jeudi 31 décembre 2009

Quel choix dans le titre des articles ... ?!

une femme politique qui est à la fois associée au diable et l'homme ... bizarre ...

Synthèse
Lady Thatcher, un diable d'homme
LE MONDE | 30.12.09 | 15h35 • Mis à jour le 30.12.09 | 15h35


Londres, correspondant

Quand on demandait au duc de Wellington, chef du gouvernement de Sa Majesté entre 1828 et 1830, comment il traitait ses ministres, le vainqueur de la bataille de Waterloo répondait sur un ton martial : "Je leur donne des ordres." A lire les archives officielles britanniques portant sur l'année 1979, rendues publiques le 30 décembre, le premier ministre de l'époque, Margaret Thatcher, imitait volontiers le duc de fer, son militaire préféré.
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Zoom Le thatchérisme se porte mieux que son inspiratrice

Les dossiers déclassifiés révèlent aujourd'hui de nombreux détails sur le style de gouvernement de celle qui était devenue premier ministre, le 3 mai 1979. Lors des six premiers mois à la tête du pays, l'hôtesse du 10 Downing Street rabrouait ses ministres en public, les vexait en émettant des critiques personnelles de manière crue et provocatrice.

Effrayés par son ton insupportable de maîtresse d'école, ces derniers encaissaient sans mot dire les diatribes de celle qui refusait de se faire intimider par qui que ce soit et ne désarmait jamais. Facilement désagréable, Margaret Hilda Thatcher, née Roberts, avait mis rapidement au pas les caciques de son parti, les Carrington, Pym ou Whitelaw qui assuraient la continuité avec l'establishment conservateur.

Dans un entretien au Monde, Sir Bernard Ingham, qui fut son porte-parole pendant les onze ans de pouvoir, confirme que ses rapports avec les ministres étaient francs et massifs : "Ces hommes d'âge mûr étaient totalement subjugués par sa violence verbale. Elle était intimidante, enfonçant le clou jusqu'à la nausée. Mais si elle ne supportait pas la dissidence politique, elle aimait le débat intellectuel tant qu'il était accompagné de force de caractère."

Ainsi, son premier chancelier de l'Echiquier, Geoffrey Howe, dont cette diablesse appréciait pourtant la détermination à mener à bien la cure d'austérité, avait droit à de constantes rebuffades. Malgré le dédain légendaire de cette diplômée en chimie puis en droit, pour les arcanes de l'économie, elle ne cessait de corriger les documents préparés par son ministre des finances, "c'est un très mauvais texte, et nous pouvons seulement supposer, pour être charitable, que le Trésor est occupé à autre chose".

Au fond, la seule personne qui échappait au courroux de la première femme à diriger un gouvernement britannique est la reine. Mariée à un riche entrepreneur de dix ans son aîné, méthodiste, passée à l'Eglise établie d'Angleterre, Mme Thatcher était, bien sûr, une dévote royaliste. Si les archives restent muettes sur le déroulement des audiences royales hebdomadaires, malgré la rivalité féminine, on peut en déduire que la cohabitation se déroulait sans accroc, ce qui ne sera pas le cas par la suite.

En effet, en 1979, Elizabeth II ne pouvait qu'approuver la politique drastique de redressement d'une situation économique que le laisser-aller des équipes de droite comme de gauche avait singulièrement compromise.

A l'instar de la souveraine, la Dame de fer détestait les conversations "de femmes". Son environnement de travail était exclusivement masculin. Sa boisson favorite était d'ailleurs le whisky, pas le sherry prisé par les femmes de sa génération. "A la fin de la journée elle réunissait ses principaux collaborateurs pour faire le point. Elle buvait lentement un whisky soda, son apéritif préféré", se souvient Sir Bernard Ingham qui évoque une "sacrée descente".

Elizabeth Ier, autre personnage que l'intéressée admirait, se flattait d'avoir "un coeur d'homme". Mme Thatcher se considérait d'abord comme un homme politique, refusant tout traitement particulier en raison de son sexe. Lors de son premier sommet économique, à Tokyo, les 28 et 29 juin 1979, elle avait rejeté catégoriquement la proposition du gouvernement nippon de lui adjoindre une protection composée de 20 "filles karatékas". En revanche, "si d'autres chefs de délégation se voyaient, par exemple, assigner 20 karatékas messieurs, le premier ministre n'y verrait aucune objection", soulignait un mémo du Foreign Office. Cette antiféministe notoire exigeait l'égalité sur la scène diplomatique.

D'après une facture, lors de son déplacement en France, en juin 1979, à bord d'un ferry pour rencontrer le président Valéry Giscard d'Estaing, elle avait acheté une bouteille de whisky Teacher's au duty-free, ainsi qu'un litre de gin, l'alcool préféré de son époux Denis, et 200 cigarettes Benson & Hedges. L'ambassade britannique à Paris, qui avait réglé la facture, a dû attendre des mois avant de se faire rembourser par "Number Ten".

Pourtant fortunée, "Maggie" gérait ses finances personnelles de manière très parcimonieuse. Telle une Mme-tout-le-monde, elle payait ses fournisseurs au dernier moment. Refusant cuisinier et maître d'hôtel, Mme Thatcher préparait elle-même le dîner et faisait la vaisselle dans sa petite cuisine sous les combles du "10". Elle servait du Nescafé à ses invités.

S'agissant de Valéry Giscard d'Estaing, les archives confirment l'antipathie foncière qu'elle éprouvait à son égard, révélée dans le portrait acéré qu'elle avait dressé de l'occupant de l'Elysée dans ses mémoires, publiées en 1993. VGE, il est vrai, avait traité d'"épicière" cette Dame de fer qui avait réclamé au sommet de Dublin, le 30 septembre 1979, une ristourne à la contribution britannique au budget européen ("Je veux qu'on me rende mon argent") ? "Elle le considérait comme un être froid, élitiste, hautain", confirme Bernard Ingham. En revanche, elle appréciait son successeur, François Mitterrand, grand séducteur qui lui avait attribué "la bouche de Marilyn et le regard de Caligula".
Marc Roche

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