samedi 20 mars 2010

Simone Veil reçue à l'Académie française

Simone Veil reçue à l'Académie française
LE MONDE | 19.03.10 | 18h17 • Mis à jour le 19.03.10 | 18h17


Elle occupe désormais le treizième fauteuil de l'Académie française, qui fut celui de Racine, Crébillon, Feuillet, Loti, Claudel, Wladimir d'Ormesson et Maurice Schumann. "Un dramaturge, un romancier, un officier de marine, des ambassadeurs, un ministre : la diversité des talents est votre lot, et ce depuis toujours", a constaté Simone Veil lors de sa réception à l'Académie française, jeudi 18 mars. Une ascendance académique qui la fait sourire, elle qui n'avait pas le droit, en terminale, d'étudier Phèdre en raison de son "halo incestueux".
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Ministre de la santé au début des années 1970, Simone Veil fut à l'origine de la loi légalisant l'avortement en France et dut alors essuyer de violentes critiques. "Vous êtes une espèce d'Antigone qui aurait triomphé de Créon", a dit Jean d'Ormesson. L'adoption de loi, en 1974, fut "une victoire historique. Elle unit à jamais votre nom au tableau d'honneur de la lutte ardente dans le monde contemporain pour la dignité de la femme", a souligné l'académicien.
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Vêtue du traditionnel "habit vert" brodé de branches d'olivier, Simone Veil, qui a fait l'éloge de son prédécesseur, Pierre Messmer, a été accueillie sous la Coupole par Jean d'Ormesson. "Il y a en vous comme un secret : vous êtes la tradition même et la modernité incarnée, a-t-il affirmé en présence de Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing. Je vous regarde, Madame : vous me faites penser à ces grandes dames d'autrefois dont la dignité et l'allure imposaient le respect. Et puis, je considère votre parcours et je vous vois comme une de ces figures de proue en avance sur l'Histoire."

"MODÈLE D'INDÉPENDANCE"

Dans son discours de réception, Jean d'Ormesson a longuement retracé le parcours de la femme préférée des Français. Son enfance au sein d'une famille juive, républicaine et laïque ; son arrestation par la Gestapo, le 30 mars 1944, à Nice ; son arrivée au camp d'Auschwitz-Birkenau, le 15 avril 1944, à l'aube, en compagnie de sa mère et de sa soeur. "La déportation n'est pas seulement une épreuve physique, c'est la plus cruelle des épreuves morales, a-t-il estimé. Revivre après être passé par le royaume de l'abjection est presque au-dessus des forces humaines."

A la Libération, Simone Veil fait pourtant le choix de revivre : à peine rentrée des camps, elle s'inscrit à Science Po, se marie, a trois enfants. Elle deviendra par la suite ministre de la santé, présidente du Parlement européen et membre du Conseil constitutionnel. "Vous avez des convictions, mais elles ne sont jamais partisanes, a poursuivi Jean d'Ormesson. Vous les défendez avec force. Mais vous êtes loyale envers vos adversaires comme vous êtes loyale envers vos amis. Vous êtes un modèle d'indépendance. Plus d'une fois, vous trouvez le courage de vous opposer à ceux qui vous sont proches et de prendre, parce que vous pensez qu'ils n'ont pas toujours tort, le parti de ceux qui sont plus éloignés de vous."

En entrant à l'Académie, Simone Veil, qui était l'une des pionnières du monde politique, rejoint un cénacle qui fut longtemps fermé aux femmes. Avec son élection, cinq d'entre elles siégeront désormais parmi les quarante Immortels : Mme Veil y côtoiera l'helléniste Jacqueline de Romilly, l'historienne Hélène Carrère d'Encausse et les écrivains Florence Delay et Assia Djebar.

Les discours de Simone Veil et Jean d'Ormesson : www.academie-francaise.fr.

Anne Chemin

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