dimanche 20 décembre 2009

Les joujoux sont-ils siinnocents ?

Vous 21/12/2009 à 00h00
Les joujoux sont-ils siinnocents ?
http://www.liberation.fr/vous/0101609754-les-joujoux-sont-ils-siinnocents

allons z’enfants . Outils de la propagande conservatrice ou symboles de la diversité, les jouets incarnent toujours une certaine idée de la société.



Par Willy Le Devin

Et si les jouets, non contents de faire du sexisme, façon poupon pour les filles, camion pour les garçons, reflétaient aussi une certaine identité nationale ? Bref, seraient-ils de petits ersatz d’une certaine idée de la France ? Idée farfelue et déplacée pour certaines marques qui plaident la candeur et la fonction de l’objet. «Affirmatif, mon capitaine», réplique un panel de pédopsychiatres et d’historiens ayant perçu des cocoricos plus ou moins explicites disséminés dans les joujoux. A les entendre, il n’y aurait donc pas que des jouets innocents. «Les jouets ont souvent été mis au service d’une idéologie afin de véhiculer des messages aux enfants. Leur efficacité est importante puisqu’ils agissent comme un support matériel qui accompagne les progrès et l’éveil. Pour exemple, à l’époque de la Grèce antique, nous savons que les petits jouaient avec des chevaux de bois ! [guerre de Troie, ndlr]. Voyez également comme les Barbie ont pesé sur la façon d’être une femme», affirme le pédopsychiatre Marcel Rufo. Effectivement, des traces de jouets très engagés, manipulant les consciences infantiles, se trouvent notamment à l’Historial de la Grande de Guerre de Péronne (Picardie). Les collections regorgent de jouets utilisés par les petits Français de l’époque, et les messages sont on ne peut plus explicites : un chariot en bois peint sur lequel trône un coq bleu blanc rouge agressant un soldat allemand…

Bimbo. Oui mais aujourd’hui ? La tendance est plus diluée, plus suggérée. L’omnipotence du marketing a partiellement remplacé l’objectif nationaliste par l’objectif économique, comme l’explique Gilles Brougère, professeur en sciences de l’éducation à Paris-XIII : «Les jouets ont eu des vertus éducatives plus certaines à des époques antérieures. Aujourd’hui, les jouets sont devenus majoritairement des objets de divertissement, de consommation. Ils se placent sur le terrain de la fiction.» Reste que, dans les rayons des magasins, où les disparités entre les fabricants se matérialisent véritablement, rien ne semble vraiment gratuit. A cent lieues des Barbie qui, blanches, noires ou jaunes, ne font guère que véhiculer le stéréotype de la bimbo, le fabricant de poupées Corolle a fait de la diversité un combat. «Lorsqu’il y a trente ans, notre fondatrice a lancé la marque, elle désirait que ses poupées collent le plus possible à la société. Nous avons ainsi été les premiers à commercialiser des poupons noirs, métisses, asiatiques. La diversité est dans l’ADN de la marque. Nous savons que des mamans achètent à leur petite fille des poupons de chaque ethnie pour les ouvrir à la connaissance de l’autre. Nous sommes présents dans une trentaine de pays et nous constatons des différences de consommation. Chaque nation achète en fonction de son identité, de ses goûts, de sa culture, de son histoire», confirme Mathilde Gailly, directrice marketing de Corolle. Ainsi, des pays tels que les Pays-Bas, l’Allemagne ou ceux d’Europe du Nord consomment des poupons avec des tenues vestimentaires très flashy, colorées, avec du jaune fluo, du orange. Les Américains aiment plutôt le rose. En France, le poupon asiatique est numéro 1 des ventes depuis deux ans…

nucléaire. Chez Playmobil, autre enseigne très emblématique, c’est une autre France qui se dessine. «Nous mettons un point d’honneur à ne pas entrer dans des considérations politiques, religieuses, sexuelles, et guerrières», assène Cécile L’Hermite, directrice commerciale de la marque. Pourtant, en feuilletant trente ans de catalogue Playmobil, les messages lancés au bambin sont à peine feints : l’immigration est absente, aucun couple mixte n’existe, une nonne datant de 2004 exhibe une croix, la femme est très souvent assignée aux tâches ménagères, la famille nucléaire (papa-maman-le fils-la fille) est plébiscitée. Mais pourquoi ? «Il n’y a aucune ambition particulière cachée. Nous faisons des thèmes qui existent, voilà tout.» Mais quand même, pourquoi n’y aurait-il donc pas des thèmes islam ou judaïsme ? «Rien n’est fermé», avance-t-on encore du côté de la direction marketing. Dans les années 80, Playmobil a pourtant mis sur le marché des thèmes «Safari» au sein desquels l’homme noir était représenté de façon extrêmement douteuse. Depuis, ces boîtes ont été retirées des ventes, de même qu’un ensemble intitulé «Couple arabe», arborant une femme voilée… A croire que les débats brûlants de la société éclaboussent jusqu’au marché du jouet ? «Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire. Vous regardez tout cela avec votre regard d’adulte», concède, gênée, Cécile L’Hermite. Ivan Boccon-Perroud, président de l’association de fans Générations Playmo, connaît la marque sur le bout des ongles : «Playmobil cible culturellement et financièrement une clientèle plutôt catho, aisée. Une partie de la société française peut ne pas se retrouver dans leurs thèmes, c’est vrai. Playmobil, finalement, c’est une idée de la France.»

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