vendredi 25 juin 2010

Le testament de Jean Le Bitoux fera-t-il renaître les archives homos de Paris?

Le testament de Jean Le Bitoux fera-t-il renaître les archives homos de Paris?
Par Paul Parant vendredi 25 juin 2010, à 10h39 | 1945 vues
Plus de: archives LGBT, Paris, Jean Le Bitoux, Bertrand Delanoë

Le maire de Paris vient de révéler que le militant et créateur de «Gai Pied» léguait son fonds personnel à la Ville. Une bonne nouvelle alors que ce beau projet semble enfin se concrétiser.

On apprend la nouvelle au détour d'une lettre de Bertrand Delanoë à l'Inter-LGBT, dans laquelle il informe l'association organisatrice de la Marche des fiertés qu'il ne sera exceptionnellement pas présent, ce samedi, dans le défilé. En rappelant son attachement au combat LGBT, le maire de Paris annonce: «Jean Le Bitoux, dans son testament, lègue son vaste fonds d'archives à la Ville (de Paris), dans l'attente de l'ouverture effective de ce Centre aujourd'hui piloté par le chercheur et militant Louis-Georges Tin».

Une quarantaine de cartons
Les archives LGBT sont un «vieux» dossier de la première législature Delanoë, sur lequel Jean Le Bitoux avait travaillé deux ans après qu'une subvention de 100.000 euros a été allouée à la «préfiguration» du projet, en septembre 2002. Depuis, le dossier est passé dans les mains de Stéphane Martinet, a été reconnu pour son sérieux par la direction des Archives de France (lire notre article), et a été transmis à l'universitaire Louis-Georges Tin, qui a pris la direction du projet. Mais le projet ne faisait plus parler de lui depuis près de quatre ans.

Or, le don de Jean Le Bitoux pourrait changer la donne, puisqu'il vient répondre au problème numéro un du projet validé par l'Hôtel de Ville: le manque de fonds pour alimenter très concrètement ces archives. Dans la collection de Jean Le Bitoux, qui s'élève selon nos informations à une quarantaine de cartons, dont les tout premiers numéros de Gai Pied, le magazine pionnier dont il était le fondateur (lire notre article), et divers livres et revues de grande valeur, qui constituent un demi-siècle d'histoire gay et lesbienne. D'autres fonds privés ont été montés par ailleurs par des particuliers, dont l'Académie gay et lesbienne en région parisienne (lire notre article), qui devrait être associée au projet municipal.

Une bibliothèque Jean Le Bitoux
Interrogé par TÊTU, Louis-Georges Tin se dit «ému» de recevoir le fonds «précieux» de Jean Le Bitoux. «C'est un don logique, après le travail qu'il a déjà fourni pour que ces archives existent, qui confirme la confiance qu'il avait placée en nous», dit-il, avant d'ajouter: «Nous avons maintenant une dette à son égard.» Un premier hommage au militant décédé en avril aura lieu à la rentrée, lorsque le Centre LGBT de Paris Ile-de-France donnera son nom à sa bibliothèque.

Ne reste plus qu'à se retrousser les manches, alors que, depuis 2005, la capitale a été «doublée» par la ville de Lyon, dont le Point G de Michel Chomarat est en libre accès dans la bibliothèque municipale. A Paris, Louis-Georges Tin rappelle que le Conseil scientifique des archives homos, constitué d'historiens et d'universitaires, existe depuis plus d'un an. A la rentrée, les associations concernées devraient être réunies, pour envoyer des demandes de financement à la ville, à la région et à l'Etat d'ici la fin de l'année.

mardi 22 juin 2010

DES PISTES D'EMPLOI POUR LES FEMMES

Angoulême
DES PISTES D'EMPLOI POUR LES FEMMES
charente Libre


22.06.2010
Jean-Pierre CHAMPAGNE

uatorze Couronnaises âgées de 26 à 55 ans ont intégré le dispositif DFame (Favoriser l'accès à la mixité des emplois) mis en place localement en février. A l'issue de leurs quatre mois de formation, rémunérée sous statut de stagiaire, cinq d'entre elles ont trouvé un emploi et deux entrent en formation spécifique pour un nouveau métier.

«Ce dispositif novateur a permis à toutes les stagiaires de sortir d'une période de doute difficile, avec l'appui de la trentaine d'employeurs du secteur qui ont accepté de jouer le jeu dans un contexte de crise difficile», a rappelé le maire Jean-François Dauré en recevant les participantes et leurs encadrants en mairie.

Une grande majorité des demandeurs d'emploi de La Couronne sont des femmes, cumulant un certain nombre de difficultés qui freinent l'accès à l'emploi. Certaines sont chefs de famille, élevant seules leurs enfants. D'autres n'ont pas de qualification. Beaucoup sont sans activité depuis deux ou trois ans ou travaillent en intérim ou en CDD (contrat à durée déterminée).

«C'est une belle aventure humaine, une richesse pour toutes et on a des projets plein la tête !», confie Nathalie à l'heure du bilan.

Agée de 48 ans, cette maman de deux grands enfants «s'est remotivée» après six années d'activités de quelques mois à quelques semaines. Sa «conclusion positive», elle l'a décrochée lors d'un stage effectué au rayon fruits et légumes à Carrefour Market.

«Nous avons embauché deux personnes en CDD», souligne Didier Mémain, le directeur du supermarché du quartier de La Montée qui met exergue «les qualités énormes» des stagiaires.

«Toutes ont évolué au niveau comportemental. Cette trouille au ventre précédant la rencontre d'un manager a disparu. Elles ont repris confiance en elles», note Nicky Plaire, la référente pédagogique de Retravailler Poitou-Charentes, l'organisme en charge de la formation du groupe.

A la recherche d'un emploi depuis cinq ans, Véronique, 46 ans, maman de deux enfants, «n'était pas fixée» sur son futur métier il y a quatre mois. «J'entre en formation d'auxiliaire de vie après un stage à la maison de retraite qui m'a remis le pied à l'étrier», annonce-t-elle, tout sourire.

dimanche 20 juin 2010

"Une" femme en cache une autre ... Le résultat cache le processus...

Réaction à l'article de Sud -ouest du 18 juin 2010 de Cédric Tricaud (http://www.sudouest.fr/2010/06/18/la-nouvelle-ecole-baptisee-119911-1131.php?reagir=true) qui relate qu'une école de Soyaux -à côté d'Angoulême- va porter le nom de Julie-Victoire Daubié, école qui remplacera celle d'Irène Joliot-Curie.

De l'importance des noms de rues et des écoles

Une femme (Julie Daubié) en cache une autre (Irène Joliot-Curie) .... Trop peu de femmes dans l'espace public, même de manière symbolique... Pas besoin de se creuser la tête pour imaginer que les représentations que l'on a de l'histoire et de la place des femmes dans celle-ci sont tributaires de cet acte ô combien symbolique -marquant notre inconscient collectif- qu'est l'attribution de noms aux rues, aux écoles par exemple ...

Certaines (trop rares) communes volontaristes font depuis quelques années quelques efforts ... Pour Olympe de Gouges (auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791 qui réclamait l'égalité hommes-femmes et le droit de participer à la vie publique et politique, guillotinée en 1793), il a fallu attendre 1989 pour qu'un collège de Montauban -d'où elle est originaire- porte son nom et le 6 mars 2004 pour qu'une place soit inaugurée dans le 3ème arrondissement de Paris.
On pourrait faire également cette remarque pour des groupes minorés, rendus invisibles, Pierre Seel -seul déporté homosexuel reconnu officiellement en France- a depuis le 15 mai 2010 donné son nom à une rue de Mulhouse où il avait vécu, 5 ans après son décès. Toulouse l'avait fait en 2006.


L'ordre des résultats dans la presse et non l'ordre des processus, vrais objets historiques

Le vendredi 11 juin, sur France Culture Louis-Georges Tin répondait à la question "A quoi sert l'histoire ?" (dans l'émission La fabrique de l'histoire): " la véritable Histoire consiste à faire apparaître « l’Ordre des processus » derrière « l’Ordre des résultats ».( cf texte de l'intervention ici: http://sisyphe.org/spip.php?breve1602).

L'article de Sud- Ouest du 18 juin est un parfait exemple de cet "ordre des résultats" communément employé, je le cite :

"Julie-Victoire Daubié fut la première femme à se présenter au baccalauréat en 1861, sous le Second Empire. Elle exerça par la suite le métier d'institutrice puis devint journaliste avant de militer pour le droit des femmes."


Mettons-nous dans la peau de quelqu'un qui ne connait pas Julie-victoire Daubié (allez, ce n'est pas trop difficile : je ne la connaissais pas il y a un peu plus d'un an). Nous nous dirions qu'elle n'a rien fait de "particulier", elle est juste première bachelière, institutrice et journaliste : beaucoup d'autres ont fait comme elle et sa définition de "première bachelière" pourrait laisser penser qu'elle a été la première petite chanceuse à bénéficier d'un système qui a "fini par se mettre en place" pour les femmes (de lui-même ou grâce aux décideurs, des hommes) ... Rien qui justifierait donc qu'elle donne son nom à une école ... Elle ne le "mériterait" pas.

Or, derrière le "elle se présente au baccalauréat en 1861" (histoire des résultats), il faut chercher comment cela a pu se mettre en place : l'histoire des processus est à ce titre intéressante pour caractériser l'importance de cette femme qui obtient ce diplôme à 37 ans.
Elle s'est en effet battue pour obtenir ce résultat: les résistances furent nombreuses... Que ce soit pour se préparer à l'examen, pour le passer, pour obtenir la délivrance du diplôme -et donc la reconnaissance-, elle a dû batailler longuement, convaincre ... Sans parler de la suite de son parcours : interdite d'accès au cours pour la licence ès lettres -qu'elle obtint néanmoins-, elle mourut avant de passer de soutenir son doctorat, à 50 ans ... !


Son action individuelle, courageuse s'inscrivait dans des convictions et actions pour l'ensemble des femmes : ce que l'on appelle une action "féministe" -stricto sensu- quand on se bat non seulement pour soi, en transgressant l'idée que la connaissance et le pouvoir n'appartiennent qu'aux hommes- mais aussi pour les autres (notamment pour le droit de vote et de suffrage, dans le cadre de la première "vague" du féminisme)....
Être pionnière mais pas la seule ...


Présenter les faits et les situer dans leur époque

Un article de presse doit faire court et accrocher mais il doit aussi informer tout en rendant compte de la réalité historique et ce pour tout le monde. Julie Daubié ne doit pas être connue des seul-e-s étudiant-e-s en histoire des femmes et des féminismes !.

Voici donc une suggestion qui rend du résultat et du processus; une vraie présentation historique bien que succincte:

"Julie-Victoire Daubié fut la première femme à se présenter au baccalauréat en 1861 et à l'obtenir, après avoir lutté plusieurs années pour passer cet examen que l'on interdisait alors aux femmes. Elle dût aussi se battre pour passer une licence ès lettres -qu'elle obtint- alors que l'accès à l'université lui était interdit (car femme). D'abord institutrice, elle devint journaliste. Féministe, elle étudia la condition des femmes de son époque et milita pour le droit de vote et de suffrage."

Une femme en cache une autre

18 juin 2010 Sud -ouest
La nouvelle école baptisée
Les élus ont visité la nouvelle école maternelle. PHOTO CÉDRIC
TRICAUD
La nouvelle école maternelle située au carrefour de
l'avenue du Maréchal-Fayolle, rue Maurice-Ravel et le
boulevard Jean-Jaurès, a un nom. Les travaux
terminés, les élus municipaux ont pu la visiter le 14
juin dernier, en préambule du Conseil municipal.
Après réflexion, deux noms sont sortis du lot en
commission, à savoir celui de Maurice Utrillo et celui
de Julie-Victoire Daubié. C'est ce dernier nom qui a
été adopté à la majorité par le Conseil.
Une femme de caractère
Julie-Victoire Daubié fut la première femme à se présenter au
baccalauréat en 1861, sous le Second Empire. Elle exerça par la
suite le métier d'institutrice puis devint journaliste avant de militer
pour le droit des femmes.
Un point d'histoire s'impose néanmoins : au XIXe siècle, on ne parlait
pas d'école maternelle, mais de salle d'asile pour prendre en charge
les jeunes enfants.
La directrice de la nouvelle école n'est autre que Samantha Danthez,
l'actuelle chef d'établissement de l'école Joliot-Curie, de l'avenue du
Mal-Fayolle, qui va être démolie. Signalons que le conseiller
d'opposition Denis Lavauzelle aurait souhaité que l'on attribue le nom
de cette école au nouvel établissement, qui accueillera, une centaine
d'enfants à la rentrée.
Au chapitre éducation, le Conseil municipal, par la voix du maire,
François Nebout, a adopté une motion pour contester la décision de
l'inspection académique contre le gel d'un poste d'enseignant à
l'école élémentaire Freinet pour la rentrée.
Dotation de l'État
Au chapitre finances, les élus ont adopté à la majorité les différents
rapports administratifs, le budget supplémentaire 2010, les comptes
administratifs et le budget du foyer soleil.
À ce sujet, rappelons que la commune recevra au titre des
collectivités les plus défavorisées, la Dotation de développement
urbain d'un montant de 200 000 euros. Les élus d'opposition ont
néanmoins pointé le problème de la suppression de la Taxe
professionnelle (TP). Ce à quoi le maire a répondu qu'elle n'est pas
perçue par la ville mais par l'agglomération, qui se charge de la
reverser.
À la rentrée, un distributeur automatique réfrigéré distribuant du lait
dans des bouteilles avec paiement par pièce devrait être installé,
place Lucien-Petit.
Soyaux — Charente


Mon commentaire

karine16
20/06/2010, à 11h25
Donner le nom de Julie Daubié,femme célèbre -et trop ignorée- à une école, c'est bien, bravo !

Quelques infos sur elle ici : http://www.crdp-nice.net/editions/supplements/2-86629-441-0/File/Q44_Portraits.pdf ou là http://itinerairesdecitoyennete.org/journees/8_mars/documents/Julie_Victoire_Daubie.pdf

car il serait juste de dire combien elle a dû batailler pour obtenir le même droit que les jeunes garçons ... : elle est une féministe du XIX ème siècle.

Dommage par contre que cette nouvelle école remplace celle qui portait le nom d'une autre femme célèbre -souvent méconnue-, Irène Joliot-curie ...

C'était trop beau ...

samedi 19 juin 2010

Le féminin s'emporte

Le féminin s'emporte

http://fcomme.blogspot.com/2010/06/le-feminin-semporte.html

Dans les manuels scolaires et autres Bescherelle, on nous apprend dès notre plus jeune âge que l'on forme le féminin d'un nom, d'un adjectif à partir du masculin et que l'on accorde un adjectif au masculin lorsqu'il accompagne des substantifs de genres différents.

L'avantage de règles de cette sorte c'est de faire passer pour naturels et universels des principes dont on peut dater, dans l'histoire de la langue, l'apparition.

Tois principes donc: le masculin géniteur, le masculin plus noble et le masculin vainqueur.

Réduire, rabaisser le féminin puis en triompher ... tout un programme auquel des grammairiens très très sérieux ont pris part.


- Le masculin géniteur:

Former le féminin suppose qu'il n'existe pas et qu'il va falloir s'appuyer sur de l'existant pour le mettre au monde (un peu comme la côte d'Adam). Former le féminin c'est donc partir du postulat que la langue ne le contient pas encore. Or, notre langue est issue en grande partie du latin vulgaire qui, lui, possède bien l'alternance des genres : altam/altum (haute/haut).

Le féminin n'est donc pas une création, non plus une dérivation du masculin mais une alternance qu'il suffit d'observer. Mais cette objective observation a pris une tournure partisane.

A la Renaissance, dans "Lesclarcissement de la langue francoyse" Jehan Palsgrave écrit ainsi: "How the adjectyves forme their feminine genders out of their masculyns". Les féminins sortent donc "out of" des masculins. Ce processus sera repris un peu plus tard par Louis Meigret dans "Le tretté de la grammere francoeze" s'imposant progressivement comme un état de fait.

C'est ainsi que l'on nous apprend à écrire froide, par exemple, à partir de l'adjectif froid auquel on ajoutera la marque du féminin, c'est-à-dire le "e". De fait, haut donne haute, confus donne confuse ou épicier donne épicière. Cette présentation, loin d'être anodine, pose le masculin comme un radical dont les déclinaisons en genre et nombre découleraient.

Pourtant, il m'arrive souvent, pour des raisons pratiques, de faire partir un.e apprenant.e d'un mot féminin pour trouver la lettre muette de son pendant masculin. En effet, comment savoir que compris se termine par un "s" muet lorsque l'on est dysorthographique ou illettré.e ? En prononçant le mot féminin.

Le masculin ne donne donc pas naissance au féminin, puisqu'il existe déjà. En revanche, le féminin contient et le masculin et les outils de compréhension des subtilités et pièges de la langue. Des outils que les grammaires peinent encore à mettre en avant malgrè l'efficacité que les enseignant.e.s leur accordent sur le terrain.



- Le masculin plus noble:

Bah! oui, il fallait s'en douter: l'accord des adjectifs confrontés à deux genre différents devait bien un jour ou l'autre faire l'objet d'un consensus.

Au XVIIe siècle, Vaugelas a commencé à prendre les choses en main: "Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut tout seul contre deux féminins". On ne parle pas explicitement de féminin moins noble, voire carrément vulgaire tant qu'à faire, mais c'est tout comme.

Il s'est quand même questionné, le Vaugelas, avant de pondre sa sentance définitive: " "Ce peuple a le coeur et la bouche ouverte à vos louanges" [...] Il faudrait dire "ouverts" selon la grammaire latine [...] mais l'oreille a de la peine à s'y accomoder [...] Je voudrais donc dire "ouverte", qui est beaucoup plus doux, tout à cause que cet adjectif se trouve joint au même genre avec le substantif qui le touche, parce qu'ordinairement on parle ainsi, qui est la raison décisive" (la partie en italique était soulignée par l'auteur).

La noblesse du masculin vaut bien les formulations auxquelles nous sommes désormais tenu.e.s: "Maman cuisine avec un fait-tout et une casserole verts" ou "Papa lit un article et une chronique instructifs".



- Le masculin vainqueur:

A la même époque, le père Dominique Bouhours s'est appuyé sur cette auto-proclamation de noblitude pour instaurer la fameuse règle du masculin qui l'emporte. Ainsi dans ses "Doutes sur sur la langue francoise", il dogmatise selon une formule qui restera sans appel: "Quand les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte" ...

Une simple règle de grammaire ? Non, car la langue construit notre rapport au monde. Un seul homme l'emportera toujours sur une, deux, mille, des milliards de femmes et même la totalité des femelles de la planète. Waow ! Trop fort.

Et ce n'est pas tout: ce pédant ecclésiastique distingue les féminins acceptables et ceux qui ne le seront point. "Au reste, quand nous dirions "insidiateur", il ne s"ensuivrait pas qu'on pût dire "insidiatrice", non plus qu' "exterminatrice", "tentatrice", "dominatrice", "dispensatrice" dont quelques Ecrivains se servent. On ne fait pas de ces féminins qu'on veut, et il n'est permis que ceux que l'usage a autorisés".

On ne fait pas de ces féminins qu'on veut ? Pourquoi "faire" des féminins alors qu'ils existent déjà selon la règle d'alternance qui prévaut pour d'autres ? Actrice/acteur, directrice/directeur, etc.

Il n'est permis que ceux que l'usage a autorisés. Bien, chef mais si on vous suit bien, ici l'usage c'est vous tout seul ...

Voilà, les voyages dans le temps c'est toujours instructif: le sérieux des grammaires et de leurs auteurs que l'on a toujours opposé aux féministes qui osent, ont osé remettre en question le sexisme avéré de la langue en prend quand même un sacré coup. A la logique raisonnée, à l'équité qui devraient guider toute démarche de règlementation de l'outil commun que représente la langue, "on" a préféré l'aveuglement imbécile de la haine et de l'égotisme mêlé.e.s. C'est sérieux, ça ?





Sources: mes Bescherelle, Bled et dictionnaires et, surtout, la mine d'infos qu'est "Le féminin à la française" d'Edwige Khaznadar.

Retraites : les femmes, grandes oubliées de la réforme

http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/civilisation-articles-section/34-civilisation-categorie/422-retraites-les-femmes-grandes-oubliees-de-la-reforme

Retraites : les femmes, grandes oubliées de la réforme
Civilisation - Écrit par Isabelle Germain - Mercredi, 16 Juin 2010 17:30



Haro sur le projet de réforme des retraites ! Comme prévu, les critiques fusent. Principal reproche : le nouveau système va affaiblir les plus faibles. Mais au plus bas de l’échelle des faibles il y a les femmes. Elles étaient mal loties jusqu’ici, elles le seront demain. La grande réforme qui vient d’être annoncée par Eric Woerth, ponctuée par les mots « justice » et « équité », les oublie ou presque.



Leur pension de droit direct ne représente en moyenne que 62 % de celle des hommes ; elles liquident leurs droits - c’est-à-dire demandent à bénéficier de leur retraite - en moyenne deux ans plus tard qu’eux ; 57 % des bénéficiaires du minimum vieillesse sont des femmes… A ces inégalités, plusieurs causes entremêlées.

D’abord ce sont les femmes qui, en général, interrompent leur activité professionnelle pour s’occuper des enfants - ceux qui demain paieront les plus copieuses retraites des hommes. Elles le font en partie par choix mais en très grande partie par contrainte, faute de modes de garde en nombre suffisant. 64 % des enfants de moins de trois ans sont gardés par un parent qui cesse le travail, la mère dans plus de 98 % des cas. Et pendant ce temps là, le compteur des trimestres de cotisation ne tourne plus.

Deuxième raison : leurs salaires sont plus faibles, en raison notamment de ces carrières en dents de scie ou des temps partiels qu’elles acceptent parfois pour se consacrer à leurs enfants, parfois parce qu’elles n’ont pas d’autre choix que d’accepter des emplois précaires. Elles sont aussi plus souvent au chômage que les hommes.


Le Laboratoire de l’égalité fraîchement créé a tiré des signaux d’alarme dans une tribune publiée dans Le Monde : « Prise en compte de la pénibilité, des carrières longues, de la faiblesse de l'emploi des seniors : par certains aspects, le gouvernement, dans son document d'orientation, semble avoir admis que pour faire évoluer vraiment les retraites, il faut s'attaquer aux inégalités qui se sont formées avant l'âge de la retraite, à savoir durant les carrières professionnelles. Pourquoi alors, dans celles des femmes, les réduire aux périodes de "maternité" ou de "cessation d'activité pour l'éducation des enfants", "aléas" que notre système de retraite est censé compenser ?... » La « réforme de société » qu’entend conduire le gouvernement ignore la situation des femmes, souligne le labo. Quelques responsables politiques et syndicaux ont aussi, mais un peu mollement, alerté sur ces inégalités dont le gouvernement a affirmé avoir connaissance.

Et puis… Une seule mesure a été annoncée ce matin par le ministre du travail. « Une mesurette » corrige Dominique Meda, sociologue du travail*. Pour « empêcher que le congé maternité ne fasse chuter la pension de retraite (…) L'indemnité journalière perçue pendant le congé maternité entre désormais dans le salaire de référence sur lequel sera calculée la pension de retraite », a annoncé le ministre.
Lutter contre les inégalités salariales... Quand ?

Une autre idée a été avancée par Eric Woerth : « Lutter plus activement contre les inégalités salariales ». Comment ? « Avec un dispositif de sanction de l’absence de diagnostic de situation comparée.» Selon ses dires, « depuis 27 ans, les entreprises doivent faire un rapport de situation comparée des femmes et des hommes. Seule une entreprise sur deux fait ce rapport. » (ndlr : un rapport du sénat indique que 72 % des entreprises n'ont jamais entamé ce processus) Ce document étant la première étape d’un processus de négociation destiné à résorber les différences de salaire, de primes, mais aussi de formation, de progression professionnelle… entre hommes et femmes.

Pas très convainquant. D’abord parce que cette promesse de renforcer les sanctions est répétée, la main sur le cœur, par les ministres qui se sont succédés au ministère du Travail depuis l’élection de Nicolas Sarkozy. Xavier Bertrand devait la concrétiser début 2009, Xavier Darcos, début 2010… Et, à ce jour, personne n’a écrit le premier mot d’un texte de loi allant dans ce sens. En outre, des sanctions existent déjà pour les entreprises qui ne font pas ces rapports : refuser de les réaliser est un délit d’entrave depuis la loi Génisson de 2001. « La violation par l’employeur de cette obligation de négociation est punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 3750 € d’amende (article L-2243 1 et 2 et L2146-1 du code du travail relatif au délit d’entrave) » affirme un document du ministère du Travail. Trop violent ? Pas assez ? Les syndicats ont très peu recours à cette arme et les employeurs dorment sur leurs deux oreilles.

Le gouvernement n’est clairement pas décidé à s’attaquer aux inégalités hommes/femmes qui précèdent la retraite. La « réforme de société » nécessaire dont il parle ne concerne pas les femmes. Sur d’autres sujets, il se montre plus offensif. Il s’attaque par exemple à la question de l’emploi des seniors avec des mesures concrètes : une aide à l’embauche d’un an pour les chômeurs de plus de 55 ans et le développement du tutorat. Mais rien de comparable pour les femmes. « Il faut par exemple résoudre le problème du travail précaire qui concerne toujours massivement les femmes et revaloriser les salaires qui sont toujours très bas dans les secteurs féminisés », affirme par exemple Olga Trostiansky, adjointe PS au maire de Paris et membre fondatrice du Laboratoire de l’égalité.

Dans quelques jours les syndicats descendront dans la rue, penseront-ils aux femmes ?


* Dernier ouvrage : Travail. La Révolution nécessaire, L’Aube, 2010

Retraites des femmes : corrigeons toutes les inégalités, par le Laboratoire de l'égalité

Point de vue
Retraites des femmes : corrigeons toutes les inégalités, par le Laboratoire de l'égalité
LEMONDE.FR | 01.06.10 | 09h20 • Mis à jour le 01.06.10 | 13h44

Jusqu'aujourd'hui, dans les multiples débats qui se sont développés autour de la réforme des retraites, la question centrale des écarts qui persistent entre les retraites des hommes et celles des femmes n'a pas été évoquée. Le Laboratoire de l'égalité, qui réunit autour des associations et des réseaux de femmes, des chercheuses et des chercheurs, des responsables d'entreprise, des élues et des élus, des syndicalistes, des journalistes et des acteurs de la blogosphère autour de la promotion de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, veut remettre cette question au centre du débat : nous ne souhaitons pas une réforme comptable visant seulement à assurer la pérennité du système des retraites par répartition, mais une réforme en profondeur, progressiste et portant un vrai projet de société.

Prise en compte de la pénibilité, des carrières longues, de la faiblesse de l'emploi des seniors : par certains aspects, le gouvernement, dans son document d'orientation, semble avoir admis que pour faire évoluer vraiment les retraites, il faut s'attaquer aux inégalités qui se sont formées avant l'âge de la retraite, à savoir durant les carrières professionnelles. Pourquoi alors, dans celles des femmes, les réduire aux périodes de "maternité" ou de "cessation d'activité pour l'éducation des enfants", "aléas" que notre système de retraite est censé compenser ?

La "réforme de société" qu'entend conduire le gouvernement ignore que le taux d'activité des femmes est plus faible, que les interruptions d'activité liées aux enfants concernent avant tout les mères, que les femmes sont plus frappées par le chômage que les hommes, que les emplois à temps partiel sont très majoritairement occupés par des femmes, que l'écart de salaire entre hommes et femmes est au moins de 20 %. Par ailleurs, la répartition inégale des tâches domestiques au sein du couple est l'un des principaux facteurs d'écart entre les carrières des femmes et celles des hommes. Toutes les projections montrent que les inégalités liées au taux d'activité, au temps partiel et aux salaires risquent de perdurer. L'allongement de la durée de cotisations annoncée aggravera encore les effets déjà constatés sur l'âge de départ à la retraite, les femmes partant plus tard : trois femmes sur dix attendent 65 ans pour liquider leur retraite et ne pas subir la décote.

METTRE EN LUMIÈRE TOUTES LES INÉGALITÉS

Les conséquences sur les retraites en sont connues : moins de la moitié des femmes valident une carrière complète ; la retraite moyenne des femmes représente 62 % de celle des hommes ; 57 % des bénéficiaires du minimum vieillesse sont des femmes… Sans projet ambitieux, ces inégalités perdureront elles aussi.

De multiples pistes existent pour améliorer les retraites des femmes : augmenter le minimum vieillesse et autoriser son cumul avec un revenu complémentaire, mieux prendre en compte les conséquences de la prise en charge des enfants et des personnes âgées dépendantes sur les trajectoires professionnelles, et ce pour toutes les femmes (meilleure validation des périodes de temps partiel ou d'interruption, mais aussi prise en compte du frein au déroulement de la carrière y compris quand les mères ne se sont jamais arrêtées de travailler), tenir compte des évolutions des modes de vie en étendant le principe de la réversion à d'autres formes de conjugalité que le mariage et en étudiant de nouveaux dispositifs tels que le partage des droits à la retraite entre conjoints…

Mais le gouvernement doit se montrer plus ambitieux et lancer une réforme qui permette vraiment de changer la donne, en passant d'un système de compensation à un système positif qui gomme les inégalités dans les carrières.

Les leviers à activer sont nombreux : lutte contre la surreprésentation des femmes dans les emplois précaires ou sous-qualifiés, en agissant dès l'orientation scolaire ; application immédiate des lois existantes en matière d'égalité salariale ; introduction d'une sur-cotisation pour les entreprises utilisatrices de temps partiel contraint ; réforme du congé parental afin de le rendre plus égalitaire, plus court mais mieux rémunéré ; création de places d'accueil de la petite enfance ; meilleure prise en charge des personnes âgées dépendantes…

Le Laboratoire de l'égalité pose trois conditions de la réforme pour parvenir à l'égalité des retraites entre les femmes et les hommes : il s'agit d'abord de conduire en préalable aux négociations une analyse par genre des différents scénarios de la réforme des retraites qui prenne en compte la variété des profils de femmes. Il est également indispensable de maintenir et d'améliorer les mécanismes compensatoires tant qu'on ne se sera pas attaqué aux racines des inégalités. Enfin, en parallèle à la réforme des retraites, le gouvernement et les partenaires sociaux devront travailler à mettre en place des outils – systématiquement évalués – pour lutter contre les inégalités dans les carrières professionnelles.

Profitons de cette réforme pour mettre en lumière toutes les inégalités ; profitons de cette réforme pour les corriger.

Le Laboratoire de l'égalité réunit des acteurs qui partagent une culture commune de l'égalité entre les femmes et les hommes (associations, réseaux de femmes, chercheurs-ses, syndicats, élus-es, entreprises, médias, blogosphère).

vendredi 18 juin 2010

Un historien prend l’exemple du féminisme

vendredi 18 juin 2010
Un historien prend l’exemple du féminisme

Il s’agit de Louis-Georges Tin, invité de l’excellente émission quotidienne d’Emmanuel Laurentin sur France-Culture, « La Fabrique de l’Histoire ». Chaque vendredi, un-e historien-ne répond à la question « À quoi ça sert, l’histoire ? » Voici le texte de Louis-Georges Tin, que je remercie pour son obligeance à me le communiquer pour diffusion dans notre réseau (et au-delà !) :

« A quoi ça sert l’histoire ? À faire apparaître des processus, là où ne voyons que des résultats.

Or, cette démarche singulière n’est pas sans conséquence. Pour illustrer cette idée, un exemple suffira. Il concerne l’histoire des femmes.

J’ai souvent rencontré des jeunes filles qui me disaient :

- Moi au moins, je ne suis pas féministe. Je suis même antifémiste. Cette attitude me semblait assez étonnante. Je leur demandais alors :

- Mais êtes-vous contre le droit de vote pour les femmes, êtes-vous contre l’égalité salariale entre hommes et femmes, ou contre le droit à la contraception ?

Bien entendu, elles répondaient par la négative. Évidemment, elles étaient pour le droit de vote pour les femmes, elles étaient pour l’égalité salariale et pour le droit à la contraception.

- Mais d’après vous, leur demandais-je, à qui devons-nous tous ces progrès sociaux ? Ne serait-ce pas, par hasard, aux mouvements féministes ?...

Pourquoi ces jeunes filles vont-elles jusqu’à se dire antiféministes ? Parce que, au-delà du stigmate social qui pèse sur le féminisme en général, on leur a appris, dans le meilleur des cas, l’histoire des résultats. On leur a appris par exemple que, dans sa grande bonté, le général de Gaulle a « accordé » le droit de vote aux femmes à la fin de la seconde guerre mondiale. Or, si on leur avait appris l’histoire des processus, elles auraient entendu une tout autre version. Elles auraient appris que, après plusieurs décennies de combats acharnés, les mouvements féministes avaient finalement obtenu le droit de vote pour les femmes à la fin de la guerre.

Évidemment, si l’histoire des processus était mieux partagée, toutes ces jeunes filles auraient eu une autre vision du féminisme. Mais faute d’attribuer aux mouvements féministes le crédit qui leur revient, elles étaient plus accessibles au discrédit qui pèse sur le féminisme en général, qui leur apparaît tout au plus comme un mouvement d’emmerdeuses sans humour, un mouvement tout à fait inutile dans le meilleur des cas. Mais ce n’est ici qu’un exemple, et on pourrait en dire tout autant pour ce qui est de l’histoire des mouvements homosexuels, des mouvements noirs, des mouvements syndicaux, etc.

En ce sens, on le voit bien, la véritable Histoire consiste à faire apparaître « l’Ordre des processus » derrière « l’Ordre des résultats ». Et cette connaissance constitue bien souvent un enjeu politique. Mais il y a ceux qui ignorent ces processus, et ceux qui ont intérêt à ce qu’on ignore ces processus... »

* Louis-Georges Tin, maître de conférences à l’Université d’Orléans et à l’EHESS, a publié entre autres le Dictionnaire de l’homophobie (PUF 2003), et L’Invention de la culture hétérosexuelle (Autrement, 2008).

Vous pouvez écouter son intervention à cette page.

Transmis par Florence Montreynaud du réseau Encore féministes !

Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 juin 2010

L'égalité des sexes reste à conquérir

La démocratie d'opinion en question
L'égalité des sexes reste à conquérir
LEMONDE | 18.06.10 | 14h31
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Geneviève Fraisse, historienne

Dilemme de la démocratie aujourd'hui, celui du dire et du faire, ironique décalage avec la pensée marxiste, plutôt attentive au rapport entre théorie et pratique. Dilemme parce que le lien entre dire et faire, entre faire et dire, est largement escamoté dans le discours politique.

Quand dire, c'est faire : le care, soin, souci, sollicitude, dit le projet d'une société solidaire, dit le commun des êtres humains plutôt que leur solitude d'atomes sociaux. Dire ce lien renouvellerait le paradigme social ; énoncé magique où un dire produirait une réalité nouvelle. Or, justement, dire ce n'est pas faire. Car le faire ne ressemble pas au dire. Qui pratique le soin des vulnérables ? Une population elle-même vulnérable.
dans
Point de vue Les lobbies, court-circuits de la souveraineté
Point de vue Mettre en place une politique de l'humanité
Point de vue Les consultations populaires peuvent régénérer les passions citoyennes

Car faire le soin est la tâche des femmes : 97 % des salariés du "service à la personne" par exemple ; temps partiel, pauvreté à l'horizon, retraite hypothétique pour beaucoup. Le faire du soin, indissociable de l'activité de service, n'a rien d'un rêve politique. Faire le soin indique le gisement d'emplois propice aux solutions économiques ; ce qui n'empêche nullement de réduire le nombre des infirmières. Le service domestique de jadis s'est transformé en "service à la personne". Et vous avez dit subversif ?

Sous-emploi des femmes, ai-je dit ; et retour en arrière assuré pour leur émancipation... L'autonomie des femmes est encore une conquête à venir, bien plus qu'un moment libéral à dépasser ! La critique de l'individualisme libéral oublie que l'autonomie socio-économique des femmes est loin d'être une évidence, que la dépendance l'emporte encore souvent sur l'indépendance, que le lien est aussi un piège. Dire la vertu du soin cache le vice de la division sexuée du travail subalterne... Entre dire et faire : un abîme. Dire n'est pas faire ; et le faire prosaïque interroge le dire.

Inversons la formule : quand faire, c'est dire. Faire le geste individuel du foulard ou du voile intégral. Cela dit quoi ? Rien, juste un bout de tissu, quelques cas isolés, disent mes amis. On invoque la liberté individuelle, l'autonomie du sujet, le consentement. Aucun lien social apparent, contrairement à l'exemple précédent ; uniquement, dit-on, du choix personnel ; autarcique ? Le consentement serait une affaire entre soi et soi. Mais faire, c'est dire, c'est dire à d'autres, aux autres. C'est un dire politique.

L'important n'est pas qu'une femme voilée soit reconnue comme sujet (aucun doute là-dessus, pour ma part), c'est que ce geste soit lu comme un énoncé politique (ce que personne ne souhaite vraiment). Enoncé politique valorisé, ou au contraire contestable, c'est selon. Et il n'est nul besoin de parler religion, laïcité, identité, diversité...

Ici, faire, c'est dire. Refusons le déni du politique, le rejet de l'importance du port du voile. Car en matière de féminisme, c'est courant, c'est même un argument clé de la domination masculine : passez votre chemin, il n'y a rien à voir ; que du futile, du privé, de l'anecdotique. Alors, que dit le voile du corps entier ? Il dit la société divisée en classes d'immigration, en sexes de pouvoir, en corps marchandises ; il dit, par l'invisible, le trop visible des inégalités. Mais, soulignons-le, dit le politique avec les instruments de la domination masculine.

Alors, porter le voile intégral serait une forme d'émancipation ? Mais dans quelle dialectique dominante ? Oui, faire, c'est dire : mais pour quelle histoire à venir, quel projet d'égalité des sexes ? Il y a de quoi douter.

Résumons : quand dire c'est faire me rappelle qu'il faut voir les sexes à l'oeuvre dans le dire des politiques. Quand faire c'est dire m'explique que les sexes font de la politique. La politique est sexuée et le sexe est politique. On toucherait ainsi à l'essentiel du slogan féministe : "Le privé est politique", le personnel est politique.

Oui, le quotidien domestique, la garde des enfants et l'activité économique de chacun sont du politique. L'intime même est traversé de politique. Car est politique ce qui cache la division sexuée du monde tout autant que ce qui l'exhibe dans sa caricature (le voile intégral rejoint là les "bimbos" de la télévision italienne). Est politique ce qui masque les rouages de la domination masculine.

Servir, consentir : ces mots du vocabulaire, très souvent au féminin, disent depuis toujours le lien entre les êtres. Mais quel lien ? Celui de la symétrie qui promet l'égalité, ou celui du déséquilibre que cimentent les inégalités ? Or ce qui manque, ce n'est pas le lien, c'est l'échange, le rapport... et le conflit ; pour résister au morcellement des mots et des images...

Dire, c'est faire, et on n'y voit rien ; faire c'est dire et il faut vraiment voir. Ou bien penser et agir ; vous avez dit théorie et pratique ? Cela me convient mieux.

Geneviève Fraisse, historienne

lundi 14 juin 2010

Il y a 70 ans, partait le premier convoi pour Auschwitz

Il y a 70 ans, partait le premier convoi pour Auschwitz
LEMONDE.FR | 14.06.10 | 16h17 • Mis à jour le 14.06.10 | 16h32


Le 14 juin 1940, un train s'acheminait lentement vers une ancienne caserne du sud de la Pologne occupée. A son bord, 728 prisonniers politiques polonais entassées par une chaleur étouffante dans des wagons aux fenêtres fermées. Venant de la prison de Tarnow, les prisonniers les plus âgés reconnaîtront une pancarte, sur le chemin, portant en lettres gothiques le nom allemand de la ville d'Oswiecim : Auschwitz.

Le camp fut ouvert en juin 1940 près de la ville d'Oswiecim, dans le sud de la Pologne, renommée Auschwitz par les Allemands, pour y enfermer des prisonniers politiques polonais. Il a ensuite été étendu au site de Birkenau, distant de 3 km, et consacré à partir de 1942 essentiellement à l'extermination des juifs d'Europe.
Les faits Le camp d'Auschwitz-Birkenau fermé aux visiteurs en raison d'un risque d'inondation


Leur convoi fut le premier d'une longue série de trains pour Auschwitz où furent exterminées 1,1 million de personnes, dont un million de juifs. Soixante-dix ans après, lundi 14 juin, à l'initiative de l'Association des familles d'Auschwitz, un train a symboliquement parcouru ces quelque 140 kilomètres.

Avant le départ, un petit monument portant les 728 noms et un triangle rouge – couleur des prisonniers politiques –, marqué de la lettre P pour Polonais, a été dévoilé sur le quai de la gare de Tarnow. Un hommage doit être rendu à "toutes les victimes des camps allemands nazis", à l'arrivée dans le camp d'Auschwitz, initialement créé pour détruire la résistance polonaise et les élites du pays, étendu ensuite par l'Allemagne nazie en camp de la mort pour les juifs d'Europe et devenu symbole de l'Holocauste.

L'entrée du camp de concentration d'Auschwitz.
AFP/-
L'entrée du camp de concentration d'Auschwitz.

"AUCUN DE NOUS NE SAVAIT CE QU'ÉTAIT UN CAMP DE CONCENTRATION"

Kazimierz Zajac, 86 ans, a refait le voyage. "On nous a dit qu'on nous emmenait dans un camp de concentration mais aucun de nous ne savait encore ce qu'était un camp de concentration", a-t-il raconté dans le train. Sur son bras est resté tatoué le numéro 261, et il a précieusement gardé le triangle rouge cousu à l'époque sur son uniforme de prisonnier.

Les numéros d'immatriculation de ces Polonais allaient de 31 à 758, car 30 détenus de droit commun allemand étaient déjà enfermés à Auschwitz. Ils deviendront les "kapos" – surveillants – du camp. A leur arrivée, les prisonniers, dont un petit nombre étaient juifs, furent battus et placés en rangs. "'Les juifs ne vivront pas plus d'un mois, les prêtres trois mois et pour les autres, la seule sortie possible sera la cheminée du four crématoire', nous a dit le SS Friesch", a raconté M. Zajac, resté dans le camp jusqu'au 19 décembre 1944.

Photo de déportés derrière les barbelés prise en 1945, au moment de la libération du camp de concentration d'Auschwitz.
AFP/-
Photo de déportés derrière les barbelés prise en 1945, au moment de la libération du camp de concentration d'Auschwitz.

Comme en 1940, le convoi a marqué l'arrêt en gare de Cracovie. Là, les prisonniers, dont beaucoup avaient tenté de rejoindre l'armée polonaise en France via la Slovaquie et la Hongrie, avaient appris l'entrée ce même jour des troupes allemandes dans Paris. "C'est comme si le sol s'était dérobé sous nos pieds. Nous avions eu pour but la France, l'armée polonaise, et voilà que Paris était occupé et que la France se rendait", a raconté Kazimierz Albin, qui avait 17 ans à l'époque.

"TOUTE DÉSOBÉISSANCE SERA PUNIE DE LA PEINE DE MORT"

A leur arrivée au camp, a raconté M. Albin, on leur a dit qu'ils étaient "dans un camp allemand de concentration en tant qu'ennemis du peuple allemand. Toute désobéissance et tentative d'évasion est punie de la peine de mort". Dès le lendemain et pendant une période de quarantaine, ils seront frappés, torturés, soumis à des exercices physiques insoutenables, et seront ensuite employés à l'extension du camp.

Dès leur arrivée dans le camp, les prisonniers ont été battus et torturés.
AFP/-
Dès leur arrivée dans le camp, les prisonniers ont été battus et torturés.

Au moins 227 d'entre eux sont morts à Auschwitz et 300 ont survécu à la guerre. D'autres convois ont suivi et, jusqu'au printemps 1942, Auschwitz fut occupé en majorité par des prisonniers polonais non juifs. Kazimierz Albin, qui a réussi à s'évader en février 1943, sera témoin en 1942 de l'arrivée massive de juifs de toute l'Europe et de la création d'Auschwitz-II, ou Birkenau, lieu d'extermination des juifs : hommes, femmes, enfants, vieillards.

En septembre 1940 arrivera un prisonnier particulier, le résistant polonais Witold Pilecki, qui s'est fait interner volontairement afin de constituer un réseau de résistants à l'intérieur du camp, et a informé le monde de ce qui s'y passait pendant deux ans et demi.

DES CONVOIS DE "FAMILLES SUR TROIS GÉNÉRATIONS"

Des femmes et des enfants juifs à leur arrivée par train au camp d'extermination d'Auschwitz.
AFP/STF
Des femmes et des enfants juifs à leur arrivée par train au camp d'extermination d'Auschwitz.

M. Albin se souvient encore de ces convois de "familles sur trois générations" et des détails de l'extermination dans les chambres à gaz entendus dans les conversations des kapos avinés. Un million de juifs ont trouvé la mort à Auschwitz-Birkenau, ainsi qu'entre 70 000 et 75 000 Polonais non juifs, 21 000 Tziganes, 15 000 prisonniers de guerre soviétiques et 10 000 à 15 000 autres prisonniers, dont des résistants, selon les données du musée du camp.
Le Monde.fr, avec AFP

J'adore la Barbe !

Le gang des postiches
28 OCTOBRE 2008
PHOTOS: Pierre Gonnord
TEXTE: Cécile Daumas
Gang Postiches La Barbe
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La Barbe, c’est leur affaire. Parce qu’elle est l’attribut masculin par excellence et parce qu’elles en ont assez de l’omniprésence des hommes dans les lieux de pouvoir. Ces féministes d’un nouveau genre qui préfèrent l’action et la dérision aux longs discours, débarquent au Sénat comme dans les entreprises et dégainent boucs et barbiches devant des élus et des actionnaires ébahis…

Sanglés dans leurs uniformes, les huissiers du Sénat sont embarrassés. Ils viennent d’arrêter une dizaine de personnes, qui, manifestement, sont des femmes, mais portent toutes sans exception des barbes. L’une arbore un collier roux et fourni, l’autre un fin trait noir, la troisième se prend pour Clark Gable, la suivante pour un Mousquetaire. Malgré la texture très moumoute des postiches, un des gendarmes, venu en renfort, en perd sa grammaire des genres. Homme ou femme ? Un simple carré de fausse fourrure brouille sensiblement la frontière entre les sexes… Dans son talkie-walkie, il transmet à son supérieur hiérarchique. "Heuhh… ils attendent calmement." Il y a encore cinq minutes, ces femmes embarbées avaient profité de la journée du Patrimoine pour s’infiltrer dans l’hémicycle et adresser un discours de mise en garde contre "la féminisation de la société".

Belle chevelure ondulée et joues à forte pilosité, Victoire, accompagnée de ses acolytes, grimpe à la tribune et se lance devant des visiteurs interloqués. "Malgré la résistance farouche de nos partis politiques, la loi pour la parité a déjà permis à trop de femmes de s’emparer de nombreux sièges, pervertissant ainsi, de l’humble mairie de village aux plus nobles assemblées, la solennité du mandat républicain." A peine deux minutes plus tard, les huissiers délogent les usurpatrices et les remettent entre les mains de la police. "Mais pourquoi vous en prendre au Sénat, s’étonne un officier, il y a bien plus de femmes ici qu’à l’Assemblée nationale." Ce 21 septembre, les élections sénatoriales intéressent mollement les Français qui profitent d’un superbe dimanche ensoleillé. Au soir des résultats, le Palais du Luxembourg se féminise légèrement, portant le nombre de sénatrices à… 21,8 % contre 18,2 % auparavant. Quelques heures auparavant, les militantes de La Barbe étaient expulsées de la vénérable institution par une porte dérobée, loin du public venu en nombre visiter les lieux, et encadrées par autant de CRS et de policiers.

Assemblées d’hommes. En 2008, Simone de Beauvoir s’appelle Simon et un étrange rectangle de poils lui a poussé au bout du menton. Ces féministes d’un nouveau genre ne sortent jamais sans leur barbe, préfèrent l’action et la dérision aux interminables débats sur la "condition féminine". Depuis le 28 février 2008, La Barbe va droit au but : cibler les lieux de pouvoir où règne le gris horizon des costumes trois pièces. Assemblée d’actionnaires de grandes entreprises (Carrefour, Casino) ou institutions politiques, le collectif s’invite, pastiché, à ces assemblées d’hommes qui dirigent la France. Première victime en mars dernier : le Conseil national des centres commerciaux qui préfèrent les femmes en caissières plutôt qu’en managers. Interrompant les débats de l’assistance quasi masculine, Marie de Cenival, fondatrice du groupe, s’empare du micro. "Je tiens à vous féliciter, au nom de La Barbe, dit-elle entre ses faux poils. Comme beaucoup d’autres entreprises en France, vous avez su résister à la féminisation de la société. Vous n’avez qu’une femme à votre conseil d’administration et trente hommes. Félicitations." Rires gênés de la salle encravatée puis expulsion manu militari.

"Désamorcer l’image féministe". Reprenant les techniques des activistes américains comme les Yes Men qui dénoncent les effets de la mondialisation par des canulars ou les Billionnaires for Bush critiquant la politique du Président américain en tenues de golf et colliers de perles, les féministes de la Barbe se glissent dans la peau des hommes et dénoncent leur hégémonie en les singeant. "Avec nos postiches, explique Marie de Cenival, nous rendons visible, tel un miroir, l’invisibilité des femmes dans les lieux de pouvoir. Nous rendons concrète la réalité affligeante des statistiques que personne ne veut voir (1)." Mêlant activisme et mise en scène arty, La Barbe filme chacune de ses interventions et les diffuse sur Internet via You Tube. Pas de grands discours mais des opérations basées sur l’image. Le montage reprend l’esthétique rétro des films muets du siècle dernier, ringardisant le sexisme contemporain et modernisant du même coup le féminisme. "Avec l’humour, nous désamorçons la mauvaise image des féministes", explique Marie de Cenival.

"Au moins, on ne pourra pas dire que nous sommes des féministes pas drôles, hystériques et mal baisées", remarque Annie, étudiante en psychologie. C’est le second degré qui attire la plupart des adhérentes : une vingtaine de membres actifs, une trentaine de sympathisantes. Professeur, chef d’entreprise ou salariée dans le monde associatif, elles ont vingt ou trente ans, la cinquantaine pour les plus âgées. Aucune ou presque n’a de passé militant féministe. "C’était le combat de ma mère, dit Coralie, 32 ans, deux enfants, salariée d’une association de lutte contre le sida. J’ai milité pour les sans-papiers, je ne me sentais pas concernée par le féminisme qui, à mes yeux, n’était vraiment pas sexy. Quand j’ai vu les premiers films de La Barbe, j’étais morte de rire. Et quand j’ai creusé la question, j’étais effarée." Porteur d’un renouveau féministe mixant humour, art et médias, La Barbe séduit par son mode d’action. "Je n’aime pas l’agressivité d’un meeting politique, alors que j’apprécie les actes incisifs et drôles de ce groupe, reconnaît Christine, chasseuse de têtes de 50 ans. Je ne me sens pas enfermée comme dans un parti. Je reste un électron libre." Les interventions du collectif rappellent la "zaps" d’Act Up, ces opérations spectaculaires qui ont scandé la lutte contre le sida : simulacre d’un mariage homosexuel à Notre-Dame de Paris, Die-in, manifs allongées sur le bitume pour symboliser les victimes de l’épidémie. "Nous sommes quelques-unes à avoir longtemps milité dans cette association, dit Marie de Cenival. Nous avons appris à planifier une action, à alerter les médias, à ne pas avoir la trouille. Act Up nous a donné ce culot que nous n’avions pas."
Avant de lancer La Barbe avec sa compagne américaine, Marie de Cenival a longtemps réfléchi – dans son bain – à la façon de dépoussiérer l’engagement féministe et d’éviter les travers passés. "Violence sexuelle, pub sexiste, prostitution ou voile, le féminisme s’est enfermé dans ces thèmes dits “de femmes” et s’est épuisé en s’entre-déchirant sur ces questions complexes à résoudre. De mon expérience à Act Up, j’ai retenu que si on voulait changer les choses, il fallait taper directement en haut de l’échelle, là où se prennent les décisions. L’important est d’avoir les rênes en main." La Barbe ne s’attaque qu’aux lieux de pouvoir et investit, poils au menton, le champ des hommes. "Lors de nos actions, certains nous disent, “vous feriez mieux de vous occuper de l’excision ou des violences conjugales.” Mais tactiquement, seul le pouvoir nous intéresse. Il ne s’agit pas de dire que les femmes seraient meilleures, mais simplement de donner à tous le droit et le choix de diriger." Suivant cette ligne, le symbole de la barbe s’est imposé de lui-même. "Le poil est l’attribut fondamental de la virilité et de la masculinité. Il suffit de mettre une barbe pour être du côté du pouvoir. Et puis, la barbe signifie ras-le-bol, non ?"

A la frontière des genres. Relevant de la désobéissance civile, les actions non violentes du collectif sont généralement bien accueillies. "A ce moment-là, tous les hommes jurent qu’ils sont féministes, mais ils ne peuvent s’empêcher de rajouter que nous serions bien plus jolies sans nos barbes", relève Catherine, économiste dans une grande banque française. Les rares femmes présentes dans ces lieux de pouvoir sympathisent avec la cause ou bien se montrent franchement agressives. "Elles en ont bavé pour en arriver là, elles ne veulent pas être assimilées à notre démarche, remarque Marie de Cenival. Même les femmes sont sexistes." En se situant à la frontière des genres, les membres de la Barbe perturbent leurs interlocuteurs. En mai dernier, le collectif s’était déjà invité au Sénat lors d’un colloque intitulé "le Parlement, miroir de la société". A la tribune, une brochette d’hommes, Edouard Balladur ou Jean-Pierre Chevènement. Du pain bénit pour La Barbe. Mais aussi Gérard Longuet. "J’ai des excuses, dit-il. Je suis mariée à une femme, ce qui est encore assez fréquent, j’ai quatre filles, et donc une mère, et quand j’ai un chien, c’est une chienne…" L’extrait est passé en boucle sur Internet. La réputation de La Barbe était lancée.

(1) 18,5 % de femmes à l’Assemblée nationale, une femme présidente de Région, 8 % de femmes dans les conseils d’administration des 500 premières entreprises françaises, 7,6 % de femmes dirigeantes au sein du CAC 40, 17 % des chefs et directrices des entreprises françaises…

A visiter
www.labarbelabarbe.org

samedi 12 juin 2010

Martine, Carol, Simone et les autres

Martine, Carol, Simone et les autres
LEMONDE | 12.06.10 | 14h57 • Mis à jour le 12.06.10 | 19h31


Michel Onfray, philosophe

Le Parti socialiste revendique aujourd'hui l'éthique du "care", autrement dit du "soin", du "souci", pour donner des fondations idéologiques à sa stratégie qu'on imagine moins intellectuelle que présidentielle. Cette éthique nous vient des Etats-Unis et plus particulièrement des travaux de Carol Gilligan. Qui est cette femme ? Une philosophe dite féministe. Pourquoi dite ? Parce qu'il me semble qu'il est des féminismes dont les femmes pourraient bien se passer tant ils réjouissent les machistes...


Précisons : Carol Gilligan part en guerre contre le patriarcat. Sur ce terrain, je ne peux que la suivre. Elle formule les attendus de cette option philosophique dans Une voix différente - le titre de son livre publié aux Etats-Unis en 1982, traduit plus d'un quart de siècle après en France (Flammarion, 2008)... Que nous dit cette voix ? Que le patriarcat est un ordre organisé autour du "genre", autrement dit de définitions précises du "masculin" et du "féminin" avec, du côté des hommes, le prêtre, le père, l'ordre, l'autorité, la loi qui structurent la vie de tous. Elle associe au patriarcat le sexisme, l'homophobie, le racisme, la guerre et autres formes d'intolérance. Dont acte...

La théorie classique de la justice, autrement dit mâle, patriarcale, s'appuie sur une série de piliers : la Raison, le Soi, l'Esprit et la Culture. La théorie du "care", en revanche, s'oppose au triomphe sans partage de ces idoles majuscules pour les tempérer par l'Emotion, la Relation, le Corps, la Nature. Jusque-là, on peut également souscrire à l'analyse : de fait, la pensée occidentale dominante, relayée par la machine universitaire, fait de la Raison raisonnable et raisonnante une machine de guerre utile pour produire et reproduire son ordre. Dans le même mouvement, elle fait des Passions en général, et de l'Emotion en particulier, les entraves majeures à l'usage correct de la raison. D'où son invite à renoncer aux désirs pour mieux penser, à se méfier du corps matériel pour lui préférer l'exercice d'une âme immatérielle et, de Platon à Freud, le commerce des esprits incorporels.

L'actuelle polarisation sur le Soi, qui peut prendre les formes du narcissisme, de l'égotisme, de l'égoïsme, de l'individualisme, du nombrilisme, ne fait de mystère pour personne, c'est en effet une grande valeur postmoderne, sinon la vertu cardinale d'un monde si souvent insoucieux d'autrui. Dès lors, la question de la Relation intéresse beaucoup moins que celle du Soi, et la construction d'une éthique authentique, sinon la production d'une morale contemporaine mobilise nettement moins que les recettes pour être heureux - tout cela est facile à constater.

Enfin, la Culture est vécue depuis bien longtemps, disons depuis le triomphe du judéo-christianisme, comme une méditation des livres, un commentaire du texte, une sécrétion de bibliothèque, plutôt qu'une sagesse acquise à méditer le cosmos, le ciel, la nature et les saisons. Saint Augustin détermine plus les consciences contemporaines, même athées, que le Virgile des Géorgiques !

Que veut Carol Gilligan ? Non pas la Justice contre le Care, la Raison contre l'Emotion, le Soi contre la Relation, l'Esprit contre le Corps ou la Culture contre la Nature, mais l'union de ces instances que le patriarcat oppose. Contre le dualisme qui oppose et exclut, elle veut un monisme qui rassemble et réunisse. Jusqu'ici, tout va bien...

FONDAMENTAUX

Les choses s'enveniment quand Carol Gilligan affirme que les femmes ont un rôle majeur à jouer pour abolir le modèle patriarcal et précipiter l'avènement de la démocratie. Voici sa proposition : "Nous valorisons l'intelligence émotionnelle, le soi relationnel, le cerveau sensible." Bravo. Mais en quoi cela constitue-t-il un projet spécifiquement féministe ? Voire antipatriarcal ? A moins d'imaginer que les femmes sont essentiellement différentes des hommes, par nature, donc, et non par éducation.

Lorsque Carol Gilligan écrit : "Les femmes se définissent non seulement dans un contexte de relations humaines mais se jugent en fonction de leur capacité à prendre soin d'autrui (care)", est-ce que l'on ne retrouve pas l'ancestrale définition, bien peu féministe et très machiste, des femmes différentes des hommes parce qu'elles sont douces, tendres, affectueuses, altruistes du fait que la physiologie de la maternité les distinguerait des hommes ? Où l'on retrouverait le destin des femmes écrit dans leur utérus...

Car si les femmes sont les égales des hommes, ce que je crois, elles le sont pour le meilleur et pour le pire : l'existence d'un seul homme qui fait primer l'Emotion, la Relation, le Corps et la Nature ou bien la possibilité d'une femme qui défende la Raison, le Soi, l'Esprit et la Culture, fait voler en éclats cette idée d'une féminité plus soucieuse du "care" qu'une masculinité toujours coupable de se faire la courroie de transmission du patriarcat.

La réalité est nominaliste. Quand une femme est nulle, on doit pouvoir le lui reprocher sans s'entendre dire qu'on ne le lui en aurait jamais fait la remarque si elle n'avait été une femme, un argument sexiste qui vaut celui des hommes phallocrates. Les femmes ne sont ni supérieures ni inférieures, mais égales aux hommes et différentes indépendamment du genre : chacune étant une exception - comme chaque homme...

Si le Parti socialiste souhaitait revenir aux fondamentaux et de la gauche et du féminisme, il lui faudrait explorer l'immense continent du socialisme français non marxiste, libertaire en particulier, et d'une certaine Simone de Beauvoir encore trop enveloppée dans l'ombre de Jean-Paul Sartre car, dans leur couple, le plus philosophe au sens ENS du terme fut sans conteste l'auteur de la Critique de la raison dialectique, mais la plus philosophe au sens de l'universalisme débordant les professionnels de la profession, ce fut elle, et dans les grandes largeurs, avec Le Deuxième Sexe, un livre magnifique qui n'a pas pris une seule ride.

Faut-il en conseiller la lecture à Martine Aubry ?


Alain Smagghe
12.06.10 | 18h36

On peut se demander, une fois de plus, si Michel Onfray, à force de vouloir donner son avis sur tout, ne caricature pas la pensée des autres. Carol Gilligan n'est pas philosophe mais psychologue, et sa pensée, non seulement ne résume pas la richesse de l'éthique et de la politique du care, mais en plus a considérablement évolué depuis son premier ouvrage, comme elle vient de le confirmer dans un récent colloque à Paris. S'il vous plait, monsieur Onfray, un peu de rigueur et d'approfondissement !

jeudi 10 juin 2010

Les mères lesbiennes seraient de meilleurs parents

Homoparentalité

10 juin 2010 15:53 (il y a 3 heures)
Les mères lesbiennes seraient de meilleurs parents

YAGG

Publié par Judith Silberfeld | Dans Homoparentalité, Société | 300 vues

NLLFSVoilà qui va défriser les opposants à l’homoparentalité: une étude menée sur 25 ans et publiée par la très sérieuse revue américaine Pediatrics (téléchargeable sur le site de la revue) montre que les enfants élevés par des mères lesbiennes, en couples ou célibataires, vont plutôt mieux que les autres.

Jusqu’ici, la plupart des études avaient conclu que les enfants élevés dans des familles homoparentales ne montraient pas de différence significative avec les autres. Le résultat de la « National Longitudinal Lesbian Family Study » (NLLFS) étonne même ses auteures, Nanette Gartrell et Henny Bos: « Nous ne nous attendions pas à trouver qu’ils allaient « mieux, nous nous attendions à trouver qu’ils allaient « aussi bien »", a expliqué Nanette Gartrell à Medpage Today, un site d’information à destination des médecins.

FAMILLES LESBIENNES « PLANIFIÉES »
L’étude menée auprès d’enfants né-e-s de mères lesbiennes et conçu-e-s par insémination artificielle portait sur quatre axes principaux: l’adaptation psychologique, les relations des enfants avec leurs pairs, les relations familiales et l’école. De 1986 à 1992, 154 mères en devenir de Boston, Washington et San Francisco ont accepté de participer à cette recherche, qui consistait à suivre des familles lesbiennes « planifiées » (par opposition à des familles dont les enfants seraient nés dans un contexte hétérosexuel avant le coming-out de la mère) de la conception de l’enfant jusqu’à ce qu’il ou elle atteigne l’âge adulte, soit 84 familles (70 mères biologiques, 70 mères sociales et 14 mères célibataires). À ce jour, 78 enfants ont été suivis, et des données ont été récoltées directement auprès d’eux, par des questionnaires et des entretiens, lorsqu’ils avaient 10 ans puis 17 ans, ainsi qu’auprès de leurs mères au fur et à mesure, en 5 étapes.

Les données ont ensuite été comparées à celles recueillies auprès d’un échantillon de jeunes Américains dans le cadre d’une autre étude (l’étude Achenbach): « Les analyses comparatives ont démontré que les filles et les garçons de 17 ans de la NLLFS obtenaient des résultats sensiblement meilleurs dans les rapports sociaux, les résultats scolaires et les compétences générales et sensiblement plus bas en ce qui concerne les comportements agressifs et de violation des règles ». Les résultats sont similaires selon que les enfants soient né-e-s de donneurs connus ou non, et que les mères soient toujours en couples ou séparées.

« INVESTIES DANS L’ÉDUCATION DES ENFANTS »
« Ces résultats peuvent en partie être expliqués par le fait que les mères qui ont participé à l’étude se sont engagées avant même la naissance de l’enfant et se sont activement investies dans l’éducation des enfants », indiquent les chercheurs qui soulignent le rôle des méthodes éducatives des mères lesbiennes (plus de communication orale, moins de fessées, un réel partage de l’autorité parentale lors des séparations etc.). Les enfants « ne sont pas nés par accident, remarque Nanette Gartrell, citée par CNN. Les mères étaient plus âgées (…), elles attendaient le bon moment pour avoir un enfant et avec l’âge viennent la maturité et une meilleure éducation des enfants ».

Les auteurs de l’étude en indiquent également les limites: l’échantillon n’a pas été choisi au hasard (à l’époque du lancement de l’étude, la population ciblée était très peu visible) et il n’y a pas eu de comparaison des données de la NLLFS et de l’échantillon Achenbach en termes d’origine ethnique ou géographique.

Les résultats obtenus par les chercheurs ont évidemment déplu aux associations opposées aux droits LGBT, notamment à Concerned Women for America, dont la présidente, Wendy Wright, est convaincue qu’ils ont été tournés de façon à donner raison aux militants LGBT, puisque la recherche a été en partie subventionnée par des fondations homos. D’autres s’inquiètent de ce que ces résultats puissent être interprétés comme indiquant l’inadéquation des hommes pour élever des enfants et ainsi être utilisés contre l’homoparentalité masculine.

mercredi 9 juin 2010

"Nannerl, la soeur de Mozart" : la soeur virtuose et sacrifiée de Mozart

Critique
"Nannerl, la soeur de Mozart" : la soeur virtuose et sacrifiée de Mozart
LEMONDE | 08.06.10 | 16h14 • Mis à jour le 08.06.10 | 16h40


On s'attendait à beaucoup de choses de la part de René Féret, sauf à une reconstitution historique située sous le règne de Louis XV ! La chronique contemporaine, le réalisme à hauteur d'homme font d'ordinaire le miel de ce cinéaste hyperindépendant, qui édifie depuis 1975 (Histoire de Paul) une oeuvre opiniâtre, courageuse, et hors des sentiers battus.
L'avis du "Monde"

À VOIR
dans
Critique "Crime" : un indéniable parfum de fantastique
Critique "When You're Strange" : le doux plaisir d'une régression nostalgique

L'époque à laquelle se situe son nouveau film, l'apparat nécessaire du décor et des costumes, ne sont pourtant que des apparences, par-delà lesquelles le réalisateur creuse un sillon qui lui est cher : les liens familiaux, la peinture des sentiments, le travail cinématographique conçu lui-même comme affaire de famille et de fidélité. Tout juste s'agit-il ici d'une famille très particulière, les Mozart. Les voici réunis au premier plan du film, brinquebalés dans une berline sur les routes du royaume de France.

Il y a Léopold, le père, musicien prestigieux animé d'un désir féroce de réussite pour ses deux enfants surdoués, et les exhibant dans les cours européennes. Il y a son épouse, Anna-Maria, entièrement dévouée aux desseins de son mari et tirant fierté de la gloire qui touche leur famille grâce à l'entregent du père et au don de leur progéniture. Il y a enfin le petit Wolfgang, 11 ans, dont le génie n'est déjà plus à prouver, et sa soeur Maria-Anna, dite Nannerl, 14 ans.

L'originalité du film est de s'intéresser à cette dernière - magnifiquement interprétée par Marie Féret, la fille du cinéaste - au détriment de son frère. Juste retour des choses, au regard du destin amer connu par la jeune fille. Musicienne douée et concertiste virtuose à une époque où les femmes n'étaient pas censées accomplir leurs dispositions pour la création, elle fut éclipsée par son frère, après l'avoir pourtant précédé dans la réputation de la famille Mozart.

Née en 1751 à Salzbourg, elle est le premier enfant prodige de la famille, avant que son père n'abandonne la jeune fille, trop âgée pour jouer ce rôle, à des tâches subalternes, en refusant de lui enseigner la composition. Sacrifiée à Wolfgang, elle fait un mariage de raison à 32 ans avec un baron veuf et père de cinq enfants, compose quelques partitions aujourd'hui perdues, vivote en donnant des leçons de piano, meurt dans le dénuement en 1829, après avoir veillé à la postérité de l'oeuvre de son frère.

Plus qu'à celle de la musique proprement dite, plus qu'au destin ultérieur de Nannerl, le film est l'histoire de ce renoncement. Il met en scène le moment où la jeune fille, encore bercée d'espoirs et d'illusions, doit se l'avouer à elle-même et rentrer dans le rang. Il n'en est que plus cruel et plus beau.

Pour évoquer cette déchirure, Féret a recours au romanesque. Durant le voyage de trois ans des Mozart devant les cours européennes, le cinéaste imagine une intrigue sentimentale. Elle mêle Nannerl au destin de Louise de France, fille de Louis XV cloîtrée à l'abbaye de Fontevraud, et à celui du dauphin, qui paie les dettes libertines de son père par une dévotion exacerbée. Très loin des pompes en usage dans ce genre de reconstitution, le film met en oeuvre un minimalisme distancié et une justesse des sentiments qui emportent avec grâce la conviction.

Film français de René Féret avec Marie Féret, Marc Barbé, Delphine Chuillot, Clovis Fouin. (2 heures.)
Jacques Mandelbaum

"Tout est fait pour décourager les femmes en politique"

Elisabeth Guigou, députée (PS) de la Seine-Saint-Denis
"Tout est fait pour décourager les femmes en politique"
LEMONDE pour Le Monde.fr | 04.06.10 | 14h43 • Mis à jour le 07.06.10 | 19h55


Dix ans après le vote de la première loi sur la parité, Elissabeth Guigou tire un bilan mitigé de la loi du 6 juin 2000, qui a imposé l'alternance stricte hommes-femmes sur les listes électorales.


Fernand : Dix ans après le vote de la première loi sur la parité, quel bilan faites-vous de cette réforme?


Elisabeth Guigou : Ce bilan est mitigé : excellent pour les élections au scrutin de liste : élections municipales, régionales et européennes, puisque la loi du 6 juin 2000 a imposé l'alternance stricte homme-femme sur les listes. Nous avons donc la moitié de conseillères municipales, de conseillères régionales. Là où c'est très décevant, c'est dans les élections aux scrutins uninominaux, où nous avons seulement 18,5 % de députés à l'Assemblée nationale. Nous avons presque 22 % de sénatrices. Car une partie des élections des sénateurs se fait à la proportionnelle.

Pour les scrutins de liste, nous avons 44 ,5 % de femmes au Parlement européen, 48 % de conseillères régionales, et 35 % pour les conseillères municipales. En revanche, pour les scrutins uninominaux, nous avons 18,5 % de députés et 22 % de sénatrices.

La loi n'a donc pas atteint son objectif, car elle a procédé de façon indirecte en imposant des pénalités financières pour le scrutin législatif (députés et sénateurs). Il faut reconnaître, hélas, que les partis politiques ont préféré payer les pénalités plutôt que de présenter 50 % de femmes candidates.

Il y a des différences entre les partis : les partis de gauche paient beaucoup moins que les partis de droite : le PS paie 500000 euros par an, alors que l'UMP paie 4 millions d'euros.


Marie : La réforme des collectivités territoriales présentée par le gouvernement va faire mécaniquement diminuer le nombre de femmes élues dans ces assemblées. Comment faire pour éviter ce recul de la parité ?

Il faut savoir que la loi du 6 juin 2000 dont nous fêtons les dix ans n'avait pas de dispositions particulières pour l'élection des conseillères générales. Parce qu'il n'existe pas de financement public pour ce type d'élections, donc il n'y avait pas de moyen de pression comme il en existe pour les législatives.

Evidemment, quand le gouvernement a décidé de remplacer le scrutin de liste régional par un scrutin uninominal pour les futurs conseillers territoriaux qui, à partir de 2014, remplaceront les conseillers régionaux, cela se traduira par un recul terrible de la parité. Toutes les projections montrent qu'on passera de 48 % de conseillères régionales à 17 % de conseillères territoriales. Ce qui est évidemment une régression inacceptable, choquante, indécente, qui d'ailleurs peut être condamnée par le Conseil constitutionnel.

Nous allons faire un recours sur cette base, car l'article 1er de la Constitution dit que "la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives". Et ceci depuis la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 que j'ai l'honneur de défendre devant le Parlement.

Donc cette disposition, à nos yeux, est inconstitutionnelle. C'est la raison pour laquelle le gouvernement, la semaine dernière, à la fin de la dernière nuit d'examen du projet de loi, a fait passer un amendement qui vise prétendument à favoriser la parité pour les élections des conseillers territoriaux.

Evidemment, cet amendement n'est qu'un garde-fou destiné à prémunir le gouvernement contre une censure du Conseil constitutionnel. C'est un amendement qui instaure des pénalités financières qui n'existaient pas pour les élections locales. C'est un amendement insupportable et absurde, d'abord parce que c'est un micmac financier complexe auquel personne ne comprend rien, que les retenues financières sont ridicules, que, en plus, on prend les pénalités sur l'enveloppe financière destinée aux députés, on affaiblit donc la possibilité de pénalités financières sur les députés.

Et c'est un amendement qui tourne le dos aux propos mêmes du premier ministre, qui, dans une déclaration très théâtrale, avait appelé à la mise en oeuvre de sanctions lourdes et dissuasives. Enfin, cet amendement ne règle pas la question des femmes candidates, évidemment, et encore moins la question des femmes élues. Parce que le paradoxe aujourd'hui, c'est que même quand les parties présentes, à peu près la moitié de femmes candidates, il n'y a pas la moitié de femmes élues, car on donne aux femmes les circonscriptions les moins bonnes.

Donc le vrai sujet aujourd'hui, pour faire progresser la parité, c'est de faire respecter par des sanctions financières dissuasives l'obligation d'avoir 50 % de femmes candidates à toutes les élections, qu'elles soient uninominales ou de listes. Pour cela, nous avons proposé qu'on supprime purement et simplement aux partis politiques qui ne présentaient pas 50 % de femmes candidates tout financement public.

Deuxième mesure pour traiter le problème de l'écart entre nombre de candidates et nombre d'élues, qu'on instaure des sanctions financières dissuasives contre les partis politiques qui n'assurent pas 50 % de femmes élues. Cela a été repoussé par le gouvernement. D'ailleurs, celui-ci ne comprend pas ce qu'est la parité, car la parité, ce ne sont pas des quotas, 30 ou 40 %, la parité, c'est 50-50.


Diego : Dans ces dernières décennies, toutes les démocraties européennes semblent avoir fait un pas en avant dans le système électoral, avec un pourcentage croissant de femmes élues parlement. Seule la France ne parvient apparemment pas à décoller. Est-ce un problème politique ou social ?


Je pense que ce sont les deux. En France, la politique est encore considérée aujourd'hui comme le lieu par essence du pouvoir. C'est un territoire où les hommes n'ont jamais voulu que les femmes s'aventurent. C'est pourquoi les Françaises ont eu le droit de vote bien après les Européennes, même 36 ans après les Turques...

Cela remonte à la Révolution française, où malgré l'insistance de Condorcet ou de féministes comme Olympe de Gouges - qui disait : "Les femmes ont le droit de monter à l'échafaud, je ne vois pas pourquoi elles n'auraient pas le droit de monter à la tribune de l'Assemblée nationale" -, jamais la Révolution française n'a accordé aux femmes les mêmes droits qu'aux hommes. Tout cela sous des prétextes du genre : "les femmes seront influencées par les prêtres donc vont voter pour la réaction"; "pourquoi donner des droits particuliers aux femmes alors que l'universalisme républicain leur reconnaît en théorie les mêmes droits ?"








On a surmonté tout cela avec la réforme constitutionnelle, mais ce qui est terrible, c'est que la politique fonctionne en France comme un territoire sacré, lieu ultime du pouvoir où les femmes n'ont pas le droit de s'aventurer.

C'est un peu le cas dans tous les pays européens : là où on pense que se situe le pouvoir suprême, on n'admet pas les femmes. Par exemple, dans les pays du nord de l'Europe, qui sont exemplaires sur la parité en politique, mais où on considère que le vrai pouvoir se trouve dans l'économie et dans les entreprises, il y a autant de femmes que d'hommes dans les parlements, mais une infime minorité de femmes à la tête des entreprises.

Compte rendu Scrutin territorial : le gouvernement renonce à interdire les triangulaires

Donc il faut se battre sur tous les fronts, et surtout lutter contre la régression actuelle, non seulement en politique, mais aussi dans la vie professionnelle. Car c'est quand même inouï qu'à notre époque, les femmes continuent à être payées 30 % moins cher que les hommes, et qu'elles continuent à être pénalisées dans leur carrière dans les entreprises privées parce qu'elles doivent forcément interrompre quelques semaines leur travail pour donner naissance aux enfants, dont notre pays a, nous le savons, un urgent besoin.

La lutte pour la parité dans tous les domaines de la vie en société, c'est un combat qui doit absolument reprendre. Sinon, la régression s'accentuera et nous aurons une société bancale, car une société ne peut fonctionner de façon harmonieuse que si elle reflète ce qu'est l'humanité, tout simplement.


Martine : Pourquoi si peu de femmes ont-elles envie de se lancer dans une carrière politique ?


Parce que tout est fait pour décourager les femmes en politique ! Les femmes ont encore en France l'essentiel de la charge des enfants et de la vie familiale. Pour des raisons biologiques et sociales. Si elles veulent faire de la politique, elles doivent ajouter une troisième vie à leurs deux vies déjà difficiles à concilier : la vie professionnelle et la vie familiale.

En plus, les partis politiques ne font rien pour les aider : on leur donne les plus mauvaises circonscriptions. Quand on voit des tribunes de partis politiques, même au PS où on est en principe en faveur de la parité encore aujourd'hui, il est très rare qu'on ait la parité.

Les partis politiques restent dominés par un fonctionnement très masculin. Je vais tout faire, je peux vous l'assurer, pour que lors des prochaines investitures pour les élections législatives en France, le PS soit exemplaire et qu'il investisse 50 % de femmes, pas une de moins, dans 50 % de circonscriptions gagnables.

Je sais que je peux compter sur Martine Aubry, mais il faut surmonter les réticences ordinaires d'un appareil qui n'a pas l'habitude de raisonner comme ça. Nous sommes quelques-unes, à l'Assemblée nationale, au Sénat, dans le parti, à être très déterminées et à faire avancer les choses.


Sam : Quelle différence faites-vous entre ce que l'on appelle la discrimination positive, qui serait anti-républicaine, et les lois sur la parité qui me semblent relever du même principe ?


La réponse est que les femmes ne sont pas une catégorie, qu'il y a des femmes dans toutes les catégories. Et par ailleurs, les femmes, c'est juste la moitié de l'humanité... Et sans les femmes, il n'y aurait pas d'humanité. Donc ce n'est pas du tout une forme de discrimination positive, c'est reconnaître que si la politique veut être humaine, il faut qu'elle ressemble à l'humanité et à la société dont elle est l'émanation.

C'est pour cela que nous sommes loin des quotas, et qu'il faut tenir bon sur le 50-50. Chaque fois qu'on préconise des quotas, c'est une régression.


Martel : Comment font les pays où la parité est respectée ?


Ils ont une politique très avancée. A vrai dire, cela se passe surtout dans les pays nordiques, ou ce sont des lois qui l'imposent de façon beaucoup plus draconienne que chez nous. En Afrique du Sud, par exemple, c'est illégal. Donc il faut que nous ayons dans notre législation des mesures absolument obligatoires.


Jean-Michel Lucas : Sur ces dix ans, voyez-vous une quelconque corrélation entre l'évolution des taux de participation aux élections et l'évolution de la parité ? Qu'en est-il par ailleurs du lien entre le taux de présence des élus à leur siège et parité ?


Globalement, les femmes sont beaucoup plus assidues à l'Assemblée nationale et dans leur mandat en général. C'est un fait. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'hommes qui sont très présents, mais globalement, les femmes le sont davantage. Et je pense qu'il y a beaucoup plus de femmes qui plaident pour le non-cumul des mandats. Aujourd'hui, au PS, ce sont des femmes qui mènent ce combat.

Le non-cumul est la condition, le préalable absolu de réalisation et de la parité, et de la diversité, et du renouvellement en général, et de la revalorisation du rôle du Parlement, d'ailleurs. Et je pense que cela peut même être un argument électoral formidable. Les Français ont bien compris qu'ils auraient avantage à avoir des élus qui s'occupent d'un seul mandat. Ce peut donc être un atout électoral.


Raskolnikov : Ne pensez vous pas que la loi sur la parité était une fausse bonne idée, dans le sens où elle biaise le regard des députés, qui verront en leur collègue féminine, une femme faisant parti d'un quota, plutôt que leur égal en compétence?


Je rends cette justice à mes collègues hommes : je n'ai jamais senti chez eux ce type de raisonnement. D'abord, quand on est élu à un scrutin uninominal, on est élu sous son nom propre. Ensuite, sur les scrutins de liste, si les hommes se mettaient à regarder les femmes comme des élus de quotas, on pourrait leur retourner la politesse.


Chat modéré par Anne Chemin et Pascal Galinier

lundi 7 juin 2010

Revendications antisexistes

http://www.crepegeorgette.com/2010/06/06/revendications-antisexistes/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+crepegeorgette+%28Cr%C3%AApe+Georgette%29&utm_content=My+Yahoo

Revendications antisexistes
6 juin 2010 par valerie | Classé dans Crêpage de chignon.

Il y a quelques années un groupe de travail dont certains commentateurs/trices du blog faisaient partie, avait posé la base de revendications antisexistes.
A l’époque on avait envoyé ce texte à nos députés ; en pure perte, vous l’imaginez.
Avec les réseaux sociaux, il me semble que, si l’on s’attelle collectivement à diffuser ces revendications, on peut avoir davantage de succès.
Je vous propose donc de diffuser ce texte sur votre blog, facebook, twitter, bref ce que vous voulez. Vous mettez ou non un lien vers ce blog ; je vous demande juste, si vous décidez, parce que certaines revendications ne vous conviennent pas, de les ôter, d’alors faire un lien vers ce billet qui comprend l’ensemble des revendications.

Le sexisme est la discrimination d’un sexe sur l’autre. Le féminisme veut que cessent les discriminations à l’égard des femmes et, les études féministes s’orientant de plus en plus vers l’antisexisme, nous avons été amenés à étudier également les discriminations subies par les hommes, car elles découlent du même principe.

En matière de sexisme, l’essentialisme repose sur l’idée que la sexuation des humains devrait se traduire par une différence de statut et de traitement entre deux classes de sexe, avec en arrière-plan l’idée d’une complémentarité dans la différence qui trouverait sa pleine actualisation dans le couple hétéronormé.

Nous rejetons l’essentialisme, en ce qu’il :
- constitue le noyau dur du système sexiste contre lequel nous luttons
- nie l’existence des personnes intersexuées et transgenres
- freine la liberté des individus à concevoir leur identité en dehors de cadres sexués normatifs

NB ; Certains points, comme le fait de supprimer le sexe de tout document officiel sont partagés par peu de personnes.
Diffusez donc sans mettre ce point là s’il vous gêne.
Pour une fois - et je parle surtout pour les militantes féministes - tâchons de nous concentrer sur ce qui rassemble et pas sur des querelles internes.

Les principales revendications féministes sont les suivantes :

LUTTE CONTRE L’ESSENTIALISME ET LES STEREOTYPES DE GENRE

- Lutter contre les stéréotypes de genre dans l’éducation, l’enseignement, les médias, les jouets.
- Mise en place de campagnes pour valoriser le partage des tâches ménagères.
- Les échographies doivent juste servir à détecter d’éventuelles maladies et non plus le sexe de l’enfant ; sa connaissance favorisant l’essentialisme.

LOIS

- Promulgation d’une loi anti-sexiste équivalente à la loi anti-raciste
- Le terme de proxénétisme doit être redéfini afin de ne pas y inclure les éventuels compagnons et compagnes d’une personne prostituée. Les peines contre le proxénétisme doivent être renforcées et les crimes supplémentaires que peuvent commettre les proxénètes (coups et blessures, viols …) doivent être jugés séparément.

DEPENALISATION

- Abrogation des lois pénalisant le travestissement (dont le port du pantalon pour les femmes).
- Abrogation des lois sur le racolage passif et actif.

TRAVAIL

- Egalité stricte des salaires avec obligation pour les entreprises de rendre public un bilan détaillant les salaires, les promotions et les formations par sexe.
- Concernant l’égalité salariale, une femme estimant être victime de sexisme pourrait demander au tribunal qu’il examine un compte rendu des salaires lequel pourrait être utilisé comme preuve du caractère sexiste de la discrimination ; de même, qu’une personne s’estimant victime de racisme, d’âgisme, etc.
- Suppression de l’interdiction empêchant les femmes d’exercer certaines professions (dans l’armée par exemple).
- Application des mêmes critères de recrutement en ce qui concerne les hommes et les femmes (ex : épreuves sportives pour certains corps de métier).

EDUCATION

- L’éducation doit être identique pour les filles et les garçons et doit promouvoir l’épanouissement de l’enfant indépendamment de son sexe.
- les professions en rapport avec l’enfance doivent être formées au concept d’anti sexisme.
- L’éducation scolaire doit promouvoir le rôle des femmes dans l’Histoire et la littérature.
- Les images dans les manuels scolaires montrant les femmes sous un aspect dévalorisant ou entretenant un stéréotype sexiste doivent être supprimées ; sauf dans les cours d’Histoire où ces stéréotypes peuvent être utiles à l’étude de l’Histoire (comme on peut montrer des caricatures de juifs des années 30 pour illustrer l’antisémitisme).
- L’éducation sexuelle doit devenir obligatoire dés le collège et enseignée par des professionnels, des associations, des médecins et des psychologues.
- Cette éducation sexuelle doit être une éducation sexuelle non hétéronormée. Elle doit également traiter à égalité des diverses orientations et pratiques sexuelles, sans chercher à les hiérarchiser au motif d’un jugement moral, religieux ou d’une analyse visant à démontrer un supposé caractère pathologique.

CORPS

- Interdiction de toute forme de mutilation sexuelle sur les mineurs : excision, infibulation, circoncision, réassignation sexuelle d’enfants intersexués.
- De campagnes de sensibilisation et des sanctions adéquates doivent être mises en place pour assurer l’effectivité de cette interdiction.
- Les techniques permettant de reconstruire les organes sexuels des femmes excisées et des intersexués mutilés doivent être remboursées par la sécurité sociale.

SEXUALITE

- Chaque être humain doit avoir le droit de choisir et de pratiquer la sexualité qui lui convient, dans le respect de la sexualité et du consentement d’autrui, toute sexualité entre adultes consentants relevant strictement du domaine de la vie privée.
- Tout acte de discrimination sexiste, en parole, écrit ou acte, visant à limiter l’exercice librement consenti de sa sexualité, soit directement (contrainte ou interdiction) soit indirectement (doctrine prônant ou valorisant la virginité, l’abstinence hors mariage par obligation morale ou religieuse) doit être considéré/condamné a minima comme incitation au sexisme et entrave au droit à la liberté de choix sexuel.
- Commettre un acte attentatoire à une personne (violence, séquestration, meurtre, “crimes d’honneur”…) au motif du non respect d’une obligation morale, religieuse ou sociale limitant le droit à la sexualité (”perte de virginité”, relation hors mariage, relation entre personnes de confession religieuse différente …) doit relever pénalement du délit ou crime commis avec circonstances aggravantes par la nature sexiste de l’acte.
- La virginité relève de la vie privée et de l’intimité de chaque personne. La virginité, en particulier des femmes, n’a pas à être promue comme idéal ; sa perte ne peut en aucun cas être condamnée.

CONTRACEPTION

- Les différents moyens de contraception doivent être intégralement remboursés et toute forme de préservatifs (condom, diaphragme et digue dentaire) doit être gratuite.
- Des moyens doivent être mis en œuvre pour le développement des méthodes contraceptives masculines comme la pilule contraceptive masculine.

INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE

- L’ivg doit être un droit pour toute femme enceinte.
- L’ivg doit être autorisée aux femmes étrangères même si elles ne sont pas en règle.
- Le nombre de lits disponibles en hôpital doit être augmenté afin que toute femme puisse avorter quand elle le souhaite.
- Le délai de réflexion de 7 jours précédant une IVG dit être supprimé.

MALADIES

- Renforcer la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles par des campagnes continues de sensibilisation insistant sur la responsabilité des deux partenaires quant aux rapports protégés.
- le préservatif féminin doit être promu et mis en avant dans la publicité pour la protection contre les MST.
- Les tests jugeant de la fiabilité d’un médicament doivent être pratiqués sur des groupes d’hommes et de femmes ; ce qui n’est pas fait aujourd’hui. De nombreux médicaments sont donc inadaptés aux femmes.
- La gynécologie médicale doit être revalorisée afin que les femmes n’aient pas à s’adresser à leur médecin généraliste, non spécialisé.

LANGAGE

- Mettre en place un comité de linguistes afin de neutraliser le langage et d’en faire le langage officiel obligatoire dans l’administration, sur le lieu de travail et à apprendre dans les écoles.
- OU féminisation des noms de métier. (* les deux idées font débat dans la communauté féministe francophone).
- supprimer sur le plan légal les notions de père et de mère pour les remplacer par “parents”, ceux-ci étant définis comme “personnes ayant un projet parental”, sans discrimination de sexe ou d’orientation sexuelle.
- Supprimer dans le langage toute référence à l’état de “disponibilité/indisponibilité sexuelle ou affective” des femmes. Cette suppression passe par l’interdiction dans tout document administratif et officiel de l’usage des termes “mademoiselle”, “nom de jeune fille”, “née X” …
- Suppression des termes “monsieur” et “madame” dans les documents administratifs ; les prénoms et le nom suffisent.
- Supprimer l’appellation “école maternelle” pour la remplacer par “école préélémentaire”
- Suppression de la mention du sexe à l’état civil ; le sexe n’apparaîtrait plus sur aucun document de l’État. Dans la mesure où le sexe civil est abrogé, le sexe indiqué sur les documents légaux relatifs à la santé devraient refléter une réalité médicale : sexe masculin, féminin ou intersexe.
- Suppression du vocable et du statut de “chef de famille” (ou de “personne de référence”), les adultes d’un “groupe familial” doivent être traités à égalité.
- Remplacer la notion de “bon père de famille” par “personne citoyenne et responsable” (Belgique).

VIOLENCES CONJUGALES

- Créer des maisons d’accueil et d’hébergement dans chaque préfecture et sous-préfecture.
- Toute personne victime de violence conjugale doit pouvoir conserver le domicile conjugal.
- Prise en compte et poursuites de toute plainte pour violence conjugale.
- Mise en place de service d’aide aux victimes et aux auteurs de violence.

VIOL

- La loi définissant le viol contre des personnes adultes doit inclure la notion de non-consentement.
- Suppression de la notion de pénétration (différence non justifiée entre viol et agression sexuelle).
- suppression de “l’enquête de moralité” sur les victimes de viol.

FAMILLE

- Remplacement du mariage par un “partenariat enregistré” ne reprenant que les aspects économiques du mariage, en ne tenant plus compte des aspects de la vie privée comme “fidélité” et obligation de vie commune.
- Interdiction des “unions forcées” (”mariages forcés”) et sanction effective des personnes ayant organisé une union forcée.
- Le sexe des contractants n’entrant pas en ligne de compte, le partenariat enregistré serait accessible tant aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels.
- Remplacer les congés dits de maternité et de paternité par un “congé parental” égal pour tous ; le congé médical suivant l’accouchement n’étant pas inclus dans le congé parental, il s’additionne à ce dernier.
- Le nombre de places dans les crèches doit être augmenté et être égal au nombre de demandes.
- Modification des disposition relatives à la filiation pour rendre celle-ci égalitaire pour les deux parents (notamment supprimer la loi décrétant automatiquement parent la femme qui accouche, ceci afin de supprimer la différence de traitement entre “maternité naturelle” et “paternité légale”).
- Autorisation d’adoption pour tous les couples, quel que soit le sexe des parents
- Généralisation de la garde alternée en cas de désunion des parents

ETRANGERS

- Donner le statut de réfugiée politique à toute personne victime de violences sexistes dans son pays ; cela vaut donc pour toutes les prostitué-e-s clandestin-e-s.
- Organiser des cours gratuits de langue et de fonctionnement de l’Etat à toute personne étrangère s’installant dans le pays, y compris dans le cadre du regroupement familial, afin de permettre aux personnes nouvellement arrivées (et en particulier aux femmes) d’être le plus rapidement possible autonomes.
- Renforcer la lutte contre les réseaux internationaux de traite des êtres humains, en particulier dans le cadre de la prostitution et de l’esclavage domestique.

dimanche 6 juin 2010

Martine Aubry : "Le 'care' c'est une société d'émancipation"

Martine Aubry : "Le 'care' c'est une société d'émancipation"
LE MONDE MAGAZINE | 06.06.10 | 06h58 • Mis à jour le 06.06.10 | 11h25


Pour la première fois depuis longtemps, le parti a retrouvé son unité et parlé d'une seule voix. C'est déjà une victoire pour Martine Aubry. Seule note discordante, celle du maire de Lyon, Gérard Collomb, qui considère que le texte "s'aligne sur les positions irréalistes de la gauche du parti".
Qu'y a-t-il dans ce projet ? Rien de moins qu'un "nouveau modèle économique, social et écologique".

Il se situe classiquement à gauche, entend renforcer les services publics, défendre la protection sociale, imposer les hauts revenus. Il ajoute des propositions innovantes sur l'économie verte, le soutien au monde industriel, le "compte formation" et le "compte retraite" tout au long de la vie. Il reprend quelques idées importantes sur une "société du bien-être" plutôt que de "l'avoir", et du "care", du "soin, du soutien". C'est pour discuter sur le fond de ce projet politique, pour comprendre ce qu'est concrètement cette société du "care" que Le Monde Magazine a rencontré la première secrétaire.

Pourriez-vous nous donner une définition de cette société du "care" ?

C'est une société de l'attention aux autres. Mais il ne s'agit pas simplement que chacun prenne soin des autres, cela implique aussi que l'Etat prenne soin de chacun. Pour cela, il faut une véritable révolution des services publics. Jusqu'à présent, les services publics fonctionnaient sur des règles générales, et non sur la prise en charge de chacun. Pour moi, c'est cela le "care". Nous voulons une société du respect, et non pas une société dure, violente, brutale, égoïste.

D'où vient cette expression, "care" ?

Je l'ai utilisée une fois dans un entretien à Mediapart mi-avril et, depuis, cela a été interprété de beaucoup de façons. Tant mieux si cela a lancé le débat. C'est une réflexion que je développe depuis longtemps.

La politique apparaît comme un discours général, trop froid, trop loin des gens, alors qu'il faut descendre au niveau des parcours de chacun, pour pouvoir aider et accompagner. La modernité politique est là. C'est l'égalité réelle.

Notre projet appelle à faire des individus des citoyens qui se respectent les uns les autres, à l'inverse d'aujourd'hui où le gouvernement divise, oppose, les jeunes contre les personnes âgées, les Français nés ici et ceux nés ailleurs, le public contre le privé, etc.

Je défends l'idée que les Français peuvent être à la fois des individus et des citoyens porteurs de valeurs, attentifs aux autres, prenant soin des autres. Je préfère le mot anglais, "care", parce qu'il implique une idée mutuelle, du lien. Mais ne nous enfermons pas dans une définition.

Nous voulons une société du respect, une société décente, une société du soin. Voyez dans le Larousse : "Soins : actes par lesquels on veille au bien-être de quelqu'un ou de quelque chose" " I don't care ", en anglais, signifie "J'en n'ai rien à faire de celui-là". Dire "I care" implique "Il compte pour moi, il se passe quelque chose entre nous". Voilà pourquoi j'ai employé le mot "care" qui me semble meilleur que "l'attention à l'autre" ou "le soin". Peut-être faut-il prendre un autre terme ? Ça m'est égal.

Vous n'entendez donc pas le "care" comme un courant de pensée, auquel vous vous affiliez ?

Non, il ne s'agit pas d'une filiation théorique. Des courants de pensée du "care", il en existe au moins cinq ou six. Je pourrais vous citer Levinas, qui parlait aussi du "soin", et qui l'utilisait dans le même sens que moi, une société de l'attention aux autres, une société d'émancipation.

Que répondez-vous à Manuel Valls (Le Monde du 14 mai), qui écrit à propos de "la société du soin": "Cette intention, si noble soit-elle, est une erreur profonde et constitue même un recul pour la gauche et pour le pays. Car l'individu n'est ni malade ni en demande de soins" ?

Pour éviter les contresens comme celui-là, replaçons cette idée de société du soin et du respect dans l'ensemble du projet que nous voulons construire. Nous nous intéressons d'abord à l'économie. Et plutôt que cette société du "toujours plus", nous voulons construire une économie du bien-être qui pose des questions majeures : que construire ? comment produire ? comment redistribuer ? Nos premières réponses ont été actées.

Nous voulons ensuite une société du respect et de l'émancipation de chacun. C'est là que l'on retrouve cette idée que l'Etat et les collectivités territoriales doivent prendre soin de chacun mais aussi que chacun doit prendre soin des autres. Nous voulons prendre en compte la situation de chacun non pas pour lui porter des soins, mais pour lui donner les moyens de prendre sa vie en main, pour l'aider à mieux vivre, à s'émanciper.

LE MONDE MAGAZINE | 06.06.10 | 06h58 • Mis à jour le 06.06.10 | 11h25
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Prenez l'école. Aujourd'hui, certains enfants doivent être accompagnés individuellement, en tenant compte des situations de famille, des moyens financiers, des difficultés comme des talents. Ils doivent être soutenus par des psychologues, des assistantes sociales, des orthophonistes, en plus des enseignants. Si l'école ne prend pas en compte chaque élève, on va à l'échec scolaire.


Il faut révolutionner les services publics. Passer de l'égalité formelle à l'égalité réelle. D'abord, il faut remettre les enseignants sur leur métier, l'éducation. Ensuite, il nous faut donner les moyens à chaque enfant, puis à chaque adulte, en fonction de sa situation, de ses difficultés du moment, de prendre ou reprendre sa vie en main.

Les services publics doivent éduquer, accompagner, émanciper chacun, et le porter au plus haut de lui-même. L'émancipation, c'est le projet socialiste. La vraie modernité de l'action publique aujourd'hui c'est la prise en compte de la personne. Et c'est très concret.

A Lille, avant que le gouvernement ne nous impose la semaine de quatre jours dans le primaire, les élèves, dans certaines écoles, allaient en classe six jours sur sept le matin. Nous avons développé ce qu'on appelle "le projet éducatif global". Pour moi, voilà le "care".

Chaque enfant du CP jusqu'en CM2 suivait des programmes de développement l'après-midi, apprenait par exemple le théâtre, le solfège, pouvait jouer d'un instrument de musique, pratiquait un sport, suivait un programme de développement durable ou de citoyenneté. Les enfants choisissaient, s'engageaient sur des cycles de deux ans. Nous arrivions ainsi à ouvrir le champ des possibles de chaque enfant.

Je suis allée écouter à Lille-Sud, un des quartiers en difficulté, un quatuor de musique baroque dans une salle du centre social, et je me suis dit alors que nous arrivions à porter ces enfants au plus haut.

Vous en parlez à l'imparfait, ça n'existe plus ?

Ça continue, mais sous des formes différentes, car maintenant, avec cette énorme bêtise de la semaine de quatre jours, d'abord promue pour réduire le nombre d'enseignants, nous avons dû changer nos programmes.

A Lille, tout le monde n'allait pas en classe six jours sur sept, mais uniquement les enfants des quartiers qui ne partaient jamais en week-end, et qui se retrouvaient dans la rue le mercredi et le samedi. C'est là que nous avons innové. Dans le cadre du "projet éducatif global" qui s'adresse à tous, nous avons aussi développé un "plan lecture" qui commence dès les crèches et les haltes-garderies, et fait appel à des écrivains conteurs, des mamans conteuses, etc. Mais aussi un "plan musique", des actions théâtre, des activités sportives, des ateliers développement durable. Bref toute une série d'actions qui ouvrent large les portes de l'éducation sur la société.

Une telle politique développée au niveau national ne coûterait-elle pas très cher ?

Les enfants qui sortent du système scolaire coûtent aussi très cher. En France 100000 enfants décrochent chaque année. Nous en avons 10000 dans la région Nord-Pas-de-Calais. Ces enfants qui n'ont pas l'estime d'eux-mêmes, qui ne sont pas structurés psychologiquement, sont des enfants qui passent à l'acte. Les psychologues nous le répètent chaque jour. Tout ce qui valorise les enfants, les aide à réussir, va dans le bon sens. Si le projet éducatif global est coûteux, il relève d'abord d'un choix politique.

Le "care" définit-il l'ensemble de votre projet de société ?

Non. La conviction des socialistes aujourd'hui, c'est qu'il faut à la France un nouveau modèle de société. Il ne s'agit pas simplement de mettre des rustines ou de replâtrer les défauts criants, ou de corriger certains effets néfastes du libéralisme. Si je dois énumérer les idées forces d'une nouvelle société, je dirais : d'abord, plutôt qu'une société du tout avoir, matérialiste, bâtissons "une économie du bien-être".

Et dans le bien-être je mets le fait qu'il faut bien sûr disposer d'un certain nombre de biens pour bien vivre. Mais il ne suffit pas seulement d'"avoir", de posséder toujours plus de biens de consommation. Le vivre ensemble, la relation aux autres, dans sa ville, son quartier, dans l'entreprise, avec les étrangers, les jeunes, comptent aussi beaucoup dans une vie réussie. La deuxième idée, c'est que nous vivons dans une société du court terme, du "tout tout de suite".

Une société qui ne prépare pas l'avenir, qui ne tient pas compte de l'environnement. Or un modèle de société doit s'inscrire dans le long terme, préparer le futur, être durable. Enfin, troisième idée, plutôt qu'une société individualiste, qui met tout le monde en concurrence, en rivalité, et cela partout, dans l'entreprise, les quartiers, je défends une société du vivre ensemble. Nous pensons que c'est le rôle des pouvoirs publics, de l'Etat, des collectivités locales, de donner à chacun les moyens de réussir sa vie et de protéger les plus faibles.

En quoi cela diffère-t-il de l'Etat-providence d'hier, critiqué pour avoir développé un "assistanat" ?

L'assistance est un échec quand on n'a pas réussi à donner à chacun les moyens d'exister. Elle est nécessaire lors des accidents de la vie, quand on perd son emploi, que l'on a un problème familial ou de santé. Mais notre objectif est que les hommes et les femmes puissent être debout, utiles, présents socialement, grâce à un travail, qu'ils puissent faire vivre leur famille, s'épanouir dans ce qu'ils aiment, que ce soit la culture, le sport, mais encore faire avancer la recherche, l'innovation. Nous sommes loin d'une politique d'assistance. C'est pour moi le premier élément de cette "société d'émancipation".

Pensez-vous qu'il faut recréer les emplois-jeunes ?

Il le faudrait – sous ce nom ou un autre, peu importe – parce qu'une société qui ne laisse pas sa place aux jeunes, c'est une société qui n'a pas d'avenir, qui n'a pas confiance en l'avenir. Quand les familles n'ont pas confiance – au-delà de celles qui n'ont pas les moyens de vivre –, elles épargnent ce qu'elles ont. Alors nous ne sommes plus dans une logique de vie, une logique positive. En 1997, le dispositif des emplois-jeunes a permis à beaucoup de familles et de jeunes de reprendre confiance. 85% des 350000 emplois-jeunes se sont insérés, soit en créant leur propre entreprise, soit en pérennisant leur activité.

LE MONDE MAGAZINE | 06.06.10 | 06h58 • Mis à jour le 06.06.10 | 11h25
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J'ai en tête le très bel exemple d'une société créée par deux jeunes à Strasbourg. L'un avait arrêté ses études de médecine, l'autre était prof de gym, ils ont proposé de la gymnastique aux personnes âgées. Désormais ils dirigent vingt-cinq établissements en France. Ils ont commencé en emploi-jeune. Si l'Etat n'avait pas payé leur salaire au début, ils n'auraient pas pu s'organiser, se faire une clientèle, peaufiner leur business.


350 000 emplois-jeunes, c'est 3 milliards par an. C'est le coût de la baisse de la TVA dans les cafés et restaurants, qui n'a servi ni à faire baisser les prix, ni à embaucher, ni à augmenter les salaires. Tout est une question de choix politique.

Revenons au parcours de vie, à l'accompagnement : comment permettre à chacun de réussir sa vie active ?

Actuellement, on laisse les gens se débrouiller tout seuls. On attend que les gens soient au chômage depuis un an, au fond du trou, pour leur proposer un bilan de compétences et une formation. Alors qu'il faudrait une "Sécurité sociale professionnelle" ou une "Couverture professionnelle universelle". Il s'agit de personnaliser les réponses dans le cadre de garanties collectives. Notre idée est simple : chaque personne, quand elle abandonne l'école, ouvre "un compte formation", qui va la suivre toute sa vie.

C'est-à-dire que si vous sortez tôt du système scolaire, par exemple à 16 ans, vous avez droit à deux ans de formation payés par l'Etat au moment où vous l'aurez décidé, quand vous en aurez besoin. Ensuite, il sera alimenté par l'octroi d'un nombre de jours de formation par année travaillée, comme cela existe aujourd'hui.

Donc c'est l'Etat qui garantit ?

En association avec les partenaires sociaux. Il faut tout repenser, mais les syndicats y sont prêts. Quand quelqu'un est licencié, au lieu de tomber dans le gouffre, il peut se former à un autre métier et rebondir. A la mairie de Lille, on travaille à ce que les agents qui sont employés par exemple dans les écoles, pour servir les enfants à la cantine, puissent dès 45 ans accéder à d'autres types d'emploi.

On leur demande ce qu'ils voudraient faire et on les prépare, par exemple, à travailler au service de l'état civil. Tout cela une mairie peut le faire car elle dispose de nombreux métiers. Ce n'est pas le cas dans toutes les entreprises, mais l'Etat et les fonds paritaires de la formation professionnelle peuvent intervenir. Ce n'est pas de l'assistance, au contraire c'est donner les moyens de se former et de progresser, et en cas de licenciement de ne pas tomber dans l'assistance.

"L'attention à l'autre", ça passe par quoi ?

Il n'y a pas que les politiques douces, il y a aussi les politiques structurelles. Certains quartiers populaires à Lille étaient essentiellement résidentiels, avec des logements de qualité souvent médiocre posés sur des terrains peu aménagés. Il nous faut refaire une vraie ville dans tous les quartiers. Sur le plan urbanistique d'abord, avec des îlots, des places, des noms de rue ! Puis mêler toutes les fonctions : économie, commerce, logement, culture, sport…

Il faut ajouter à cela une grande qualité urbaine, des parcs par exemple. Nous faisons appel à de grands architectes pour redessiner nos espaces publics, construire des salles polyvalentes, des salles de sport, centres sociaux, etc.

Une fois la qualité revenue, il est alors aisé de mêler les logements sociaux, les logements en accession sociale à la propriété et le logement privé. C'est ainsi que la mixité sociale se construit. Et donc la mixité dans les écoles, la connaissance de l'autre, l'émergence d'un vivre ensemble.

Vous défendez la mixité sociale. Mais les gens la veulent-ils ?

La mixité sociale ne s'impose pas, elle s'organise. Il est très important de construire des lieux où les gens se rencontrent. On a toujours pensé que la ville allait rapprocher les personnes, mais au contraire la ville a isolé, exclu. En tant que maire, il y a des choses que je suis obligée de faire parce que, dans le fond, les citoyens sont coupés les uns des autres.

Il faut recréer des façons de se connaître et donc du lien. Nous avons, par exemple, jumelé des grandes écoles avec des collèges, des entreprises avec des clubs sportifs de quartier, organisé de grands événements culturels dans lesquels chacun peut s'impliquer. Je me souviens de la parade de lancement de la saison culturelle sur l'Inde, "Bombaysers de Lille" : un immense cortège avec 1 700 Lillois qui pendant plusieurs mois ont appris les danses indiennes. Je me souviendrai toujours de ces rencontres, comme ce groupe de hip-hop qui s'est retrouvé avec des dames plus âgées ! Ils se sont invités les uns chez les autres… Créer du lien, cela s'organise.

Ce lien social, ça ressemble finalement à la fraternité réclamée par Ségolène Royal.
Oui, absolument !

Des tas de choses innovantes se font au niveau local et régional mais ne parviennent jamais à se traduire au niveau national, pourquoi ?

Parce que jusqu'à présent nous en sommes restés au colmatage, au replâtrage. Nous, nous voulons mettre en place un autre système, une autre façon de vivre ensemble, une autre façon de produire. Ce n'est pas baba-cool ! On ne réalisera pas tout cela sans créer des richesses, sans être innovants sur le plan économique. Voilà pourquoi je défends une grande politique de l'innovation, une politique industrielle autour de pôles d'excellence et aux côtés des PME, une agriculture de proximité et de qualité…

Pendant des années, nous, socialistes, n'avons pas travaillé suffisamment pour inventer des réponses face aux défis d'aujourd'hui en nous appuyant sur nos valeurs. Et pourtant, les valeurs de la gauche n'ont jamais été autant d'actualité. Le libéralisme conduit à tant d'inégalités et à tant d'inefficacité économique qu'on aboutit à une société violente.

Il existe une autre façon de construire la société. Il faut retrouver un modèle économique fondé sur l'économie réelle et pas sur la finance. Certains philosophes parlent d'une société décente, apaisée. Aujourd'hui on est dans l'irrespect, dans l'indécence.

Mais cette société d'indécence ne s'est pas construite en trois ans de sarkozysme ?

Elle a pris une accélération considérable. Je suis très inquiète de l'état de déstructuration de la République. Surtout quand on en regarde le fonctionnement démocratique. Le Parlement a du mal à jouer son rôle. Et puis cette impression de mainmise sur la justice, les médias, est véritablement inquiétante. Nous travaillons à une république citoyenne, avec des institutions démocratiques et des moyens de débattre avec nos concitoyens.

Je n'ai jamais vu une telle situation dans la fonction publique ! J'en parlais régulièrement avec Philippe Séguin, et avec des gaullistes qui partagent notre point de vue. Notre force, en France, c'était une fonction publique non partisane. La dignité de notre fonction publique c'était de défendre l'intérêt général. Aujourd'hui, les nominations et les décisions sont politiques. Nous sommes dans une République qui place ses hommes. C'est pour cela que l'histoire du fils de Sarkozy à l'EPAD, qui au fond n'est qu'un épiphénomène, a fait tant de bruit. C'était le symbole d'un mode de fonctionnement. Il faut remettre du sens, des valeurs.

C'est la perte de l'intérêt général ?

Oui. Et du coup la société perd confiance en ses institutions et dans le rôle du politique.

Quand vous affirmez que les valeurs de gauche n'ont jamais été autant d'actualité, quelles sont les trois valeurs que vous mettez en tête ?

Il n'y a pas d'économie compétitive ou de société apaisée sans des règles, de la justice et une vision de l'avenir. Quand ce n'est pas le cas, la société est violente, inefficace pour chacun et collectivement. Nous devons défendre l'égalité sans laquelle il n'y a pas de liberté et porter haut la solidarité et la fraternité pour bien vivre ensemble.


Propos recueillis par Sandrine Blanchard, Frédéric Joignot et Sophie Landrin