jeudi 31 décembre 2009

Quel choix dans le titre des articles ... ?!

une femme politique qui est à la fois associée au diable et l'homme ... bizarre ...

Synthèse
Lady Thatcher, un diable d'homme
LE MONDE | 30.12.09 | 15h35 • Mis à jour le 30.12.09 | 15h35


Londres, correspondant

Quand on demandait au duc de Wellington, chef du gouvernement de Sa Majesté entre 1828 et 1830, comment il traitait ses ministres, le vainqueur de la bataille de Waterloo répondait sur un ton martial : "Je leur donne des ordres." A lire les archives officielles britanniques portant sur l'année 1979, rendues publiques le 30 décembre, le premier ministre de l'époque, Margaret Thatcher, imitait volontiers le duc de fer, son militaire préféré.
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Zoom Le thatchérisme se porte mieux que son inspiratrice

Les dossiers déclassifiés révèlent aujourd'hui de nombreux détails sur le style de gouvernement de celle qui était devenue premier ministre, le 3 mai 1979. Lors des six premiers mois à la tête du pays, l'hôtesse du 10 Downing Street rabrouait ses ministres en public, les vexait en émettant des critiques personnelles de manière crue et provocatrice.

Effrayés par son ton insupportable de maîtresse d'école, ces derniers encaissaient sans mot dire les diatribes de celle qui refusait de se faire intimider par qui que ce soit et ne désarmait jamais. Facilement désagréable, Margaret Hilda Thatcher, née Roberts, avait mis rapidement au pas les caciques de son parti, les Carrington, Pym ou Whitelaw qui assuraient la continuité avec l'establishment conservateur.

Dans un entretien au Monde, Sir Bernard Ingham, qui fut son porte-parole pendant les onze ans de pouvoir, confirme que ses rapports avec les ministres étaient francs et massifs : "Ces hommes d'âge mûr étaient totalement subjugués par sa violence verbale. Elle était intimidante, enfonçant le clou jusqu'à la nausée. Mais si elle ne supportait pas la dissidence politique, elle aimait le débat intellectuel tant qu'il était accompagné de force de caractère."

Ainsi, son premier chancelier de l'Echiquier, Geoffrey Howe, dont cette diablesse appréciait pourtant la détermination à mener à bien la cure d'austérité, avait droit à de constantes rebuffades. Malgré le dédain légendaire de cette diplômée en chimie puis en droit, pour les arcanes de l'économie, elle ne cessait de corriger les documents préparés par son ministre des finances, "c'est un très mauvais texte, et nous pouvons seulement supposer, pour être charitable, que le Trésor est occupé à autre chose".

Au fond, la seule personne qui échappait au courroux de la première femme à diriger un gouvernement britannique est la reine. Mariée à un riche entrepreneur de dix ans son aîné, méthodiste, passée à l'Eglise établie d'Angleterre, Mme Thatcher était, bien sûr, une dévote royaliste. Si les archives restent muettes sur le déroulement des audiences royales hebdomadaires, malgré la rivalité féminine, on peut en déduire que la cohabitation se déroulait sans accroc, ce qui ne sera pas le cas par la suite.

En effet, en 1979, Elizabeth II ne pouvait qu'approuver la politique drastique de redressement d'une situation économique que le laisser-aller des équipes de droite comme de gauche avait singulièrement compromise.

A l'instar de la souveraine, la Dame de fer détestait les conversations "de femmes". Son environnement de travail était exclusivement masculin. Sa boisson favorite était d'ailleurs le whisky, pas le sherry prisé par les femmes de sa génération. "A la fin de la journée elle réunissait ses principaux collaborateurs pour faire le point. Elle buvait lentement un whisky soda, son apéritif préféré", se souvient Sir Bernard Ingham qui évoque une "sacrée descente".

Elizabeth Ier, autre personnage que l'intéressée admirait, se flattait d'avoir "un coeur d'homme". Mme Thatcher se considérait d'abord comme un homme politique, refusant tout traitement particulier en raison de son sexe. Lors de son premier sommet économique, à Tokyo, les 28 et 29 juin 1979, elle avait rejeté catégoriquement la proposition du gouvernement nippon de lui adjoindre une protection composée de 20 "filles karatékas". En revanche, "si d'autres chefs de délégation se voyaient, par exemple, assigner 20 karatékas messieurs, le premier ministre n'y verrait aucune objection", soulignait un mémo du Foreign Office. Cette antiféministe notoire exigeait l'égalité sur la scène diplomatique.

D'après une facture, lors de son déplacement en France, en juin 1979, à bord d'un ferry pour rencontrer le président Valéry Giscard d'Estaing, elle avait acheté une bouteille de whisky Teacher's au duty-free, ainsi qu'un litre de gin, l'alcool préféré de son époux Denis, et 200 cigarettes Benson & Hedges. L'ambassade britannique à Paris, qui avait réglé la facture, a dû attendre des mois avant de se faire rembourser par "Number Ten".

Pourtant fortunée, "Maggie" gérait ses finances personnelles de manière très parcimonieuse. Telle une Mme-tout-le-monde, elle payait ses fournisseurs au dernier moment. Refusant cuisinier et maître d'hôtel, Mme Thatcher préparait elle-même le dîner et faisait la vaisselle dans sa petite cuisine sous les combles du "10". Elle servait du Nescafé à ses invités.

S'agissant de Valéry Giscard d'Estaing, les archives confirment l'antipathie foncière qu'elle éprouvait à son égard, révélée dans le portrait acéré qu'elle avait dressé de l'occupant de l'Elysée dans ses mémoires, publiées en 1993. VGE, il est vrai, avait traité d'"épicière" cette Dame de fer qui avait réclamé au sommet de Dublin, le 30 septembre 1979, une ristourne à la contribution britannique au budget européen ("Je veux qu'on me rende mon argent") ? "Elle le considérait comme un être froid, élitiste, hautain", confirme Bernard Ingham. En revanche, elle appréciait son successeur, François Mitterrand, grand séducteur qui lui avait attribué "la bouche de Marilyn et le regard de Caligula".
Marc Roche

mercredi 30 décembre 2009

Après le krach, les femmes ont pris l'Islande en main

Après le krach, les femmes ont pris l'Islande en main
mercredi 30 décembre 2009
http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Apres-le-krach-les-femmes-ont-pris-l-Islande-en-main-_3639-1208633_actu.Htm

L'Islande est une terre de battantes. Une Première ministre tient la barre du gouvernement. Des femmes ont été nommées à la tête des banques tourneboulées par le krach de 2008. L'Islandais le plus renommé de par le monde est une Islandaise. Björk est son nom. Et si le féminisme était une parade à la crise ?
REYKJAVIK (de notre envoyé spécial). Johanna Sigurdardottir avait prévenu sur un ton calme et déterminé : « Mon heure viendra. » Ce n'était pas un propos en l'air. Ni une facétie de matamore. L'heure de « Sainte Johanna », comme l'ont surnommé les Islandais, a sonné.

L'ancienne hôtesse de l'air aux lunettes sévères, rétive au maquillage et aux effets de manche et de tribune est devenue Première ministre. L'Islande, terre volcanique n'y est pas allée avec le dos de la cuillère. Au terme d'une crise financière sans précédent, de dix-sept semaines de jacquerie urbaine au son des casseroles et d'élections organisées dans la panique générale, le pays a donné congé à la coalition conservatrice au pouvoir. Élu un gouvernement social-démocrate et écologiste. Et installé Johanna dans la modeste maison blanche sans murs ni barrières qui fait office là-bas d'Hôtel Matignon.

« Ce pays est culturellement féministe »
Le gouvernement qu'elle a nommé est parfaitement paritaire. Femmes et Messieurs y sont sur un pied d'égalité. C'est le seul au monde de cet acabit.

Certes, l'île avait bien eu une présidente à la charge honorifique, Vigdis Finnbogadottir. Mais de Première ministre, jamais. Mieux encore : Johanna Sigurdardottir est homosexuelle. Mère de deux enfants, elle partage sa vie avec une compagne depuis de longues années. N'épilogue jamais là-dessus. Ne rase pas les murs. Les Islandais l'ont choisie telle qu'elle est.

Sainte Johanna ne tombe pas du ciel non plus, notez bien: « Ce pays est culturellement féministe, les femmes ne sont jamais restées inhibées dans leurs cuisines », insiste Dominique Piédel Jonnsson, qui anime une école du vin. Partout en Islande, les dames ont l'usage de se retrouver dans leurs « saumaklubhur ». Ce sont des clubs de tricot mais, « on y cause plus qu'on y coud ». On s'y retrouve sans bonshommes à refaire le monde. Entre l'aiguille et la pelote féministe, il n'y a d'ailleurs qu'un fil que le mouvement « des chaussettes rouges » a déroulé.

En 1975, les femmes ont même décidé de cesser le travail. De laisser en plan les hommes, de sortir des bureaux et des usines et de descendre dans la rue : « On voulait montrer que nous étions indispensables. Et obtenir l'égalité des salaires. » Elles se sont retrouvées à 30 000 dehors. 10 % de la population du pays ! Éclatante démonstration de force tranquille. 80 % des femmes travaillent, en Islande.

Après, il y a eu un parti des femmes. Et un diplôme d'études féministes à l'Université. Et puis, aujourd'hui, il y a Johanna. Mais pas qu'elle. Car la crise, perçue comme un avatar de la cupidité masculine, a fait chanceler la forteresse cravatée. Les banquiers hautains, les traders bulldozers, les financiers gris anthracite ont décampé ou se font tout petits. Des femmes sont arrivées à la tête des banques nationalisées. « Pour nettoyer les écuries ».

Dans la débâcle de 2008, une société financière est même passée à travers les gouttes. Audur Kapital a été fondée par Halla Tomasdottir et Kristin Peterdottir. Elle emploie vingt salariés, dont quinze femmes. Tiens, tiens. Elle lève des fonds propres, au plein sens du terme. La chanteuse Björk s'est associée pour « développer une économie saine ». Les années flambeuses sont révolues.

Et le sport y ajoute son grain de sel. En août prochain, l'équipe nationale joue sa qualification pour la Coupe du monde face à... la France. Il s'agit de football féminin, s'entend.

Tout cela fait bicher Petrina Rose Karlssondottir, professeure de français. Cette crise qui n'en finit pas l'a presque soulagée. Elle en a marre pourtant, jusqu'à ne plus jamais vouloir prononcer le mot honni de « Viking ». Elle est sûre qu'une société où les femmes auraient eu toute leur place n'aurait pas foncé dans le mur comme celle d'avant : « Une femme, quand ça ne sait pas faire, ça s'arrête, ça réfléchit. »

Elle a dans la tête deux vers de poésie qui trottent leur chemin. Et en disent long, signés qu'ils sont d'Ingibjörg Haraldsdottir : « À la fin de chaque meeting, après le dernier discours, il y a une femme qui débarrasse la table et qui ouvre la fenêtre. »

François SIMON.

Pour les psychiatres, Barbie est un fantasme d'adulte mais pas de petites filles

Pour les psychiatres, Barbie est un fantasme d'adulte mais pas de petites filles
LE MONDE | 29.12.09 | 17h23 • Mis à jour le 30.12.09 | 08h21


Si Playmobil fait l'unanimité auprès des parents, ce n'est pas le cas de Barbie, la plus célèbre des poupées, qui a fêté ses 50 ans en 2009 et s'est retrouvée, cette année encore, parmi les cadeaux les plus offerts aux petites filles pour Noël. Avec ses mensurations improbables - soit 95-45-82 à l'échelle humaine -, Barbie est accusée de fausser l'image de la femme et d'encourager notamment l'anorexie. Dans l'Hexagone, de plus en plus de mamans répugnent à l'offrir à leurs filles.

Avec 3 millions de poupées vendues par an en France sur une cible de... 3 millions de petites filles âgées de 2 à 9 ans, le fabricant Mattel n'est pourtant pas encore aux abois. "80 % de l'offre Barbie et ses accessoires, château, voiture, chevaux... est renouvelé chaque année", explique Arnaud Roland-Gosselin, directeur marketing de Mattel France.

De quoi entretenir l'intérêt des petites consommatrices, qui possèdent, chacune, une moyenne de douze poupées. Dernière excentricité marketing en date, la sortie, pour les fêtes de fin d'année, d'une Barbie chaussée par le créateur Christian Louboutin : 115 euros le modèle avec ses escarpins à semelle rouge.

En 2009, Barbie aura été à l'honneur : les plus grands créateurs lui ont consacré un défilé en février lors de la semaine de la mode à New York, un livre-coffret luxueux retraçant sa saga a été édité chez Assouline et les studios Universal ont annoncé qu'elle allait bientôt être l'héroïne d'une superproduction hollywoodienne. Pour autant, la poupée n'a pas fêté son cinquantième anniversaire en toute sérénité.

Dans un brûlot intitulé Toy-Monster : the Big Bad World of Mattel ("Jouet-Monstre : le grand méchant monde de Mattel") et publié aux Etats-Unis chez Wiley-Blackwell, le journaliste et essayiste américain Jerry Oppenheimer écorne sérieusement le mythe. Auteur de la biographie non autorisée de Bill et Hillary Clinton, Jerry Oppenheimer présente dans son ouvrage le père de Barbie, Jack Ryan, comme un pervers sexuel. Pour l'essayiste, Barbie serait l'incarnation du fantasme ultime de son inventeur : une call-girl de luxe, à la taille ultrafine, aux seins en obus et au visage enfantin. De quoi effrayer encore davantage les mamans ?

"Certes, celui qui a conçu la Barbie n'avait pas une once de féminisme : il a projeté l'image d'un objet sexuel, d'après un prototype américain à la Jane Mansfield, estime Gisèle George, pédopsychiatre, auteur de La Confiance en soi de votre enfant (Odile Jacob, 2008, 227 p., 7,50 euros). En revanche, on ne peut pas donner à Barbie un pouvoir qu'elle n'a pas : une poupée ne peut pas influer sur l'orientation sexuelle, professionnelle, ou quoi que ce soit d'autre..."

Pouvoir d'anticipation

Un point de vue que partage Claude Halmos, psychanalyste et écrivain. "Il est devenu courant d'accuser les objets : la violence serait de la faute de la télé, l'anorexie, celle de Barbie... mais on oublie l'essentiel : la construction psychique d'un enfant dépend des adultes qui l'entourent." Selon la psychanalyste, "une petite fille conçoit la féminité à travers ce que sa mère ressent et vit pour elle-même, et à travers la façon dont son père ou un compagnon masculin considère sa mère".

Les enfants ne voient pas le jouet au premier degré, comme les adultes, assure pour sa part Patrice Huerre, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital d'Antony (Hauts-de-Seine) et auteur de Place au jeu : jouer pour apprendre à vivre (Nathan, 144 pages, 14,95 euros). "Les enfants ne sont pas empêchés de rêver par la forme d'un objet, la preuve : d'un caillou, ils font un bolide", précise Patrice Huerre.

En revanche, certains jouets, en rupture avec leur époque, peuvent, selon le psychiatre, avoir un pouvoir d'anticipation, comme la littérature de fiction. "Barbie, ce fantasme d'adulte, anticipe sur la révolution sexuelle, Mai 68, la contraception, et l'émancipation des femmes..., estime-t-il. Elle est entrée en résonance avec une attente implicite des enfants, qui sont ensuite devenus les adolescents des années 1968".

Le médecin a coorganisé cette année au Musée des arts décoratifs de Paris une exposition intitulée "Quand je serai grand, je serai..." Dans ce cadre, il avait été demandé à 600 enfants de dire ce qu'ils aimeraient faire plus tard, et de désigner les jouets symbolisant le mieux leurs aspirations. On y trouvait en bonne place la fameuse Barbie.
Véronique Lorelle

Mariage homosexuel et homophobie: la France, le cul entre deux chaises

La fan de Louis-George TIN ne peut s'empêcher de mettre un de ses articles d'une logique ..... imparable !
http://observatoire2.blogs.liberation.fr/normes_sociales/2009/12/-fautil-condamner-le-mariage-homo-.html

Mariage homosexuel et homophobie: la France, le cul entre deux chaises

Par Louis-Georges Tin

Soyons cohérents: si l’homosexualité est un crime, a fortiori faut-il condamner les couples de même sexe qui veulent se marier. C’est en somme la logique qu’a appliquée la police du Malawi, qui a arrêté le 29 décembre dernier un couple d’hommes qui, paraît-il, avaient organisé une cérémonie symbolique de mariage. Au Malawi, la sodomie est passible d’une peine de 14 ans, et on saura bientôt ce qu’il en coûte de se marier entre hommes.
Le fait en rappelle d’autres. L’affaire du Queen Boat, par exemple. On s’en souvient, en juillet 2001, la police du Caire avait organisé une rafle dans une boîte de nuit, et arrêté 52 personnes, homosexuels présumés. Les prévenus avaient été accusés d’organiser un mariage gai, de comploter contre le pays, d’être membres d’une secte satanique, et d’être à la solde du sionisme international, autant de maux dont on ne sait au juste lequel était le plus grave. Ils avaient été pour beaucoup torturés, condamnés, y compris à des peines de travaux forcés.

Dans le second exemple, le mariage imputé était sans doute faux, et dans le premier, il est peut-être vrai. Quoi qu’il en soit, lorsqu’on pense que l’homosexualité est une chose mauvaise ou maléfique par nature, il est logique de condamner le mariage homosexuel. C’est ce qu’a fait aussi la cour d’appel de Tanger. Le 15 janvier 2008, elle a condamné à la prison ferme six Marocains accusés d’avoir participé à un mariage gai à Ksar el-Kébir.


Des exemples de ce genre, il y en a de plus en plus. Rappelons en peut-être encore un autre, que tout le monde a présent à l’esprit: il concerne un mariage qui a eu lieu en 2004. Un maire célébra l’union entre deux hommes, et il fut pour cela suspendu de ses fonctions pendant un mois, fait rarissime. On s’en souvient, c’est l’affaire du mariage de Bègles. Le 15 juin, Dominique de Villepin annonçait que Noël Mamère était sanctionné sur la base de l’article L 2122-16 du code général des collectivités territoriales. Le 20 juin, le ministre de l’Intérieur affirmait encore: «Le prochain maire qui serait tenté par un tel mariage, je serais amené à proposer au conseil des ministres sa révocation. Pour un an, il ne pourra pas se présenter aux élections». Le 30 juillet, des militants du Bloc Identitaire, groupe radical d’extrême droite, ajoutaient à la menace officielle de M. de Villepin une autre menace tout aussi inquiétante: «Les élus qui seraient tentés par de tels appels du pied à un lobby gay sans cesse plus sûr de lui et dominateur doivent savoir que, systématiquement, ils vont trouver face à eux et dans leurs propres murs les militants du Bloc et des Jeunesses Identitaires.»

Bien sûr, on ne saurait faire l’amalgame entre la France et les trois autres pays cités ci-dessus, le Malawi, l’Egypte, et le Maroc. En France, malgré une homophobie persistante, et à bien des égards préoccupante, l’égalité des droits a connu des avancées significatives ces dernières années, et l’homosexualité bénéficie d’une tolérance sociale croissante, quoique précaire. Dans ces trois pays, au contraire, exposée aux poursuites de la police ou aux sanctions de la justice, la vie homosexuelle ne peut se vivre que dans la clandestinité, dans la peur ou dans la dissimulation. On ne peut donc comparer des situations tout à fait incomparables.

Or c’est justement là le problème. Alors que la France est objectivement très différente de ces autres pays du point de vue de l’homosexualité, pourquoi a-t-on, ici comme là-bas, non seulement interdit, mais condamné le mariage homosexuel? Condamnation des couples, des amis, ou du maire selon les cas, condamnation plus ou moins lourde selon les pays, mais condamnation toujours.

Il faut noter que ce sont ces divers pays qui sont cohérents: si l’homosexualité est réprouvée, il faut condamner le mariage homosexuel. Mais en France, où l’homosexualité, dit-on, est acceptée, le mariage homosexuel est non seulement interdit, mais aussi condamné, comme au Maroc, en Égypte ou au Malawi. En d’autres termes, contrairement à ces pays, la France accepte l’homosexualité, mais à l’instar de ces pays, elle condamne le mariage homosexuel. Dans notre pays, si vous êtes homosexuel, vous êtes un citoyen normal, mais vous ne pouvez pas pour autant faire les choses «normales» , que font les gens «normaux», comme se marier à la mairie, sinon on vous condamne pour cela, ou du moins, on condamnera votre maire. Il y a là une incohérence, une incohérence qui, dans son ensemble, caractérise la droite française aujourd’hui. Or de deux choses l’une: soit l’homosexualité est condamnable, et il faut condamner aussi le mariage homosexuel, soit l’homosexualité est légale, et il faut légaliser le mariage homosexuel.

A mi-chemin entre la Suède, les Pays-Bas ou la Belgique d’une part (puisque chez nous comme chez eux, l’homosexualité est relativement acceptée), et le Maroc, le Malawi et l’Egypte d'autre part (puisque chez nous comme chez eux, le mariage homosexuel est totalement condamné), notre pays se trouve aujourd’hui dans une situation paradoxale. Et à vrai dire, de plus en plus intenable.

Où en sont les droits des homosexuels en Amérique latine ?

Où en sont les droits des homosexuels en Amérique latine ?
LEMONDE.FR avec AFP | 29.12.09 | 19h57 • Mis à jour le 29.12.09 | 19h57

La célébration, lundi 28 décembre à Ushuaïa, en Argentine, du premier mariage civil gay d'Amérique latine a braqué les projecteurs sur la situation des homosexuels sur le continent, la plus grande région catholique du monde. Si les mariés se préparent malgré tout à faire face à une bataille juridique visant à annuler leur union, les associations de lutte contre les discriminations ont salué un "événement historique" qui constitue un premier pas vers l'égalité des droits des homosexuels dans le pays.
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Lundi 21 décembre, les députés du Parlement de Mexico ont modifié le code civil pour autoriser les mariages entre deux personnes du même sexe.
Eclairage Où en sont les droits des homosexuels en Amérique latine ?
Alex Freyre et Jose Maria Di Bello se sont unis à Ushuaia, en Argentine, lundi 28 décembre. Il s'agit du premier mariage gay célébré en Amérique latine.
Les faits Ushuaïa a célébré le premier mariage gay d'Amérique latine
Edition abonnés Archive : Le mariage homosexuel à Mexico hérisse la droite

Le mariage entre homosexuels est en effet jugé "immoral" par l'église catholique, qui a une forte influence en Argentine. Dans cet Etat fédéral où la situation des homosexuels varie d'une province à une autre, seule la ville de Buenos Aires autorise les unions civiles. Le Parlement sera toutefois appelé à examiner, en 2010, une réforme du code civil qui légaliserait les mariages entre homosexuels.

MEXIQUE ET URUGUAY EN POINTE

Quelques jours avant l'union célébrée à Ushuaïa, Mexico a donné le feu vert au mariage entre deux personnes du même sexe. Lundi 21 décembre, les députés de l'Assemblée du District fédéral, le nom administratif de la capitale du Mexique, ont modifié l'article du code civil spécifiant que "le mariage est l'union librement consentie entre un homme et une femme". Ils ont par ailleurs autorisé l'adoption par les couples homosexuels, plaçant la capitale mexicaine en pointe dans la lutte pour l'égalité des droits quelle que soit l'orientation sexuelle.

Cependant, le collège d'avocats catholiques du Mexique a annoncé qu'il entrerait en "résistance pacifique jusqu'à ce que la définition de 'mariage' revienne à son cours naturel". Il demandera au gouvernement fédéral de se prononcer et fera intervenir les tribunaux.

Dans le reste de l'Amérique latine, seuls l'Uruguay et la Colombie autorisent les unions civiles. L'Uruguay a la législation la plus avancée sur le sujet, autorisant l'adoption et la possibilité pour les transsexuels de changer officiellement de prénom.

LE PÉROU SANCTIONNE LES AGENTS DE POLICE GAYS

Le grand voisin, le Brésil, a lancé, en 2009, un plan pour les droits des homosexuels incluant la formation de fonctionnaires et de professeurs, le financement de défilés gays – cent quatre-vingt-neuf ont été organisés cette année, un record – ou la défense d'un projet de loi punissant l'homophobie. L'Etat du Minas Gerais a ouvert la première prison pour gays, bisexuels et transsexuels du pays, censée protéger les détenus des violences homophobes. La Cour suprême a par ailleurs été saisie de deux demandes pour la reconnaissance de l'union entre personnes du même sexe.

A Cuba, où les homosexuels étaient envoyés dans des camps de rééducation dans les années 1960-1970, le Parlement pourrait examiner un projet de loi légalisant les unions civiles et l'adoption. Et en Bolivie et en Equateur, l'interdiction de la discrimination sexuelle a été inscrite dans la Constitution.

Au Costa Rica, en revanche, la justice a rejeté, en mai, une tentative de légalisation des mariages homosexuels. Et le gouvernement péruvien a promulgué un règlement sanctionnant sévèrement les agents de police gays, qui donneraient une mauvaise image de l'institution.

Petite réflexion sur les jouets

Rien d'extraordinaire en fait mais je suis en train de réviser mes cours pour le partiel (spécial bourrage de crâne: je suis la reine .... des fiches !).

A propos des jouets et de l'univers que l'on crée à travers la différenciation que l'on fait en attribuant un certain type de jouets à des filles et aux garçons.

Les filles : tournées vers l'intérieur: ménage, maternité, rêves de princes...
Les garçons: tournés vers l'extérieur: conquêtes, inventions, explorations, guerres ...

Les filles sont tout de suite orientées vers leur "rôle" d'épouse et de mère -et de femme au foyer-... On leur balance donc un destin hétérosexuel doublé du rôle de reproductrice de l'espèce...

Pour les garçons, point d'hétérosexualité dans leurs jeux (les filles sont absentes); ils sont dans une forme de domination que je qualifierais de ... masculine. Ils sont au contraire encore plus peut être que les filles dans un monde homosexué: on reste entre hommes.

L'un comme l'autre mondes sont donc bien distincts et, mis à part la projection de la fille comme épouse -le rêve de mariage est toujours là ...-, chacun vit loin de l'autre. On se construit dans le domaine privé pour les filles, dans le domaine public pour les garçons.

On retrouve cette idéologie chez les classes dominantes au XIX ème siècle. Cet idéal est repris par les classes moyennes et populaires au XX ème siècle.

mardi 29 décembre 2009

Les «mensonges déconcertants»

Libération
Société 28/12/2009 à 00h00
Les «mensonges déconcertants»


Par ANNETTE WIEVIORKA


Si le territoire de l’historien s’est dilaté à l’infini, faisant du ressentiment, de la douleur, de l’amour, de la mort, du parfum, du corps… des objets d’histoire, l’étude du cynisme reste confinée au mouvement originel. Nul n’a jamais entrepris d’en faire l’histoire, si ce n’est celle du mouvement philosophique qui, dans l’Antiquité, lui a donné son nom.

Si l’on s’en tient à la définition couramment admise aujourd’hui (l’attitude cynique est celle qui fait fi des conventions sociales et morales), faire l’histoire de cette attitude semble d’emblée voué à l’échec. Le cynique est celui qui est perçu, en fonction de ses propres valeurs ou conventions morales, comme les bafouant volontairement. S’il n’y a pas conscience et volonté de bafouer ces valeurs ou comportements, il n’y a pas de cynisme.

Le vol de l’inscription qui surmonte l’entrée du camp d’Auschwitz, «Arbeit macht frei», au matin du 18 décembre pour des raisons dont on ignore tout, a permis à tout un chacun de qualifier cette inscription de «cynique». Du haut de notre savoir d’aujourd’hui, par les témoignages aussi de ceux qui y ont survécu, nous savons que le travail concentrationnaire conduisait à la mort dans des proportions variables, selon les camps, d’un quart à la moitié des concentrationnaires ; qu’il était parfois (pas toujours) absurde, c’est-à-dire ne répondant à aucune nécessité économique.

Pourtant, ceux qui ornèrent de cette même inscription le premier camp fondateur du système concentrationnaire SS, Dachau (1933), ne l’ont pas nécessairement fait par cynisme, même si les contemporains (Viktor Klemperer dans son analyse de la LTI, la langue du IIIe Reich) la perçurent comme telle. Le travail concentrationnaire, à l’image de celui des camps soviétiques du Goulag, est supposé avoir une valeur de rédemption et permettre une «rééducation» prélude à une libération éventuelle. Car il était possible pour les communistes, socialistes, témoins de Jéhovah, homosexuels, d’être «libérés» s’ils manifestaient leur acceptation de la mise au pas.

Pas seulement du cynisme non plus dans les déguisements des gares d’arrivée des Juifs destinés à être immédiatement assassinés par le gaz ou dans les installations transformées en salle de douche, simplement le besoin de tromper les victimes pour que les opérations de mise à mort se déroulent le plus efficacement possible. Elles font partie de ce que Walter Laqueur a appelé «le terrifiant secret». Le cynisme ici (bien proche de la perversité) est second dans la vision nazie du monde (toute l’histoire est la lutte des races) et dans l’objectif de souder une société en éliminant ou mettant en esclavage des catégories de population à qui est retirée la qualité humaine.

L’histoire contemporaine (comme l’actualité) fourmille d’exemples où l’écart entre les mots et la réalité qu’ils recouvrent induit le sentiment que ceux qui les prononcent sont des cyniques, des êtres sans foi ni loi, sans morale et sans éthique. L’Union soviétique de Staline donne probablement les meilleurs exemples de ces distorsions. Celui pour qui l’homme était le capital le plus précieux fit fusiller, interner au Goulag, mourir par la famine une partie de ce capital. La constitution soviétique de 1936, dite constitution Staline, fut célébrée comme l’expression la plus achevée de la démocratie, donnant aux individus des droits qui ne figuraient pas dans les constitutions des grandes démocraties. La réalité des années de sa promulgation fut la terreur, les purges généralisées, l’extension du Goulag.

On peut y voir du cynisme. C’est plutôt l’expression du «mensonge déconcertant» qui frappa tant le communiste yougoslave Ciliga. Ceux qui pratiquèrent le grand mensonge en eurent-ils conscience ? Rien n’est moins sûr. Peut-être pensèrent-ils que, la fin justifiant les moyens, l’avenir radieux était au prix de ces sacrifices. Peut-être s’épargnaient-ils la peine de penser, accomplissant leur travail dans le respect des nouvelles normes et usages politiques. Peut-être encore pensèrent-ils à eux-mêmes, et à leur sauvegarde.

Le cynisme a partie liée avec le mensonge, «la pire lèpre de l’âme», selon Marc Bloch, même s’il ne le recouvre pas. Marc Bloch parle en historien pour qui la recherche de la vérité constitue le cœur du métier. Il ne parle pas ici de la sphère privée ou publique.

Or, pas plus qu’il n’existe d’histoire du cynisme, il n’existe d’histoire du mensonge, ou du rôle du mensonge dans l’histoire ou dans la politique. Inconsciemment (ou consciemment), chacun sait que dans nos démocraties, les hommes politiques se livrent à de petits ou de grands arrangements avec la vérité, celle du présent comme celle de l’avenir. Ils promettent rarement du sang, de la sueur et des larmes.

Ils se livrent souvent à un jeu de Meccano permettant d’ajuster ce qu’ils estiment être des nécessités politiques (expulser des Afghans par exemple) avec les sacro-saintes valeurs de la République (Liberté-Egalité-Fraternité-Droits de l’homme). Ils peuvent dans le même temps participer à des cérémonies célébrant les Justes parmi les Nations, ceux qui par simple humanité, et sans rien savoir du sort qui les attendait, ont eu un geste secourable à l’égard des Juifs, et légiférer contre celui qui aide un clandestin à recharger son téléphone portable. Est-ce du cynisme ? Cela n’est pas certain. Plutôt une sorte de clivage confortable, une absence de pensée qui voudrait que des éléments dispersés d’une activité débordante fussent mis en relation.

La célébration du devoir de mémoire sous toutes ses formes permet de donner à chacun une belle âme et une bonne conscience rétrospectives, et de ne sentir à l’égard du présent aucun devoir et aucune culpabilité.

Marie-Jo Zimmermann, féministe UMP

Marie-Jo Zimmermann, féministe UMP

dans le Lébération du 29/12/09

Députée UMP de la Moselle, Marie-Jo Zimmermann a offert un joli cadeau de Noël à sa collègue PS Aurélie Filippetti en faisant annuler le 23 décembre par la commission des lois de l’Assemblée nationale le projet de redécoupage électoral du département. Pour éviter que la députée PS, dont la circonscription est supprimée, se présente contre François Grosdidier (UMP), le secrétaire d’Etat aux collectivités Alain Marleix avait rajouté des bureaux de vote de droite chez celui-ci, et des cantons de gauche chez Marie-Jo Zimmermann. Qui n’a pas apprécié, et fait voter quelques UMP avec la gauche contre le projet. «En plus, Marie-Jo défend une excellente proposition de loi sur la parité hommes-femmes dans les conseils d’administration», applaudit Filippetti, qui ne tarit plus d’éloges sur sa collègue UMP. F. W.-D.photo Dr

mardi 22 décembre 2009

Le mariage homosexuel autorisé à Mexico

Le mariage homosexuel autorisé à Mexico
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 21.12.09 | 22h45 • Mis à jour le 22.12.09 | 08h41

Il s'agit d'une première en Amérique latine : la ville de Mexico a décidé, lundi 21 décembre, d'autoriser le mariage homosexuel. Les députés de l'Assemblée du district fédéral mexicain, autrement dit de la capitale, ont ainsi modifié l'article du code civil local qui spécifiait jusqu'à présent que "le mariage est l'union librement consentie entre un homme et une femme".
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Le mariage entre personnes du même sexe n'est légal nulle part ailleurs en Amérique latine, même si l'union civile, à l'image du pacs français, est reconnue dans plusieurs pays comme l'Uruguay et la Colombie et si la Cour suprême d'Argentine doit se prononcer sur l'autorisation donnée par un juge, annulée par un autre début décembre.

Le mariage homosexuel a été approuvé par 39 voix en faveur de la proposition, 20 contre et 5 abstentions.

Le texte doit encore être promulgué par le maire Marcelo Ebrard, connu notamment pour avoir soutenu la légalisation de l'avortement dans certains cas, et ainsi placé sa ville à l'avant-garde des politiques libérales dans un pays que dominent encore les moeurs catholiques et conservatrices. Le texte voté lundi étend les droits accordés depuis 2006 aux homosexuels liés par union civile, puisqu'il leur garantit les mêmes droits que ceux des couples hétérosexuels en matière de prestations sociales familiales ou financières.

"Pendant des siècles, des lois injustes ont interdit les mariages entre blancs et noirs ou indiens et européens, on a interdit l'amour étranger (...) Aujourd'hui ces barrières ont disparu", s'est réjoui le député Victor Romo, du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche) du maire de la capitale, Marcelo Ebrard.

La droite et l'Eglise ont protesté et lancé une campagne de pressions pour obtenir le veto du maire. "Reconnaître les unions civiles homosexuelles comme des mariages va à l'encontre du bien public et du développement émotionnel de nos enfants", a déclaré Giovanni Gutierrez, élu du PAN, le parti du président mexicain Felipe Calderon.

lundi 21 décembre 2009

Le ras-le-bol d'une citoyenne laïque, féministe et athée, par Anne Zelensky

Point de vue
Le ras-le-bol d'une citoyenne laïque, féministe et athée, par Anne Zelensky
LE MONDE | 21.12.09 | 13h51


Partout retentit le même son de cloche : les religions seraient brimées, en particulier l'islam. Tous ceux qui font l'opinion, et ceux qui la représentent, ressassent la même antienne. Le grand débat national tourne en fait autour d'une défense du religieux. Haro sur les islamophobes, sur les vilains Suisses anti-minarets, sur l'imaginaire "catho laïque"... Mais où sommes-nous donc ? En république laïque ? Ou en république théocratique ?


L'apport majeur de la laïcité - la vraie, celle qui n'est ni ouverte ni fermée, la laïcité tout court -, c'est de faire de l'espace public un lieu de partage des valeurs communes, et non un lieu d'exhibition de la différence religieuse, qui peut aller jusqu'à afficher des signes de ségrégation sexuelle. Dès lors que cette règle minimale de neutralité n'est pas respectée, on assiste à la grande empoignade en cours, qui nous égare sur des chemins dangereux, menaçant l'harmonie sociale. La loi de 1905 est une loi de pacification, nous sommes en train de l'oublier et de rouvrir un débat douloureux, où personne ne trouve son compte.

Il est temps de remettre les choses dans l'ordre, dans la grande confusion ambiante. Ce ne sont pas les religions qui sont aujourd'hui malmenées, mais la République et ses principes. Le débat a été détourné de son sens, il dérive hors des chemins de la raison. La raison qui fonde les principes républicains. Et non la foi. Or on assiste à un envahissement de notre espace par des signes et des débats où le religieux s'immisce. On est en train de tellement ouvrir la laïcité qu'on la perd de vue. Or la majorité des citoyens de ce pays ne sont pas concernés par la pratique religieuse, ils se sentent laïques, et pour la plupart athées.

Leur donne-t-on la parole ? Par qui sont-ils représentés ? Où lit-on leur ras-le-bol devant cette inflation du religieux, cette compassion obscène pour le pauvre croyant discriminé ? Il y a un Conseil français du culte musulman (CFCM). Y a-t-il un conseil supérieur de la laïcité (CSL) ? On se préoccupe plus de la défense des croyants que de celle des républicains laïques, comme si la laïcité était acquise une fois pour toutes.

Or c'est elle qui est objectivement menacée. Face à l'implantation millénaire des religions, son petit centenaire ne fait apparemment pas le poids. Fragile laïcité, esquif vaillant venu de l'esprit des Lumières, elle tangue sur la mer houleuse des credo. Elle a réussi, miracle dans l'Histoire, à dégager le spirituel de la foi, à fonder le progrès personnel sur une éthique sans péché, à soumettre la notion de respect au tamis de l'esprit critique.

Alors je demande à nos beaux esprits qui font l'opinion et qui se réfèrent au respect des cultures :

- La relégation des femmes au statut d'inférieures, avec son symbole, la burqa, est-elle digne de respect et compatible avec l'égalité des sexes inscrite dans la Constitution française ? Ont-ils idée de l'agression symbolique que représente ce suaire pour nous, femmes et féministes qui nous inscrivons dans un long combat de libération ?

- La référence obsessionnelle à un Livre fondateur, écrit il y a quatorze siècles, est-elle compatible avec le respect en l'humain, susceptible d'évolution et de progrès ? L'avenir n'a-t-il comme horizon que le passé ? Il faut que nos beaux esprits reprennent leurs esprits. L'opinion ne leur appartient pas, ils ne peuvent rester sourds à cette montée silencieuse de l'exaspération. Une exaspération, nourrie jour après jour par des prises de position univoques et bien pensantes, sans rapport avec le sentiment général. Il faut leur rappeler deux vérités incontournables.

Tout n'est pas digne de respect dans une culture, ou une religion. Le respect aveugle relève d'une démarche fondée sur la foi, pas sur la raison. L'étranger se doit de respecter les us et lois du pays d'accueil.

Le principe d'équivalence fait perdre la notion du juste. Il constitue une dérive grave de la notion d'égalité. L'idée d'équivalence est paternaliste, elle fait comme si tout le monde "il est beau, il est gentil", pour ne pas faire en sorte que tout le monde soit moins inégal. Nos beaux esprits se drapent dans leur bonne conscience de fils d'ex-colonisateurs, sans voir qu'ils continuent sur la lancée de leurs géniteurs. Bon Blanc ne saurait mentir... Démagogique à vomir, leur lamento à longueur de colonnes sur les déficits de multiculturalisme, et le retour supposé de la nation. Moi, je leur demande : comment traitent-ils à la maison leur compagne et leur femme de ménage ? Seuls comptent les actes du quotidien, et le diable gît dans les détails.

Pendant ce temps, la majorité des gens, dont ils sont coupés, et qu'ils culpabilisent à bon compte, étouffe de colère, et se défoule dans les urnes. Le Front national a de beaux jours devant lui. Le problème n'est pas l'islamophobie, mais une atteinte sournoise et grave à ce qui constitue l'identité de citoyen républicain. Rien à voir avec l'idée de nation ou la crispation identitaire.

Il s'agit de préserver les fondements universels de l'idéal républicain, si chèrement acquis : liberté, égalité, fraternité, laïcité. Ils sont encore en ébauche, tous frais émoulus de millénaires d'obscurantisme. Et voilà qu'on perd de vue l'essentiel : c'est la démocratie, en plein chantier, qu'il faut défendre et parfaire, pas les religions. Et s'il flottait dans l'air comme un climat de "républicophobie" ?

Anne Zelensky est présidente de la Ligue du droit des femmes.

La parité remise en question?

21/12/2009
http://labreche.20minutes-blogs.fr/archive/2009/12/19/la-place-des-femmes-en-politique-la-representation-paritaire.html
La parité remise en question?

La place des femmes dans la politique française stagne depuis quelques années. Plus encore, les fragiles progrès effectués depuis quelques années sont-ils menacés ?

Une histoire récente

C’est en 1992, avec la publication du livre Au pouvoir citoyennes : liberté, égalité, parité de Françoise Gaspard, Claude Servan-Schreiber et Anne Le Gall, qu’une nouvelle notion, la parité, fait son apparition dans le champ politique. Les trois auteurs réclament que la parité, c’est à dire l’égalité de représentation entre hommes et femmes dans les instances politiques et administratives, soit inscrite dans la loi. Cette ambition reçoit le soutien des instances européennes, qui sont en avance sur la France sur ce sujet. Puis, en novembre 1992, à la demande de la Commissions des communautés européennes, est organisé à Athènes le premier sommet européen, « Femmes au pouvoir ». Il réunit les femmes ministres et anciennes ministres et adopte une charte énonçant que « la démocratie impose la parité dans la représentation et l’administration des nations ».

En France, l’élan se poursuit, et en 1994, la classe politique de gauche demande l’inscription de la parité dans la Constitution. Lors des élections européennes de 1994, les listes des partis de gauche sont quasiment toutes paritaires, sur le mode dit « chabada » alternant un homme, une femme, et ainsi de suite. Puis, le 18 octobre 1995, Jacques Chirac crée par décret (n° 95-1114) l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, placé auprès du Premier ministre.

De l’égalité à la « parité »

Après la dissolution de l’Assemblée nationale et la victoire de la gauche plurielle, le nouveau Premier ministre Lionel Jospin tient ses engagements de campagne et, le 17 juin 1998, fait signer à Jacques Chirac le projet de loi constitutionnelle relatif à « l’égalité entre les hommes et les femmes ». Après plus d’un an de discussions le texte est finalement adopté en Congrès, par 741 voix contre 42, bien au-delà de la majorité des trois cinquièmes (470 voix). Cette loi du 7 juillet 1999 introduit à l’article 3 de la Constitution une nouvelle exigence : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. » L’article 4 fait reposer la responsabilité de sa mise en œuvre sur les partis politiques. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 déplace la phrase vers l’article 1er de la Constitution, et la complète en étendant l’exigence d’égalité « aux responsabilités professionnelles et sociales ».

Enfin, c’est la loi n°2000-493 promulguée le 6 janvier 2000, qui prévoit la parité alternée pour les élections européennes, régionales et sénatoriales à la proportionnelle, et à la parité par tranche de six pour les élections à deux tours, comme les municipales. Pour les élections législatives les partis doivent présenter 48% de candidates ; dans le cas contraire, ils s’exposent à des sanctions financières.

Il est toutefois utile de retenir que ces différentes modifications ne sont, pour aucune d’entre elles, aussi claires et générales que la mention effectuée à l’alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946, dont la valeur constitutionnelle demeure assurée par la référence de la Constitution de 1958. C’est donc depuis 1946 que, en théorie du moins, « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. » Les débats sur la parité ont-ils pour autant permis des progrès, par rapport aux principes édictés il y a plus de soixante ans ?

Plus de textes, toujours aussi peu de femmes

Cette multiplication des débats sur la parité, et des textes censés la mettre en œuvre, ont bien fait entrer des femmes en politique. Pourtant, en observant le pourcentage de femmes élues lors des élections qui ont suivi ces réformes, on constate qu’elles sont encore peu nombreuses à assurer des responsabilités électives. En effet, en 2005, on recense 12% de femmes députées, 11% de sénatrices ou encore 10% de maires. On compte 47,6% de femmes conseillères régionales, une seule présidente de région.

Au fond, qu’est ce que la parité ? Cette notion tant rebattue appelle une précision lexicale. Elle ne désigne pas autre chose que le passage du principe constitutionnel et fondamental d’égalité, à une forme d’égalitarisme. La parité consiste donc, simplement, à organiser le corps social et le corps politique, et d’une manière générale la société, sur la base d’une représentation fixe et égale entre les deux sexes, entre l’homme et la femme, quelles que soient leurs conditions de fortune ou leurs origines.

parité.jpgGeneviève Fraisse, historienne et philosophe française, s’interroge dans un article sur le mot parité. Pour elle, « la parité un mot bon à tout faire ». Elle en montre les limites. et le définit comme « l’égal mélange, et la mixité en est évidemment une image approximative ». Alors que la parité est censée constituer une traduction pratique de l’égalité, il n’en est rien. D’une part parce qu’il ne s’agit pas un concept explicite, et d’autre part parce qu’il réduit le principe d’égalité à une application très schématique. Aussi, l’application est défectueuse : les lois ne s’intéressent qu’aux candidats présentés, et non à ceux qui sont élus. Dans les scrutins de listes, les femmes sont bien rarement têtes de listes, et plus l’exposition médiatique est faible, moins leur part est importante : près d’un tiers des têtes de listes étaient des femmes aux élections européennes de 2009, contre 15% aux élections municipales de 2008, selon les chiffres établis par l’Observatoire de la parité.

Ces statistiques apparaissent d’autant plus faibles que les voisins européens de la France ont fait une place plus importante aux femmes en politique. En Belgique, la loi interdit que plus des deux tiers des candidats, quelle que soit l’élection, soient du même sexe. Cette loi est générale et égalitaire car elle ne désigne pas un public particulier. Elle ne discrimine pas positivement les femmes. Ensuite, en Allemagne, les partis depuis 1988 ont décidé de faire plus de places aux femmes, sans que cela nécessite l’adoption de mesures contraignantes. En effet le SPD réserve 40% des candidatures aux femmes. Chez les Verts, les places impaires sur les listes sont réservées aux femmes. Le CDU/CSU, dont la modification statutaire, plus récente, date de 1996, attribue 30% des candidatures à des femmes. Angela Merkel, qui assume depuis 2005 le poste de chancelier fédéral, incarne ce changement, mais celui-ci est également visible au Bundestag où un tiers des sièges sont occupés par des femmes. Un tel exemple montre que la fixation de quotas n’est pas le seul recours, et que la coercition n’est pas forcément la plus efficace. Au contraire, la parité française résume l’enjeu au respect d’obligations arithmétiques, quand ce sont les mentalités qu’il importe de faire évoluer.

L’élection des conseillers territoriaux : une menace pour la parité en France

Le 23 octobre 2009 dans un communiqué de presse, l’Observatoire pour la parité entre hommes et femmes livrait ses inquiétudes concernant le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux. Ce dernier entraînerait de façon prévisible un recul de la place des femmes élues. C’est le chapitre II, précisant les modes de scrutin, qui est particulièrement remis en cause, car il prévoit un suffrage mixte. En effet, 80% des conseillers territoriaux seront élus au scrutin majoritaire uninominal à un tour. Et, pour les 20% restants, il s’agirait d’une répartition à la proportionnelle aux suffrages émis dans les cantons.

Dans le cadre d’un scrutin uninominal, un siège est à pourvoir par circonscription, et le candidat qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages est élu. Le problème étant, comme il l’est dit dans les rapports d’études d’impact de l’Observatoire, que, pour les scrutins uninominaux, sans mesures contraignantes, les partis politiques en écartent les femmes. L’Observatoire rappelle également « que les assemblées concernées par le scrutin uninominal présentent des résultats déplorables en matière de parité. » Pour preuve, les élections cantonales de 2008 ont permis l’élection de 87,7% d’hommes pour 12,3% de femmes. Enfin, l’Observatoire considère, sur la base d’une projection femmes-hommes aux élections territoriales de 2014, prenant en compte les proportions de femmes et d’hommes élus dans les conseils régionaux et généraux, que les 80% de sièges pourvus au scrutin uninominal permettraient l’élection de 9,8% de femmes élues pour 70,2% d’hommes. Dans le même temps, les 20% soumis au scrutin de liste permettraient l’élection de 9,5% de femmes pour 10,5% d’hommes. En somme, ce projet qui conduirait mathématiquement à réduire la part des femmes élues, peut se révéler anticonstitutionnel au regard de l’article 1er de la Constitution.

À bien considérer l’utilité d’un scrutin uninominal pour assumer des responsabilités au sein des conseils généraux et régionaux, une question mérite alors d’être posée. Ces élus n’ayant aucunement vocation à représenter une circonscription comme les élus municipaux, le projet sur les conseillers territoriaux n’aurait-il pas comme objectif politique, précisément, de limiter un peu plus le nombre de femmes susceptibles de menacer les élus en place, très majoritairement des hommes ?

dimanche 20 décembre 2009

«Le but des adultes était de faire entrer les enfants en guerre»

http://www.liberation.fr/vous/0101609756-le-but-des-adultes-etait-de-faire-entrer-les-enfants-en-guerre

Vous 21/12/2009 à 00h00
«Le but des adultes était de faire entrer les enfants en guerre»

Frédérick Hadley, historien, rappelle le rôle des jouets en 14-18 :

Recueilli par W. L. D.

Frédérick Hadley est attaché de conservation à l’Historial de la Grande Guerre de Péronne, et spécialiste des jouets du XXe siècle.

Le jouet est-il aussi un support de l’identité nationale ?

Absolument. Le jouet a toujours été un vecteur de transmission de messages forts. Les exemples à travers l’Histoire sont multiples. Ainsi, durant la Première Guerre mondiale, les fabricants de jouets se sont immédiatement et fortement mobilisés, afin de produire des jouets à caractère nationaliste permettant d’inculquer, dès le plus jeune âge, un discours mobilisateur qui explique et justifie la guerre. Ce discours passe par des valeurs et des emblèmes servant d’exemple à suivre comme le drapeau maintes fois repris mais aussi par la haine viscérale de l’ennemi. Les jouets étaient d’une extrême violence, la mort de l’ennemi y était mise en scène dans les jeux de massacres ou de plateau. Il y avait par exemple un jeu de stratégie qui s’appelait «le Maudit», au sein duquel les alliés devaient encercler le kaiser allemand, et ainsi, le tuer symboliquement. Les Allemands étaient systématiquement représentés sous le prisme de la défaite. Le but des adultes était de faire entrer également les enfants en guerre.

Etait-ce une commande de l’Etat français ?

Ce serait trop simple. Les fabricants de jouets ont voulu prendre part à leur manière au conflit et ont ainsi impliqué les jeunes générations. Ils avançaient l’argument de responsabilité. Ils croyaient, en commercialisant des jouets idéologiquement forts, répondre à une attente des parents. Le plus intéressant, c’est qu’il s’agit ici d’un exemple éloquent de propagande par le bas et non par le haut.

Ces jouets ont-ils eu les effets escomptés auprès des enfants ?

D’abord, nous avons à l’Historial des témoignages de jeunes enfants attestant que ces jouets ont bien été en leur possession. Nous savons que des jouets très vindicatifs représentant des soldats armés, ou des cadavres allemands plongés dans la boue des tranchées, se retrouvaient sans aucun souci entre les mains d’enfants de 2, 4, voire 5 ans. Il semble que le message délivré par les jouets ait eu son impact puisque nous avons retrouvé des travaux scolaires attestant l’idée que la France menait une guerre juste ! Sur le même schéma, les enfants furent un enjeu majeur d’après-guerre, aussi bien dans les discours mobilisateurs que pacifistes. Des affiches des années 30 reprenaient ce slogan : «Enfants ne jouez pas à la guerre !»

Les jouets contemporains relaient-ils également un message engagé ?

Oui. Avec un degré de violence bien moindre dans nos sociétés occidentales. Néanmoins, lorsque vous voyez certains war games (jeux vidéos de guerre), vous vous rendez compte que la manière de rejouer les grandes batailles de France et même du monde n’est pas neutre. L’idée suggérée est bien de faire triompher son pays, et de, quelque part, rejouer l’Histoire tout court. Il existe également toujours sur le marché actuel des figurines nationalistes. Le jouet n’a jamais été innocent.

Les joujoux sont-ils siinnocents ?

Vous 21/12/2009 à 00h00
Les joujoux sont-ils siinnocents ?
http://www.liberation.fr/vous/0101609754-les-joujoux-sont-ils-siinnocents

allons z’enfants . Outils de la propagande conservatrice ou symboles de la diversité, les jouets incarnent toujours une certaine idée de la société.



Par Willy Le Devin

Et si les jouets, non contents de faire du sexisme, façon poupon pour les filles, camion pour les garçons, reflétaient aussi une certaine identité nationale ? Bref, seraient-ils de petits ersatz d’une certaine idée de la France ? Idée farfelue et déplacée pour certaines marques qui plaident la candeur et la fonction de l’objet. «Affirmatif, mon capitaine», réplique un panel de pédopsychiatres et d’historiens ayant perçu des cocoricos plus ou moins explicites disséminés dans les joujoux. A les entendre, il n’y aurait donc pas que des jouets innocents. «Les jouets ont souvent été mis au service d’une idéologie afin de véhiculer des messages aux enfants. Leur efficacité est importante puisqu’ils agissent comme un support matériel qui accompagne les progrès et l’éveil. Pour exemple, à l’époque de la Grèce antique, nous savons que les petits jouaient avec des chevaux de bois ! [guerre de Troie, ndlr]. Voyez également comme les Barbie ont pesé sur la façon d’être une femme», affirme le pédopsychiatre Marcel Rufo. Effectivement, des traces de jouets très engagés, manipulant les consciences infantiles, se trouvent notamment à l’Historial de la Grande de Guerre de Péronne (Picardie). Les collections regorgent de jouets utilisés par les petits Français de l’époque, et les messages sont on ne peut plus explicites : un chariot en bois peint sur lequel trône un coq bleu blanc rouge agressant un soldat allemand…

Bimbo. Oui mais aujourd’hui ? La tendance est plus diluée, plus suggérée. L’omnipotence du marketing a partiellement remplacé l’objectif nationaliste par l’objectif économique, comme l’explique Gilles Brougère, professeur en sciences de l’éducation à Paris-XIII : «Les jouets ont eu des vertus éducatives plus certaines à des époques antérieures. Aujourd’hui, les jouets sont devenus majoritairement des objets de divertissement, de consommation. Ils se placent sur le terrain de la fiction.» Reste que, dans les rayons des magasins, où les disparités entre les fabricants se matérialisent véritablement, rien ne semble vraiment gratuit. A cent lieues des Barbie qui, blanches, noires ou jaunes, ne font guère que véhiculer le stéréotype de la bimbo, le fabricant de poupées Corolle a fait de la diversité un combat. «Lorsqu’il y a trente ans, notre fondatrice a lancé la marque, elle désirait que ses poupées collent le plus possible à la société. Nous avons ainsi été les premiers à commercialiser des poupons noirs, métisses, asiatiques. La diversité est dans l’ADN de la marque. Nous savons que des mamans achètent à leur petite fille des poupons de chaque ethnie pour les ouvrir à la connaissance de l’autre. Nous sommes présents dans une trentaine de pays et nous constatons des différences de consommation. Chaque nation achète en fonction de son identité, de ses goûts, de sa culture, de son histoire», confirme Mathilde Gailly, directrice marketing de Corolle. Ainsi, des pays tels que les Pays-Bas, l’Allemagne ou ceux d’Europe du Nord consomment des poupons avec des tenues vestimentaires très flashy, colorées, avec du jaune fluo, du orange. Les Américains aiment plutôt le rose. En France, le poupon asiatique est numéro 1 des ventes depuis deux ans…

nucléaire. Chez Playmobil, autre enseigne très emblématique, c’est une autre France qui se dessine. «Nous mettons un point d’honneur à ne pas entrer dans des considérations politiques, religieuses, sexuelles, et guerrières», assène Cécile L’Hermite, directrice commerciale de la marque. Pourtant, en feuilletant trente ans de catalogue Playmobil, les messages lancés au bambin sont à peine feints : l’immigration est absente, aucun couple mixte n’existe, une nonne datant de 2004 exhibe une croix, la femme est très souvent assignée aux tâches ménagères, la famille nucléaire (papa-maman-le fils-la fille) est plébiscitée. Mais pourquoi ? «Il n’y a aucune ambition particulière cachée. Nous faisons des thèmes qui existent, voilà tout.» Mais quand même, pourquoi n’y aurait-il donc pas des thèmes islam ou judaïsme ? «Rien n’est fermé», avance-t-on encore du côté de la direction marketing. Dans les années 80, Playmobil a pourtant mis sur le marché des thèmes «Safari» au sein desquels l’homme noir était représenté de façon extrêmement douteuse. Depuis, ces boîtes ont été retirées des ventes, de même qu’un ensemble intitulé «Couple arabe», arborant une femme voilée… A croire que les débats brûlants de la société éclaboussent jusqu’au marché du jouet ? «Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire. Vous regardez tout cela avec votre regard d’adulte», concède, gênée, Cécile L’Hermite. Ivan Boccon-Perroud, président de l’association de fans Générations Playmo, connaît la marque sur le bout des ongles : «Playmobil cible culturellement et financièrement une clientèle plutôt catho, aisée. Une partie de la société française peut ne pas se retrouver dans leurs thèmes, c’est vrai. Playmobil, finalement, c’est une idée de la France.»

samedi 19 décembre 2009

guerre des sexes

Plus je lis, plus je trouve que ce que l'on reproche injustement au féminisme par ignorance ou hypocrisie -"vouloir la guerre des sexes"- est justement ce que le féminisme ne veut pas et surtout veut y mettre fin.
Car cette fameuse guerre des sexes est en fait entretenue, reproduite en accentuant les différences entre les sexes. Cette différenciation qui se double d'une hiérarchisation des sexes qui seraient complémentaires est construite, développée.

mercredi 16 décembre 2009

Le cheval, un animal de compagnie... féminine

Compte rendu
Le cheval, un animal de compagnie... féminine
LE MONDE | 15.12.09 | 16h33 • Mis à jour le 15.12.09 | 16h33
http://www.lemonde.fr/aujourd-hui/article/2009/12/15/le-cheval-un-animal-de-compagnie-feminine_1280914_3238.html



L'intitulé du débat "Le cheval, animal de droite ou de gauche ?", organisé par le Salon du cheval de Paris - qui s'est clos dimanche 13 décembre - laissait attendre une réponse convenue : oui, le cheval est connoté de droite, vu son coût et les valeurs aristocratiques qu'il véhicule, mais il se démocratise...
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Rien de tout cela ! Un aréopage de passionnés a assuré que le cheval, bien qu'il ait été, pendant des siècles, un "animal de pouvoir et de domination", n'est plus, aujourd'hui, "un animal politique", pour reprendre le titre d'un récent ouvrage de l'écrivain Jean-Louis Gouraud, qui animait la discussion. Instrument de la guerre et de la victoire, apanage du chef, le cheval a "perdu toute charge symbolique", en même temps qu'il est devenu "le troisième animal favori des Français derrière le chien et le chat"... et le préféré des petites filles.

"L'équitation est devenue un sport de gonzesse !", tonne Jean-Pierre Digard, directeur de recherche émérite au CNRS. En 2009, la Fédération française d'équitation compte 80 % de cavalières, sur 650 437 licenciés. "Un garçon qui veut faire du cheval est aujourd'hui regardé comme autrefois lorsqu'il voulait faire de la danse classique", selon M. Digard.

L'engouement des filles pour le cheval ne s'est pas traduit, cependant, par une féminisation de la compétition de haut niveau, qui reste un bastion masculin. L'équitation telle qu'elle est désormais pratiquée, notamment dans les petits clubs, serait, en effet, une "éducation à la compassion", à "la sollicitude", qui contribuerait au "renforcement des stéréotypes sexués", a assuré Catherine Tourre-Malen, cavalière, instructrice d'équitation et maître de conférences à l'université Paris-XII (Val-de-Marne).

"Noeuds-noeuds"

"Aux petites filles, on apprend à soigner le poney puis le cheval, à faire des petits noeuds-noeuds avec sa crinière ou à préparer la selle, sur un mode affectif, tandis qu'aux garçons, qui sont de plus en plus rares et qui ne veulent plus être mélangés aux filles, on enseigne, à part, les jeux à cheval, qui font référence à l'exploit ou à la chevalerie", affirme Mme Tourre-Malen. Dans l'assistance, un responsable de club prend la parole pour expliquer que "les petites filles adorent ça, et qu'elles n'ont pas le sens mécanique"... Mme Tourre-Malen voit dans ce propos la démonstration même de sa critique d'un certain "marketing de l'équitation", et conseille aux filles d'"aller manier des épées".

Cette féminisation de l'équitation, qui n'aurait rien de féministe, contribuerait à modifier le statut du cheval, dont certains élus veulent désormais faire un animal de compagnie. "Ce serait catastrophique !", s'est exclamé M. Digard. "La convention de protection de l'animal de compagnie interdisant les moyens de dressage artificiels, on peut penser que les éperons, le mors ou la cravache seraient bannis. L'important, pour le cheval, ce n'est pas son bien-être, ce sont ses débouchés... y compris l'hippophagie, alors mangez du cheval !", appelle-t-il de ses voeux. "Surtout si vous êtes une femme !, renchérit Mme Tourre-Malen. Et si vous hésitez, commencez par le saucisson d'âne."
Rafaële Rivais

Femmes sportives, corps désirables

http://www.monde-diplomatique.fr/2000/10/LOUVEAU/14322

Au-delà des Jeux olympiques de Sydney
Femmes sportives, corps désirables

Une femme est-elle libre de pratiquer le sport de son choix ? Dans les pays occidentaux, cela ne prête guère à discussion : si les femmes s’investissent majoritairement dans les disciplines « gracieuses » et répugnent aux sports « virils », c’est que tel est leur choix. A y regarder de près, pourtant, cette propension n’est qu’une construction sociale, qui réglemente les représentations et les pratiques « acceptables » du corps, et perpétue la division des rôles. Aux hommes le « faire », aux femmes le « plaire ».
Par Catherine Louveau

Sur les terrains de sport, les femmes ne sont plus jugées comme inconvenantes ou incapables. De plus en plus d’entre elles pratiquent une activité physique régulière (64 % des femmes de 14 à 65 ans, et 72 % des hommes) et tous les sports leur sont en théorie ouverts. Mais les pratiques sportives, comme on peut le constater à Sydney à l’occasion des Jeux olympiques, restent des territoires sexués.

Dès l’enfance, les filles manifestent un intérêt moindre que les garçons pour les situations d’affrontement et de rivalité, et à se mesurer aux autres. Modalités majoritaires de la pratique masculine du sport : technique, entraînement, attachement aux valeurs traditionnellement instituées du succès (performances, clas sements), collectif, solidaire. Pour les femmes, en revanche, le jeu, l’entretien physique, l’attachement aux finalités personnelles ou aux aspects relationnels sont prépondérants, dans une pratique individuelle, voire solitaire. Comme si ce devait être plus volontiers sport pour eux et corps pour elles. On ne saurait laisser les attributs de son sexe au vestiaire.

Les modes d’engagement sportif des hommes et des femmes traduisent en effet la façon qu’ils ont d’investir l’espace et le monde. Les représentations « permises » dans le sport sont les mêmes que les métiers « autorisés » aux femmes. Montrer ou exercer sa force, se livrer à un combat, porter ou recevoir des coups, prendre des risques corporels sont autant d’attributs que les femmes semblent ne pas pouvoir faire leurs et qui appartiendraient donc, en propre, à la masculinité.
Conservatoire de la virilité

En prêtant attention à ce que les femmes font, à ce qu’on montre d’elles, à ce qui est dit d’elles (et à ce qui n’est ni dit ni vu), on voit se dessiner des normes d’apparence corporelle : une prescription de féminité. Les femmes sportives posent (malgré elles) la question du corps et de la féminité conformes à la désirabilité sociale.

Les femmes sont quasi absentes de l’information (1) et, quand elles y sont présentes, c’est de manière stéréotypée : rapportés à la sphère affective ou sexuelle, à la famille, aux enfants. Alors que l’ensemble de la profession de journaliste compte un tiers de femmes, elles sont quasiment absentes du jour nalisme sportif (90 femmes sur 1 800 journalistes affiliés à l’USJSF). Lors des Jeux olympiques d’Atlanta, en 1996, on ne comptait que 10 % de femmes parmi les journalistes français accrédités. Conséquence ? Si les femmes représentent en France 30 % des sportifs de haut niveau, elles ne sont plus que 10 % des athlètes cités dans les médias (2). Pour se frayer un chemin dans les pages des magazines, les sportives doivent impérativement gagner.

Le sport féminin représente en moyenne 16 % du volume occupé par les pages sportives..., qui ne comptent que pour 1 % des pages dans la presse « féminine ». La télévision française, en 1997, a consacré les deux tiers de ses retransmissions aux sports les plus masculins (football, cyclisme, rugby, sports mécaniques, boxe). Le tennis, l’athlétisme et le golf, où figurent quelques sportives, n’ont représenté que 17 % du temps total... restaient les 25 heures (1,2 % du total) de patinage, un sport assurément féminin. Où il est question de « grâce » des gestuels et des figures, où les apparences sont travaillées à travers les tenues et le maquillage, où le corps productif, en fin de compte, importe moins que le corps esthétique : là sont les sports féminins qui retiennent l’attention, l’audience.

Ecoutons les journalistes sportifs : l’homme est décrit dans ce qu’il fait ; lorsqu’il s’agit de la femme, impossible d’échapper à une appréciation esthétique. Lorsque la sportive paraît, cherchez la femme : « La toujours belle et toujours aussi rapide Florence Griffith Joyner », ou l’alpiniste Catherine Destivelle, qui, « tranquillement redoutable derrière son joli sourire, arrive toujours au sommet ». L’Equipe magazine (3) n’avait pas hésité à opposer, sur la question de la « féminité », la cycliste Jeannie Longo à Muriel Hermine (natation synchronisée). En légendant une photographie de cette dernière (« belle et féminine »), le journaliste indiquait : « La faute à qui si Longo rime avec macho et Hermine avec féminine ? » L’une était conforme au référent normatif de la « féminité », l’autre non.

La pratiquante de natation synchronisée, la danseuse, la gymnaste ou la patineuse représentent le « modèle » de la femme sportive. On le perçoit bien lorsque les femmes s’adonnent à des sports « de tradition masculine », ou quand elles ont des morphologies différentes de cette femme « canon ». Ainsi en cyclisme : « L’ascension sur Morzine, en particulier, permet de convaincre les milliers de spectateurs présents que les filles, elles aussi, savaient tenir sur un vélo. Certes, il serait plus féminin de les imaginer actrices ou mannequins, mais il serait bon que l’homme, en 1985, comprenne enfin que la femme n’a pas pour rôle permanent d’être féminine afin de séduire le mâle. Quelques filles du peloton d’ailleurs [nous soulignons] n’ont pas grand-chose à envier question physique aux modèles de Play-boy. Enlevez leur cuissard, maquillez-les et vous ne serez pas déçu (4). »

Sous le maillot, comme sous ces propos ambigus, c’est bien LA femme que l’on cherche... et que l’on exige. Les sportives des pays de l’Est n’étaient-elles pas décrites, à la fin des années 80, comme des « erreurs de la nature » et des « monstres (5) » ? Le sport se pose à la fois en conservatoire d’une excellence féminine stéréotypée et en conservatoire des vertus viriles. La diversité des morphologies appartient à des concevables masculins ; on imagine mal qu’un sauteur en hauteur puisse avoir la même corpulence qu’un lanceur de poids. Mais on voudrait des sportives qu’elles soient toutes semblables, minces et longilignes, comme si, pour elles, l’efficacité gestuelle et technique pouvait être indépendante des capacités physiques et des pré-requis morphologiques.

« Le sport menace-t-il leur beauté ? », question récurrente se conjuguant exclusivement au féminin : « Il n’y a rien de plus beau au monde qu’une Mary Decker qui court. Ses adorables jambes, qui eurent à juste titre les honneurs d’un grand magazine américain, engendrent une foulée qui demeure sans cesse élégante et racée, même [nous soulignons] au plus profond de l’effort (6). » La sportive est tenue de faire la démonstration (sinon la preuve) de son identité en usant des artifices propres aux femmes : cheveux mis en forme, bijoux, maquillage ou ongles vernis (comme ce fut demandé à toutes les participantes de la Grande Boucle - le Tour de France féminin - en 1999). Par ces signes, de surface, mais donnés comme constitutifs de la féminité, les sportives peuvent espérer être perçues pour ce qu’elles sont et aussi pour ce qu’elles font. Manqueraient-ils, que se déchaînent volontiers la suspicion, l’inquiétude et une violence verbale à peine contenue.

A bien regarder les marginalités tolérées et celles qui ne le sont pas, deux terrains d’expression de la virilité se dégagent : l’un fait de connaissances et de savoir-faire, l’autre, plus « personnel », fait d’usages et d’images du corps - l’un et l’autre caractérisant l’homme dans son rapport aux autres, aux objets, au monde extérieur. Les femmes peuvent, sans trop déroger, s’approprier certaines prérogatives du premier (voir la reconnaissance de Florence Arthaud, Michèle Mouton, Catherine Destivelle), mais elles violent un tabou quand elles s’arrogent certains aspects du second (boxeuses, lutteuses, joueuses de rugby demeurent invisibles dans les médias).

Elles subissent alors un procès de virilisation, qui demeure d’actualité dans le sport quand ailleurs il est tombé en désuétude. Comme les écrivaines et artistes d’autrefois, dès que des femmes sortent des espaces et des rôles qui leur sont strictement assignés, elles sont désignées comme masculines, « viriles », voire asexuées. Rompant avec le rôle imparti aux femmes, elles ne peuvent que se masculiniser.

Les « affaires » de doute quant au sexe réel des athlètes sont anciennes. Dans la première moitié du XXe siècle, il est commun de penser que le sport virilise les femmes. Ce « trop de virilité » amènera à la mise en place du test de féminité comme à la suspicion de la prise d’hormones mâles par les sportives dans les années 60. Au fil du temps, les morphotypes des sportives se sont, de fait, rapprochés de ceux des sportifs : gestuels et efficacité technique se ressemblent, tout comme les corps, dans leur apparence comme au plan fonctionnel. Le physique avantageux des sportives, du fait de la nature, de l’entraînement ou de l’absorption d’androgènes, est indistinctement rapporté à ce procès récurrent. Leur virilisation « naturelle » ou « artificielle » et la suspicion quant à leur féminité se confondent durablement dans l’histoire. Comme on a pu le remarquer avec Amélie Mauresmo, l’homosexualité (déclarée ou présumée) amène à ce même procès : sont-elles de vraies femmes ?

Le sport réclame de « vraies » femmes et de « vrais » hommes au sens le plus classique. Or la pratique sportive amène la question de la ressemblance voire de la confusion entre hommes et femmes. Ici, le corps n’est jamais évacué. Il est le vecteur premier où s’inscrit l’identité de chacun. Le corps du sportif est agissant, donné à voir, vu et perçu.

A travers cette représentation des corps, le sport devient le lieu où se joue l’imaginaire de l’Autre. Une masculinité et une féminité dessinées par leurs dif férences les plus accusées s’y expriment et s’y mettent en scène. Le sport veut et forge des femmes idéales, belles pour (le) séduire, de même que des hommes idéalement virils, c’est-à-dire forts ou courageux pour (la) conquérir. Les pratiques, les images et les discours du sport ont ce point commun : c’est l’image qu’elle donne à voir d’elle-même qui fait la femme, comme c’est l’action qui fait l’homme.

Aux balbutiements du sport féminin, le baron Pierre de Coubertin traçait les limites de l’acceptable : « Techniquement, les footballeuses ou les boxeuses qu’on a déjà tenté d’exhiber çà et là ne présentent aucun intérêt, ce seront toujours d’imparfaites doublures. (...) si les femmes sportives sont soigneusement dégagées de l’élément spectacle, il n’y a aucune raison de les proscrire. On verra ce qui en résulte (7). » Et l’on dira des gymnastes, dans les années 40, qu’« elles ne devraient jamais donner, aux barres parallèles, le spectacle de visages grimaçants, de contractions douloureuses en cours d’exercices, de chutes pénibles ».
Au cœur de l’effort

Les images de sportives saisies au cœur de l’effort restent minoritaires, quand elles ne sont pas montrées comme contre-exemples. Ainsi, lors du premier marathon olympique féminin, en 1984 à Los Angeles, les caméras restèrent longuement braquées sur l’arrivée de cette concurrente grimaçante et titubante... L’image, maintes fois rediffusée, de Florence Griffith Joyner remportant le 100 mètres olympique de Séoul, en 1988, fut bien celle non de son ultime effort avant la ligne d’arrivée, mais de son sourire une fois qu’elle l’eut franchie.

A travers une sportive qui n’est femme que gracieuse, souriante ou parée, les prescriptions ne s’adressent-elles pas à une seule et même femme - celle qu’on ne peut s’empêcher, fantasmatiquement au moins, de vouloir physiquement posséder, celle qui doit réserver certains de ses visages (comme celui de la souffrance) à l’intimité et à un seul homme ? Dans Les Olympiques (1954), Henry de Montherlant écrit : « En aurai-je vu, de ces jeunes sportives, offrir au regard des curieux, sous l’œil de leurs mères, ce dernier secret que lâche une face défigurée, ce spasme de douleur où l’époux seul jadis avait le droit de se perdre en étant le créateur et le maître. » La sportive souriante, dont on vante la « féminité », et la sportive dite trop musclée, anguleuse, « masculine », sont ainsi les deux faces d’une même icône.

Comment s’étonner alors que les représentations traditionnelles se reproduisent sur les terrains de sport, sur les lieux (et à l’âge) de la découverte de son corps en transformation, quand se dessinent les contours de la masculinité et de la féminité (8) ? Dès le plus jeune âge, on fait jouer les garçons et les filles sur des terrains différents. Les pratiques qu’on leur propose (ou impose) à l’école ou au club sont aussi à repenser : que viendraient faire les filles dans un club si elles ne se reconnaissent pas dans les modalités de compétition qui y sont à l’œuvre ?
Catherine Louveau.

Femmes, Sport

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Catherine Louveau

Sociologue du sport, professeure à l’université Paris-X I-Orsay. Coauteure avec Annick Davisse de Sports, école, société : la différence des sexes, préface de Geneviève Fraisse, L’Harmattan, 1998.
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(1) Enquête « Mediawatch », cf. Virginie Barré, Sylvie Debras, Natacha Henry, Monique Trancart, Dites-le avec des femmes. Le sexisme ordinaire dans les médias, CFD / AFJ 1999.

(2) « Mediawatch », op. cit.

(3) L’Equipe Magazine, 6 novembre 1987.

(4) L’Equipe, 29 juin 1985.

(5) Dossier « La fin des emmerdeuses », L’Equipe Magazine, 10 septembre 1989.

(6) Marcel Hansenne, « Ça suffit les machos », L’Equipe Magazine, 28 novembre 1983.

(7) Pierre de Coubertin. Pédagogie sportive, Paris, 1912, rééd. Vrin, 1972.

(8) Lire aussi, Le sport, elles en parlent, Editions Lunes, préface de Marie-George Buffet, 2000. Du 14 au 16 novembre, l’Insep organise un colloque sur ce thème : entretiens@insep.fr

Le Père Noël est un macho

Le Père Noël est un macho
JOUETS | 09:53 Cette année encore, quelques féministes dénoncent la ségrégation garçons/filles des rayons jouets.

http://www.lesquotidiennes.com/egalit%C3%A9/le-p%C3%A8re-no%C3%ABl-est-un-macho.html

Cécile Denayrouse | 28-11-2008 | 09:53

Aux garçons, le bleu, les pistolets, les robots et les jeux de construction. Aux filles, le rose, les poupées, le maquillage et les jeux créatifs. Année après année, le refrain reste le même. Un p’tit tour au hasard d’un rayon jouets suffit à s’en convaincre. A Genève, 99% des commerces spécialisés donnent le ton. Alors, sexiste le Père Noël?



Huguette Junod en est persuadée. Cette féministe, qui a passé une partie de sa carrière d’enseignante à lutter contre les jouets sexistes, a décidé d’enfiler de nouveau sa tenue de combat.



Une fée très «fifille»

Le samedi 20 décembre, accompagnée d’une poignée de militantes, elle prendra d’assaut des magasins de jouets de la ville pour distribuer tracts et bonnes paroles aux acheteurs potentiels. «Les fabricants de jouets n’ont toujours pas intégré que le monde a évolué depuis les années 50, se lamente l’ancienne prof. Ils nous ressortent les mêmes stéréotypes. J’ai l’impression d’avoir prêché dans le désert pendant trente ans…» Toute-puissance du marché ou manque de lucidité des consommateurs?



A Manor, Sylvia et Cali, sa fille de 5 ans, entament les achats de Noël. Plantée à l’étage des jouets, la fillette tombe en extase devant un déguisement de fée. Sylvia n’est pas surprise: «Je n’ai pas le sentiment de l’orienter, c’est elle qui réclame des objets très fifille…»



Pas si sûr. «En sexuant les jouets, on apprend inconsciemment aux enfants dès le plus jeune âge à se conformer au rôle qu’on attend d’eux à l’avenir», constate Elodie Baerlocher, psychologue sociale à l’Université de Lausanne et spécialiste des questions de genre autour du jeu. «On commence même à avoir des rayons éveil différents pour les nourrissons fille ou garçon. » Vous pensiez le clivage rose/bleu ringard? Et bien non, il prend de l’ampleur.



Dans l’attente du prince charmant

Effectivement, même les catalogues de jouets versent dans le cliché. On y découvre des fillettes souriantes, affairées sur une planche à repasser miniature ou une réplique d’aspirateur, tandis que les garçons bricolent ou s’essaient à des expériences scientifiques.



«On s’évertue à proposer aux petites filles des jeux passifs qui caricaturent la féminité», confirme Colyne, éducatrice pour jeunes enfants et membre du collectif qui a rédigé le livre Contre les jouets sexistes. «Finalement, on leur apprend à s’occuper d’elles-mêmes et de leur intérieur en attendant le prince charmant. » Les garçons, eux, se voient proposer des activités qui valorisent la science, la domination, la force ou le mouvement. En bref, la virilité.



D’autant plus dommage que les différents jeux proposés aux deux sexes n’apportent pas les mêmes bénéfices. En se voyant limiter l’accès aux jeux de construction ou aux robots, les filles acquièrent moins de compétences spatiales et techniques. Pour les garçons, l’interdiction tacite de jouer à la poupée ou à la dînette freine la capacité de communication. «Tout le monde aurait pourtant à gagner à plus de neutralité, affirme Elodie Baerlocher. Ce ne sont pas les jouets qui sont sexistes, mais ce que l’on en fait.»



Choisir ses joujoux

Pas envie d’imposer à son sapin les mêmes clichés sexistes? Certains jouets – comme les jeux artistiques ou créatifs – existent aussi bien en version estampillée «garçon» que «fille». «Il suffit de faire quelques pas de plus pour retrouver le même, d’apparence neutre, explique Elodie Baerlocher. Il faut faire attention au texte écrit sur le packaging autant qu’à la façon dont on présente l’objet à son jeune propriétaire.»



Inutile de forcer un enfant à se diriger vers tel ou tel jouet. Il suffit de lui laisser le choix. Et sans commenter, s. v. p. «Lorsqu’il feuillette un catalogue, si un garçon réclame une Barbie, ça ne fait pas de lui un futur homosexuel pour autant. Un joujou ne détermine pas une identité sexuelle. Malheureusement, on laisse plus facilement une fille jouer avec une pelleteuse qu’un garçon avec une poupée.»



Huguette Junod, quant à elle, est littéralement entrée en guerre contre les jeux violents: «Les garçons sont particulièrement visés: jeux vidéo où l’on s’entre-tue, mitraillettes, fusils, pistolets, figurines de soldats… Pour eux, la violence est omniprésente. Il faut augmenter la vigilance.»



Sexisme de Noël sur Nintendo DS
Jeux vidéo, Société 14/12/2008

http://www.geekmaispastrop.com/2008/12/sexisme-de-noel-sur-nintendo-ds/
En cette période de fêtes, les jeux vidéo sexistes attaquent !
En cette période de fêtes, les publicités pour les jeux vidéo vont bon train. Le long d’un quai de la gare Montparnasse, voici deux panneaux que l’on peut contempler côte à côte :

Mis en regard, face à face : le rose et le bleu, la fille et le garçon, chacun dans ses propres rêves. Cela peut paraître un peu caricatural et désuet. Une maladresse de la part de l’éditeur ?

Celui-ci assume pourtant pleinement son choix. Qu’on en juge par le descriptif du jeu “My Hero - pompier” :

Le rêve de tous les petits garçons enfin à portée de mains !
Les enfants s’identifient souvent aux adultes et ont besoin de référents pour grandir et s’épanouir. La gamme My Hero, entièrement dédiée aux garçons, leur propose de réaliser leur rêve et de s’immerger dans le quotidien d’un pompier.

Leur propose-t-on de réaliser leur rêve, ou bien de s’approprier un rêve, construit pour eux, en fonction de leur sexe ?

La console Nintendo DS semble venir en aide aux parents craignant une perte de repères (de référents, selon l’éditeur) dans les clivages sexuels. L’exemple de la cavalière n’est pourtant pas le plus criant. Qu’on en juge par ces trois titres :

La petite fille se voit ainsi proposer quelques métiers qui lui semblent être, par nature, destinés.

L’offre réservée au garçon n’est pas encore aussi sérieuse, puisqu’on ne trouve ni “Jouons à l’ingénieur”, ni “Jouons au commercial/trader”, etc. Tout juste est-il question de hobbies ou de métiers imaginaires (dont les parents ne considèrent pas sérieusement que leur enfant les choisira un jour) :

Mais revenons à la petite fille, dont l’avenir semble être une préoccupation centrale de l’éditeur Ubi Soft :

La série Léa - passion propose en effet tout une série de métiers ou d’activités en rapport avec son sexe :

Et enfin, si Léa ne parvient pas à trouver de métier, elle pourra envisager de se marier :

Avoir des enfants :

Et faire la cuisine :

Comme autres passions, on regrette l’absence de “Léa passion ménage”. À venir ?

S’il est vrai que chacun est libre d’acheter ou non ce genre de jeux, il reste que ces publicités projettent une image de la séparation des sexes, à destination des enfants, à laquelle on n’est pas obligé de souscrire.

Pour les enfants rebelles, les alternatives sont peu nombreuses. Depuis quelques semaines, le jeu World of Warcraft permet à ses membres (près de 11 millions actuellement, à travers le monde) de modifier les caractéristiques de leur personnage, et en particulier son… sexe. Une nouvelle passion pour Léa, enfin libérée du sexisme ambiant ?

Antiféminisme: le massacre qui a traumatisé le Québec

Antiféminisme: le massacre qui a traumatisé le Québec
LE MONDE 2 | 11.12.09 | 13h23 • Mis à jour le 14.12.09 | 14h54



Envoyée spéciale à Montréal

Sur le campus enneigé de l’université de Montréal, c’est la dernière heure du dernier jour de la session d’automne à l’Ecole polytechnique. L’ambiance est à la fête et au « tintamarre » pour ceux des étudiants qui achèvent leur cursus. Personne n’a rien compris quand un jeune homme est entré, une carabine semi-automatique dans un sac en plastique à la main. Il a rejoint sans encombre une salle de cours d’ingénierie mécanique au deuxième étage.
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Sur la Place du 6 décembre 1989 à Montréal, la plaque en hommage au massacre à l'Ecole polytechnique.
Reportage Antiféminisme : le massacre qui a traumatisé le Québec

Là, le dénommé Marc Lépine, 25 ans, fait face aux étudiants et leur ordonne de se séparer en deux groupes distincts : les garçons d’un côté, les filles de l’autre. Histoire de prouver sa détermination, il tire un coup de fusil au plafond. Il commande aux hommes – une cinquantaine – de sortir, puis s’adresse aux neuf femmes qu’il tient en joue. "Vous êtes des femmes, vous allez devenir ingénieures. Vous n’êtes toutes qu’un tas de féministes, je hais les féministes."

COURSE MEURTRIÈRE

L’une d’elles esquisse un geste, tente de lui parler. Lépine rétorque en appuyant sur la gâchette. Il tire sans discernement, en blessant trois, en tuant six. Puis il tourne les talons et continue sa course meurtrière à la cafétéria, dans les couloirs, dans une autre classe, blessant des étudiants, épargnant des garçons, s’acharnant sur d’autres jeunes filles, en achève une au couteau de chasse.

Au bout de vingt minutes de carnage, le tueur retourne son arme contre lui, meurt sur le champ. Il vient d’assassiner quatorze femmes – douze étudiantes, une élève-infirmière et une employée –, d’en blesser douze autres ainsi que deux jeunes hommes. Et de traumatiser durablement le Québec. C’était le 6 décembre 1989. Qui pourrait l’oublier ?

INTROSPECTION DOULOUREUSE

Chaque année à la même date, le Canada se souvient, se recueille en mémoire des victimes. Et se livre à une introspection douloureuse : comment un tel drame a-t-il pu se produire dans cette paisible société considérée comme un modèle dans le monde entier pour ses avancées sur la situation des femmes ? La question est sensible.

Chaque 6 décembre, la population et ses députés en particulier sont invités à porter un ruban blanc à la boutonnière, en signe de refus de la violence à l’égard des femmes. Pour avoir rechigné, un chef pressenti de l’Action démocratique du Québec, un parti de droite, y a perdu en crédibilité.

Mais voilà que, vingt ans plus tard, les tensions réapparaissent. Obtenue de haute lutte dans les années suivant le drame, une loi obligeant les Canadiens à enregistrer leurs fusils et carabines sur un registre officiel est en train d’être battue en brèche par le gouvernement fédéral d’Ottawa, sous la pression des chasseurs et autres amateurs de "long guns" : le démantèlement de ce texte vient d’être voté en deuxième lecture à la Chambre des députés le 5 novembre.

RANCŒURS MISOGYNES

En outre, des petits groupes radicaux -les "masculinistes"- répandent leurs rancœurs misogynes sur Internet. Certains d’entre eux vont jusqu’à présenter Marc Lépine comme un héros de leur croisade antiféministe. L’auteur d’un de ces blogs est un adepte du photomontage de mauvais goût. Sur une de ses images, par exemple, Marc Lépine apparaît la main posée -comme une menace ?- sur l’épaule de Francine Pelletier, journaliste et documentariste connue.

Elle et dix-huit autres femmes étaient les cibles potentielles que Marc Lépine aurait voulu faire "disparaître", d’après le texte qu’il a laissé. Il y aurait renoncé "par manque de temps" avant de se rabattre sur les étudiantes de Polytechnique où il avait lui-même tenté d’entrer.

"J’ai su deux jours après le massacre que je figurais sur cette liste éclectique à côté de plusieurs femmes leaders d’opinion ainsi que des policières qui avaient battu leurs coéquipiers masculins dans un match de volley-ball, se souvient Francine Pelletier. Je n’ai pas vraiment eu peur : c’était un criminel de masse, pas un tueur en série." Marc Lépine avait joint cette liste à une lettre qu’une main anonyme a expédiée à la journaliste plusieurs mois après les événements. Celle-ci a été la première à l’avoir publiée dans La Presse, le quotidien québécois.

GRAND MALAISE

Cette lettre, les pouvoirs publics n’ont jamais voulu la divulguer officiellement. Trop explicite, trop dérangeante sans doute. Il n’y eut pas non plus d’enquête publique malgré les demandes. Le malaise était trop grand. Tout dans cette affaire a donné lieu à de longues polémiques : le manque de présence d’esprit des étudiants masculins -l’un d’entre eux se suicidera peu après-, le retard de la police -dont un des responsables trouva sa fille parmi les victimes.

"Il y a eu deux tragédies : le meurtre de quatorze jeunes femmes et le débat terrible qui s’en est suivi", rapporte Francine Pelletier. "Des politiques, un cardinal, des journalistes parlaient d’un fou qui avait tiré sur des jeunes gens, sur des étudiants. J’étais aux obsèques officielles, les mots d’étudiantes, de femmes n’étaient pas prononcés", raconte Monique Simard. Actuelle directrice du programme français de l’Office national du film du Canada, elle était à l’époque une responsable syndicale en vue. A ce titre sans doute, son nom figurait aussi sur la liste de Marc Lépine. "S’il n’avait visé que des Noirs ou que des juifs, tout le monde aurait crié à l’acte raciste, antisémite, insiste-t-elle.

Là, beaucoup refusaient de dire qu’il s’agissait d’un crime antifemmes. Il a déchiré la société québécoise, il a fait exploser un consensus apparent et montré que la cohésion n’était pas aussi solide qu’on le croyait."

"CONSENSUS APPARENT"
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Le "consensus apparent" avait permis à la Belle province plus encore qu’ailleurs d’accomplir une véritable mue dans la foulée de la "révolution tranquille", la période politique de 1960 à 1966 fertile en chambardements. En très peu de temps, résume Monique Simard, le modèle des familles de dix enfants régies par l’Eglise catholique a explosé. Les femmes ont accédé à la contraception, à l’université, ont reconsidéré les joies du mariage, ont installé, non sans bagarres, un réseau unique au monde de structures féministes soutenues par le gouvernement. "Les lois sur le patrimoine familial, les crèches, le mariage gay, l’avortement, on était à l’avant-garde, se souvient Francine Pelletier. Tout était extraordinairement rapide, facile. Nous n’avions pas perçu les réactions."

Ce contre-mouvement que les Québécoises appellent le "ressac" a transparu au lendemain du drame de Polytechnique. A la radio, dans les journaux, les points de vue de l’opinion bouleversée ne s’expriment pas toujours avec tact. Des voix, surtout masculines, s’élèvent pour faire part d’une certaine compréhension à l’égard du jeune tueur, dont on apprendra plus tard qu’il avait été maltraité par son père, un immigré algérien. Après tout, les femmes n’occupaient-elles pas un peu trop de place depuis quelques années aux dépens des hommes ? Voilà qui expliquerait la souffrance de ces derniers, leur taux de suicide, les échecs scolaires des garçons… En retour, une féministe suppute à haute voix qu’un Marc Lépine sommeillerait en chaque homme. Esclandre garanti.

DIATRIBES ET DÉNONCIATIONS

La proximité du vingtième anniversaire a ravivé les débats, en particulier l’hiver dernier, à la sortie du film de Denis Villeneuve – Polytechnique, un docu-fiction sobre et glaçant, très scrupuleux vis-à-vis des faits et des témoignages de survivants*.

En quelques clics, il est facile aujourd’hui de lire sur des sites canadiens des diatribes contre les "féminnazis", le "fémini-fascisme" et autres dénonciations des "crimes contre l’humanité" imputés aux féministes. Celui de L’Après-rupture n’est pas le plus violent, mais il est représentatif.

Pour avoir rencontré des hommes dans la détresse à cause d’un divorce, Jean-Claude Boucher a fondé il y a douze ans ce groupe composé d’une vingtaine de bénévoles qui préfèrent rester anonymes selon lui. Lui-même a connu "la machine à broyer", comme il dit, il y a longtemps. Depuis, il a tourné la page, un autre sujet l’anime à présent. Il a accepté de nous en parler.

RÉVOLTE CONSTANTE

"Polytechnique ne peut pas être séparé du féminisme. Je n’irai pas jusqu’à dire que les féministes l’ont suscité… mais enfin cet événement-là faisait leur affaire", attaque-t-il en introduction. L’Après-rupture propose que le 6 décembre devienne à l’avenir "la journée internationale de la misandrie". "Au début, le mouvement féministe avait sa raison d’être, concède le président. Avant les années 1960, il y avait quand même un déséquilibre entre les deux sexes. Aujourd’hui, c’est juste un lobby qui propage des fausses statistiques et engrange des fonds publics qui lui permettent de gérer des dizaines de milliers d’emplois dans les organismes de femmes."

Jean-Claude Boucher se fait là l’écho d’une révolte exprimée avec constance par les tenants du ressac. Sus aux avantages financiers accordés à l’autre moitié de la société : trop de subventions pour les campagnes de communication contre la violence conjugale, pour les centres d’hébergement accueillant les femmes battues -un vrai point de crispation-, trop d’aides pour faciliter l’accès des filles à l’enseignement supérieur, voire trop de pensions alimentaires obligatoires.

"FRAUDE INTELLECTUELLE"

C’est bien simple, depuis les années 1980, "les hommes n’ont plus aucun privilège". Tout ça à cause de la "propagande haineuse des féministes. Il y a un Allemand qui a fait basculer tout un pays de cette façon". Jean-Claude Boucher est incollable en statistiques – les siennes –, tout en dénonçant "la fraude intellectuelle" du camp adverse qui, forcément, n’avance pas les mêmes.

Selon ses données à lui, les femmes seraient à peu près aussi violentes que les hommes, donc pas davantage victimes ou presque (53 % pour elles, 47 % pour eux précisément). "Seulement au Québec, si ton épouse te frappe, n’appelle pas au secours. Sinon, c’est toi qui iras en prison. L’esprit de la police aujourd’hui, c’est d’arrêter le plus fort !" Quant à la loi sur le registre des armes à feu votée après la tuerie de Polytechnique, "elle n’a jamais servi à protéger personne, juste à ficher les honnêtes gens. Le gouvernement avait encore une fois plié devant les féministes en l’adoptant. Mais pourquoi écouter ces gens qui n’y connaissent rien ! Les armes à feu, ce n’est pas dangereux".

Destruction de la famille, baisse de la natalité, augmentation des divorces : le bilan n’est pas brillant aux yeux des antiféministes. "C’est d’abord le lesbianisme qui est derrière tout ça. Une femme qui a eu un bon père, qui a un bon mari et deux enfants mâles ne peut pas être féministe ! Ça n’a pas de bon sens." Le temps passant, Jean-Claude Boucher se livre sans ambages. "Il faut bien admettre que nos cerveaux sont différents.

Les femmes n’aiment pas occuper des postes de pouvoir. Elles sont d’extraordinaires numéros 2. Pourquoi vouloir changer ça ?" Sa compagne nous rejoint. Elle stipule qu’elle ne supporterait pas de vivre avec un homme qui la considérerait comme inférieure. Seulement, un de ses fils s’est vu injustement accusé de violence envers sa petite amie. "A un moment donné, faut que ça s’arrête."
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UNE POIGNÉE D'EXALTÉS

Imaginer le courant antiféministe comme une force organisée prête à se lancer dans une vaste contre-offensive reviendrait à s’effrayer à peu de frais. Sans doute ne sont-ils qu’une poignée plus ou moins exaltés, pas même solidaires. Préoccupé par un site qui fait apparaître une cible sur le bâtiment de Polytechnique et appelle les jeunes gens à former une armée pour tuer des féministes, Jean-Claude Boucher a alerté la police. Les masculinistes méritent-ils seulement une place dans les médias ? Les avis divergent.

Le vrai problème du discours extrémiste tient à sa propension à libérer la parole misogyne, machiste ou réactionnaire qui ne demande qu’à remonter à la surface. Les livres aux titres évocateurs font florès : L’Equité salariale et autres dérives et dommages collatéraux du féminisme au Québec, Homme et fier de l’être… même la BD est concernée, avec Les Vaginocrates.

En mai 2005, des membres de Fathers 4 Justice, déguisés en Superman et autres superhéros, ont escaladé la croix du Mont-Royal, qui surplombe le centre-ville de Montréal pour attirer l’attention sur les pères divorcés. Leur coordinateur s’est, lui, hissé au sommet du pont Jacques-Cartier au nom de la même cause, bloquant la circulation à l’entrée de la ville pendant une douzaine d’heures. Un autre père en souffrance, Mario Morin, l’a imité l’année suivante. Il se réclamait de Marc Lépine.

LE FANTÔME DE MARC LÉPINE

Des groupes de femmes reçoivent parfois des courriels désobligeants qui évoquent le nom du tueur, comme si son fantôme planait insidieusement. Dans les années 1990, on avait su que des soldats du régiment aéroporté de l’armée canadienne basé à Petawawa (Ontario) avaient commémoré le 6 décembre en saluant la mémoire de Marc Lépine. Interrogé sur cette dérive, le ministre de la défense avait botté en touche.

Au pied du Mont-Royal où s’étale le vaste campus universitaire, la place du 6-Décembre-1989 abrite des arbres et les souvenirs du drame gravés en arc de cercle. D’autres villes canadiennes, Vancouver, Toronto, ont leur monument en mémoire des victimes. A Paris aussi, la date a donné lieu à un rassemblement, place du Québec (6e arrondissement), à l’appel de groupes de femmes.

Sur le bâtiment de l’Ecole polytechnique de Montréal, une plaque rappelle les noms des quatorze assassinées. Il a fallu du temps pour retrouver le goût de continuer, sans oublier, témoigne Diane Riopel, ingénieure et professeure, spécialisée en génie industriel. "Ce soir-là, le Québec au complet a perdu son innocence. Nous pensions qu’une chose pareille pouvait arriver n’importe où sauf chez nous", confie-t-elle.

Diane Riopel consacre une partie de sa grande énergie à la promotion des activités scientifiques et du métier d’ingénieur auprès des plus jeunes, des filles en particulier. L’année qui suivit le drame, ces dernières s’étaient inscrites en nombre à l’Ecole polytechnique. Depuis leur nombre progresse lentement, il plafonne même autour de 23 %. Avec 26 % de moyenne, la France n’atteint pas de record non plus.

*Nous avons supprimé une citation attribuée par erreur à Christian Rioux, correspondant du Devoir à Paris.

Martine Valo