mercredi 30 décembre 2009

Après le krach, les femmes ont pris l'Islande en main

Après le krach, les femmes ont pris l'Islande en main
mercredi 30 décembre 2009
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L'Islande est une terre de battantes. Une Première ministre tient la barre du gouvernement. Des femmes ont été nommées à la tête des banques tourneboulées par le krach de 2008. L'Islandais le plus renommé de par le monde est une Islandaise. Björk est son nom. Et si le féminisme était une parade à la crise ?
REYKJAVIK (de notre envoyé spécial). Johanna Sigurdardottir avait prévenu sur un ton calme et déterminé : « Mon heure viendra. » Ce n'était pas un propos en l'air. Ni une facétie de matamore. L'heure de « Sainte Johanna », comme l'ont surnommé les Islandais, a sonné.

L'ancienne hôtesse de l'air aux lunettes sévères, rétive au maquillage et aux effets de manche et de tribune est devenue Première ministre. L'Islande, terre volcanique n'y est pas allée avec le dos de la cuillère. Au terme d'une crise financière sans précédent, de dix-sept semaines de jacquerie urbaine au son des casseroles et d'élections organisées dans la panique générale, le pays a donné congé à la coalition conservatrice au pouvoir. Élu un gouvernement social-démocrate et écologiste. Et installé Johanna dans la modeste maison blanche sans murs ni barrières qui fait office là-bas d'Hôtel Matignon.

« Ce pays est culturellement féministe »
Le gouvernement qu'elle a nommé est parfaitement paritaire. Femmes et Messieurs y sont sur un pied d'égalité. C'est le seul au monde de cet acabit.

Certes, l'île avait bien eu une présidente à la charge honorifique, Vigdis Finnbogadottir. Mais de Première ministre, jamais. Mieux encore : Johanna Sigurdardottir est homosexuelle. Mère de deux enfants, elle partage sa vie avec une compagne depuis de longues années. N'épilogue jamais là-dessus. Ne rase pas les murs. Les Islandais l'ont choisie telle qu'elle est.

Sainte Johanna ne tombe pas du ciel non plus, notez bien: « Ce pays est culturellement féministe, les femmes ne sont jamais restées inhibées dans leurs cuisines », insiste Dominique Piédel Jonnsson, qui anime une école du vin. Partout en Islande, les dames ont l'usage de se retrouver dans leurs « saumaklubhur ». Ce sont des clubs de tricot mais, « on y cause plus qu'on y coud ». On s'y retrouve sans bonshommes à refaire le monde. Entre l'aiguille et la pelote féministe, il n'y a d'ailleurs qu'un fil que le mouvement « des chaussettes rouges » a déroulé.

En 1975, les femmes ont même décidé de cesser le travail. De laisser en plan les hommes, de sortir des bureaux et des usines et de descendre dans la rue : « On voulait montrer que nous étions indispensables. Et obtenir l'égalité des salaires. » Elles se sont retrouvées à 30 000 dehors. 10 % de la population du pays ! Éclatante démonstration de force tranquille. 80 % des femmes travaillent, en Islande.

Après, il y a eu un parti des femmes. Et un diplôme d'études féministes à l'Université. Et puis, aujourd'hui, il y a Johanna. Mais pas qu'elle. Car la crise, perçue comme un avatar de la cupidité masculine, a fait chanceler la forteresse cravatée. Les banquiers hautains, les traders bulldozers, les financiers gris anthracite ont décampé ou se font tout petits. Des femmes sont arrivées à la tête des banques nationalisées. « Pour nettoyer les écuries ».

Dans la débâcle de 2008, une société financière est même passée à travers les gouttes. Audur Kapital a été fondée par Halla Tomasdottir et Kristin Peterdottir. Elle emploie vingt salariés, dont quinze femmes. Tiens, tiens. Elle lève des fonds propres, au plein sens du terme. La chanteuse Björk s'est associée pour « développer une économie saine ». Les années flambeuses sont révolues.

Et le sport y ajoute son grain de sel. En août prochain, l'équipe nationale joue sa qualification pour la Coupe du monde face à... la France. Il s'agit de football féminin, s'entend.

Tout cela fait bicher Petrina Rose Karlssondottir, professeure de français. Cette crise qui n'en finit pas l'a presque soulagée. Elle en a marre pourtant, jusqu'à ne plus jamais vouloir prononcer le mot honni de « Viking ». Elle est sûre qu'une société où les femmes auraient eu toute leur place n'aurait pas foncé dans le mur comme celle d'avant : « Une femme, quand ça ne sait pas faire, ça s'arrête, ça réfléchit. »

Elle a dans la tête deux vers de poésie qui trottent leur chemin. Et en disent long, signés qu'ils sont d'Ingibjörg Haraldsdottir : « À la fin de chaque meeting, après le dernier discours, il y a une femme qui débarrasse la table et qui ouvre la fenêtre. »

François SIMON.

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