est-elle l'avenir de la femme?
Bénédicte Charles - Marianne | Samedi 20 Mars 2010 à 05:01 | Lu 10825 fois
Imprimer Imprimer Augmenter la taille du texte Augmenter la taille du texte Diminuer la taille du texte Diminuer la taille du texte

En tout cas, c'est son présent, si on en croit la presse féminine. Et notamment le dernier magazine lancé par Lagardère: Be.


Certes, c’est moyennement confraternel de moquer des journaux qui viennent à peine de se lancer.
Mais d’un autre côté, ce n’est pas comme si Be, le nouveau magazine féminin, était le fruit du labeur de journalistes ayant investi toutes leurs économies (et, par avance, leur première année de salaire) dans le lancement de leur canard. Be est la propriété du groupe Lagardère.

Première chose : vous n’échapperez pas à Be, qui se décline sur Internet (Be.com ) avec un site qui vend les produits vantés dans le journal et même à la télé (sur la chaîne June) avec une sitcom.

Deuxième chose : Be ne se prononce pas « beu » — ce qui nous étonnait un peu, aussi — mais « bi ». Ou plutôt « bee », qui signifie abeille en anglais. Cela a son importance : si Be était « bi », ce serait un journal pour les sexuellement indécis. Là, c’est un hebdomadaire féminin « haut de gamme », selon le groupe Lagardère.

En le lisant, on comprend que pour Lagardère, être « haut de gamme » c’est être imprimé sur un beau papier glacé et avoir des pubs pour des produits plus hype que les Damart thermolactyl. Quant au « contenu rédactionnel » (comme on dit quand on fait un journal piège-à-pub) il ne diffère pas de ce qui semble être la tendance actuelle de la presse féminine : la pouffisation mondiale. Celle qui fait que, de Tokyo à Paris en passant par Rome, Düsseldorf, Dubaï, etc. les journaux et les séries télé destinés au public femelle ont réussi à imposer comme seul modèle : celui de la pétasse californienne à hauts talons.

L’idéal féminin véhiculé par Be est donc celui de la reine des pouffes — appelons-la Pouffina. Un idéal incarné à merveille par Paris Hilton, par exemple, à laquelle le magazine consacre un palpitant reportage de quatre pages d’où il ressort que l’héritière des Hilton est « impressionnante, même avec des bigoudis ».

Pouffina a ceci de particulier qu’elle réussit à faire vendre des après-ski même dans les régions du monde où il fait 25° toute l’année. Et ce n’est pas une façon de parler : la mode des Uggs, ces affreuses bottes fourrées en peau retournée a été lancée à Berverly Hills (Los Angeles, Californie) par des starlettes bien décidées à prouver au monde entier qu’elles ne transpiraient pas des pieds — la fameuse obsession américaine de l’hygiène…

Pouffina, reine de la it branlette
Mais Pouffina, ce n’est pas seulement des ongles french-manucurés, des dents blanchies, des cheveux brushés et des vêtements que même Karen Chéryl aurait, en son temps, trouvés vulgaires : c’est tout un style de vie (on n’osera pas dire un système de pensée, mais presque). La preuve ? Rendez-vous dans les pages « psycho-sexo » (sic) de Be, qui occupent dans le magazine la place habituellement dévolue aux rubriques cuisine, enfants, déco, etc. La photo d’ouverture, qui représente une starlette américaine en train de se passer la langue sur les lèvres est déjà top classe. C’est compter sans la légende : « Mégan Fox (la starlette, c’est elle, ndlr) termine ses assouplissements avant de se lancer dans l’exploration des dernières tendances en matière de sexe ». Elégant, non ? Tout cela pour nous introduire (sans mauvais jeu de mots) le sujet cul de la semaine : « Etes-vous sexuellement 2010 ?». Où l’on apprend que la vraie pouffe idéale pratique la « it branlette »,c’est-à-dire la branlette à la mode. Et achète des sex toys écolos — qui se rechargent à l’énergie solaire.
Là, une question : si on voit à peu près qui a lancé la mode des sex toys écolos (les fabricants de sex toys écolos), on comprend mal la mécanique qui mène à considérer qu’une femme est ringarde si elle ne pratique pas la masturbation de son partenaire avec les pieds (c’est ça, la « it branlette »). Y a-t-il eu, au départ, une vedette qui s’est adonnée à cette pratique, dans les rues de Beverly Hills — comme pour les Ugg ? Eh bien la réponse est… oui. Il s’agit, nous dit Be, de Leighton Meester (ne me demandez pas qui c’est), qui en a fait une démonstration dans sa « sex tape ».

Résumons donc : Pouffina ne fait ni cuisine ni déco ni marmots. Mais il ne faut pas y voir l’expression d’un féminisme pur et dur. Au contraire, Pouffina consacre le temps que cela lui fait gagner à satisfaire sexuellement son compagnon. Et quand celui-ci a l’inélégance de filmer ses ébats et de balancer la vidéo sur internet sans l’accord de sa partenaire (c’est le cas de Leighton Meester, comme nous l’a appris une brève recherche sur le Net), on appelle ça une sex tape et ça lance la mode de la nouvelle it branlette.

Mais en fait, en relisant ce premier numéro de Be, je m’aperçois qu’il y a, en page 31 du magazine, une pub qui en dit bien plus que toutes les longues déclarations d’intentions sur la ligne éditoriale de Be et sur le but ultime de la pouffe mondialisée. La voici :(pub de Diesel: BE STUPID)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire