mardi 1 juin 2010

Peut-on être féministe et pute ?

01/06/2010

Peut-on être féministe et pute ?

Dans le documentaire Too Much Pussy. Feminist Sluts, A queer X Show, projeté au cinéma mercredi 2 juin à Paris, sept filles ouvrent à la fois leurs cuisses et leur cœur. Oui, on peut être actrice porno, strippeuse ou prostituée avec un vrai discours militant sur la libération.

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Présenté comme un «road-movie jouissif», le documentaire d’Emilie Jouvet (Too much Pussy) suit la trace de sept jeunes artistes réunies le temps d'une tournée européenne épique.

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Parmi elles : la performeuse française Wendy Delorme (écrivain, strippeuse néo-burlesque, enseignante), la porn-star Judy Minx, l’Américaine Madison Young (éducatrice sexuelle, actrice de X féministe), la danseuse et «kamikaze queen» Mad Kate, l’artiste et prostituée Sadie Lune («activiste du plaisir»)... Ce «gang bang» de body-artists en folie sillonne les routes dans un van au pare-brise orné de tampax. Traversant les scènes cosmopolites des boîtes de nuit parisiennes, des squats berlinois et des théâtres de Stockholm ou Copenhague, elles passent leur temps à se dévêtir au profit d’un discours militant : «Le sexe est partout, dit Wendy Delorme, on parle beaucoup de sexe et en même temps on vit dans une société qui reste sexophobe. En France, seulement 18% des femmes se masturbent (c’est du moins ce qu’elles prétendent, ce qui en soit est déjà inquiétant, NDLR). Pourquoi pas les autres ? Elles ont honte ? Elles pensent que c’est mal ? Pour moi, c’est ça être féministe. C’est arrêter de se sentir coupable d’être ce qu’on est, d’avoir les désirs qu’on a, et de jouir comme on jouit».

Dans la troupe, Wendy Delorme est parmi les plus expansives. Quand elle n’ôte pas lentement ses longs gants à la Gilda, projetant une pluie de paillettes sur son public hululant, elle enlève dans la rue ses vêtements et montre ses seins ou explique aux petites filles qui s’étonnent de lui voir porter une moustache («Madame, vous êtes un chat ou une souris ?»): «Tu sais, il y a des personnes qui naissent fille, mais qui ne veulent pas être filles. Alors elles peuvent choisir d’être ce qu’elles veulent. Elles peuvent devenir une fille-chat ou une fille-garçon.» C’est le B.A.-ba du discours féministe pro-sexe. «Devenons autre chose que ce pour quoi la société nous a programmé», répètent les filles du Queer-X-show. Elles le répètent sur tous les tons, jouant avec les codes masculin-féminin, jusqu’à faire perdre leur latin aux lesbiennes elles-mêmes. «Il y avait ces filles qui ne me regardaient même pas, raconte Judy Minx. Elles pensaient que j’étais hétéro, parce que j’ai l’air d’une fille normale. Quand elles m’ont vu partir avec ma copine, elles se sont mises à écarquiller les yeux: «Oh tu as vu, elle aussi, elle est lesbienne.» Quelles connes !».

A contre-courant de certaines chiennes d’arrière garde qui condamnent la féminité (entendez par là les mini-jupes et le rouge à lèvre), les filles du Queer-x-show suivent la trace des féministes pro-sexe : pourquoi brûler les soutien-gorge? Ils moulent nos formes de façon si sexy! Jouant sur le double-sens du mot «garce» (féminin du mot «garçon»), Wendy Delorme en rajoute dans le style Barbie-pute. Elle s’habille en robe à nœuds et proclame dans son dernier livre, Insurrections ! : «A ta naissance les docteurs ont dit «C’est une fille» et tu es tombée tellement d’accord avec cette sentence que tu n’as cessé d’en rajouter depuis. Tu t’es éprise et condamnée au rang des moindres et des impies. La mère, la sainte et la putain, tu les incarnes toutes et tu portes leur croix, tu te ferais volontiers crucifier d’ailleurs pour qu’elles te passent toutes sur le corps. Tu collabores et tu subvertis, tu reproduis et tu pourris de l’intérieur le monde qui t’a faite, tu es un vers dans la poutre qui te nourrit, tu es ton propre autodafé, tu brûleras dans tous les enfers parce que tu es l’ange de celles qui sont leur diable à eux, et le diable de celles qui ont brûlé leurs soutiens-gorge.»

Pour Wendy et ses amies, il y a donc moyen d’être féministe en se branlant, en s’habillant trop court et en jouant les blondes. Il y a même moyen d’être lesbienne avec des godes de forme phallique ou des accessoires SM. La notion de politiquement correct ne compte pas pour ces filles de la nouvelle génération, élevées aux manifestes d’Annie Sprinkle, Candida Royalle, Carol Queen ou Judith Butler… Elles se définissent comme des sluts, des «putes», avec un orgueil jubilatoire. Et pour cause : les putes n’aident-elles pas les gens à se libérer de leurs a priori? Dans les années 80, Annie Sprinkle énumérait parmi 40 raisons de trouver les putes admirables: «Les putes n’ont pas peur du sexe. Les putes soignent. Les putes aident les gens à explorer leurs désirs sexuels. Les putes tiennent tête à d’intenses préjugés». Annie Sprinkle, travailleuse du sexe et actrice de hard (150 films X à son actif), auteur du premier manifeste porno féministe, montrait son col de l’utérus à l’aide d’un speculum. Suivant son exemple, Sadie Lune demande à tout le public de défiler entre ses jambes écartées. Spectacle étonnamment beau que celui de cet anneau de chair qui orne le fond de la paroi vaginale. Que ceux et celles qui n’ont jamais vu un col de l’utérus se munissent d’une lampe-torche et aillent le voir. On l’appelle cervix en Anglais et les Japonais le nomment «coeur de la fleur» (hana no shin), «perle de boulier» (soroban no tama) ou «nombril de mulet» (ina no heso).

Il peut sembler gratuit de se montrer nue, nue jusque dans le fond de son vagin, pour faire progresser les mœurs dans le sens de la tolérance. Mais ce n’est pas si gratuit. «Les armes du sexe faible sont celles qui vous rendent forte» dit Wendy Delorme. Pas de meilleures armes que le goût du plaisir, l’appétit sexuel, la faim, la soif et l’envie d'orgasme furieux. «A toutes ces personnes, qui représentent plus de la moitié de la population terrestre, que dans certains endroits du globe on encense et ailleurs on mutile, écrase et humilie, mon vagin est ouvert» dit Wendy, qui adore jouir en se faisant fister. «Je ne sais pas si de mon vagin sortira un enfant mais je sais que j’y ai fait entrer assez de mains pour accoucher une nouvelle génération, celle des enfants libres, des garçons aux visages d’ange et au sourire lumineux qui sont doués pour le bonheur, pour qui le sexe est d’abord une affaire d’amitié, de guérison de la venue au monde et de célébration de leur identité».

Mercredi 2 juin, Too Much Pussy sera projeté en première parisienne au cinéma l’Archipel, dans le cadre d’une soirée organisée par Florence Fradelizi, ex-programmatrice du festival du film gay et lesbien. «C'est une manière de garder sur Paris une ambiance Filles-trans' sexxxy et délurée, explique-t-elle. C'est aussi un peu un espace libérateur et "under-culture": pour la promotion non pas d'une liberté sexuelle à tout prix mais d'une envie de laisser s'exprimer les corps et les désirs sans jugements, frontières, barrières, morales, avec des limites qui nous appartiennent et selon des codes qui se défont et se réinventent chaque fois, avec comme seul mot en commun: fun & respect!» Le film sera projeté deux fois (à 20h et à 22h).

PREMIERE DU FILM TOO MUCH PUSSY! (d'Emilie Jouvet)
Mercredi 2 juin, à 20h et à 22h. - Cinéma Archipel : 17 bd de Strasbourg Paris 75010 Paris. Métro Strasbourg-Saint-Denis. En présence de la réalisatrice et de l'équipe du film/


QUARANTE RAISONS POUR LESQUELLES LES PUTES SONT MES HÉROÏNES Par Annie M. Sprinkle

1. Les putes ont la capacité de partager les parties de leur corps les plus privées et les plus sensibles avec de complets inconnus.

2. Les putes peuvent aller dans des lieux où personne d’autre ne va.

3. Les putes affrontent les moeurs sexuelles.

4. Les putes sont enjouées.

5. Les putes sont des dures..

6. Les putes ont des carrières fondées sur le don du plaisir.

7. Les putes sont créatives.

8. Les putes sont aventurières et osent vivre dangereusement.

9. Les putes enseignent aux gens à être de meilleurs amants.

10. Les putes sont de tout sexe et de toute culture.

11. Les putes donnent d’excellents conseils et aident les gens à résoudre leurs problèmes personnels.

12. Les putes s’amusent.

13. Les putes portent des vêtements excitants.

14. Les putes ont de la patience et de la tolérance pour des gens que d’autres personnes ne pourraient pas supporter.

15. Les putes font que les gens seuls le soient moins.

16. Les putes sont indépendantes.

17. Les putes apprennent aux gens à avoir des relations sexuelles saines.

18. Les putes sont une tradition.

19. Les putes sont branchées.

20. Les putes ont un bon sens de l’humour.

21. Les putes libèrent des millions de gens d’un stress ou d’une tension involontaires.

22. Les putes soignent.

23. Les putes tiennent la tête à d’intenses préjugés.

24. Les putes gagnent de l’argent.

25. Les putes ont toujours du travail.

26. Les putes sont sexys et érotiques.

27. Les putes ont des talents spéciaux que les autres n’ont pas. Tout le monde n’a pas ce qu’il faut pour être une pute.

28. Les putes sont des personnes intéressantes avec plein d’histoires de vie excitantes.

29. Les putes se font souvent baiser.

30. Les putes aident les gens à explorer leurs désirs sexuels.

31. Les putes explorent leurs propres désirs sexuels.

32. Les putes n’ont pas peur du sexe.

33. Les putes font le trottoir.

34. Les putes brillent.

35. Les putes sont divertissantes.

36. Les putes ont les tripes de porter de très grosses perruques.

37. Les putes n’ont pas honte d’être nues.

38. Les putes aident les handicapés.

39. Les putes décident de leur emploi du temps.

40. Les putes se révoltent contre les lois absurdes, patriarcales, et niant le sexe, levées contre leur profession et se battent pour le droit légal à recevoir une compensation financière reconnaissant la valeur de leur travail.

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