vendredi 4 juin 2010

"C'est une forme de révisionnisme"

[INTERVIEW] "C'est une forme de révisionnisme"

Son texte, qui devait être lu par des élèves, a été censuré par le maire de Parthenay. L'ancienne déportée Ida Grinspan dit sa tristesse à Nouvelobs.com : "mon texte n'avait aucune haine".


Ida Grinspan (Sipa) Ida Grinspan (Sipa)

Comment expliquez-vous que le maire de Parthenay ait refusé la lecture d'un texte que vous aviez écrit en tant qu'ancienne déportée, à l'occasion de la "Journée nationale du souvenir" ?
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- Je suis scandalisée et triste que ces enfants n'aient pas pu lire mon texte. C'est une forme de révisionnisme. Ce texte n'avait pas de haine, n'était pas agressif... Je raconte simplement que j'ai été arrêtée par trois gendarmes, tout est vrai et tout est vérifiable. Dire que j'ai été arrêtée ne discrédite pas toute la gendarmerie. Parce qu'on sait aussi très bien que des gendarmes et des policiers ont prévenu des gens qui devaient être arrêtés. Ce sont simplement trois gendarmes qui sont venus m'arrêter alors qu'ils auraient pu me prévenir.

Les choses se sont passées comme ça et c'est très moche d'interdire le récit de ces événements. En plus, ce texte est au contraire un témoignage d'amitié pour les gens qui m'ont aidé. Il suffit de le lire. Je témoigne très régulièrement dans les écoles en présence de maires de communes, et jamais un maire ne m'a fait la moindre réflexion. On ne s'amuse pas quand même !



Cela amoindrit-il votre motivation à témoigner, notamment dans les écoles ?

- Cela ne remet absolument pas en cause mes témoignages. Je n'ai jamais été contestée et je me suis promis de témoigner aussi longtemps que je le pourrai. C'est très important que la jeunesse sache ce que des hommes ont été capables de faire. Je ne parle pas des gendarmes évidemment, je parle du système nazi et des hommes qui ont participé à la solution finale.



Avez-vous quelque chose à dire au maire de Parthenay, Xavier Argenton ?

- Non, je ne veux pas m'adresser à lui. Si je témoigne l'année prochaine à Parthenay, et si je le rencontre, je lui demanderai de vive voix pourquoi il s'est opposé à la lecture de ce texte. Mais pas par l'intermédiaire d'un journal.



Interview d'Ida Grinspan, ancienne déportée à Auschwitz, par Céline Lussato

le mercredi 28 avril 2010

(Nouvelobs.com)

Shoah : le message censuré d'Ida Grinspan

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A Auschwitz (Sipa) A Auschwitz (Sipa)

[EXCLUSIF] La mairie de Parthenay a empêché la lecture par des élèves d'un récit d'une ancienne déportée, au motif que le texte mettrait en cause la gendarmerie. Nouvelobs.com le publie.

"J’ai été, par précaution, envoyée dans les Deux Sèvres alors que j’avais 10 ans, par mes parents inquiets et soucieux que je grandisse loin de la capitale.
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Je suis donc arrivée dans une famille, chez ma nourrice Alice et son mari Paul et auprès de Madame Picard, ma maîtresse d’école à qui je dois ce que je sais ; je pars non pas pour me cacher mais me réfugier ! J’ai été très bien accueillie et je suis allée à l’école communale, j’ai passé mon certificat d’étude : j’étais heureuse, même si je m’inquiétais pour mes parents restés à Paris ; maman malheureusement a fait partie de la rafle du Vel' D’Hiv en juillet 42 ; je vivais sans racisme, sans anti sémitisme de la part des voisins, de mes amies de classe et des habitants du village ! J’étais la petite juive, voilà tout.

"Une armée victorieuse, mais en passe d’être vaincue, et qui ne trouve rien de plus urgent que d’intimer l’ordre à se vaincus d’aller dénicher une petite juive des Deux Sèvres pour l’expédier dans l’enfer D’Auschwitz ! La patrie des Arts menant une guerre à mort contre une enfant parmi des milliers d’autres pour le seul crime d’être née !...

"J’ai été arrêtée le 31 janvier 1944 par 3 gendarmes, l’inhumanité même, de ces 3 hommes, le chiffre 3 , chiffre impair qui montre bien la détermination d'être solidaires de ne pas se laisser influencer face à la jeunesse, face aux suppliques de ma nourrice, des demandes insistantes du maire de la commune pour ne pas m’emmener moi, si jeune, si innocente, qui avait la malchance d’être née juive! Alors que les armées alliées sont en train de délivrer l’Europe des allemands, 3 gendarmes français, ont obéit aux ordres de m’emmener à Niort pour connaître le pire : d’abord le camp de Drancy, puis l’enfer d’un voyage de 3 jours dans un wagon à bestiaux, plombé, avec des hommes, des femmes et des enfants pour arriver aux camps de la mort : c’était ça La Déportation. C’était un voyage terrible, où l’on devait apprendre à vivre ensembles, à faire ses besoins dans une tinette qui a débordée au bout de quelques jours, de vivre dans la saleté, le manque d’air !

"On se disait que le pire était derrière nous mais il était devant nous : quand le wagon s’est ouvert un comité d’accueil allemand avec chiens et hurlements nous attendaient pour la sélection. Je me souviendrai toute ma vie de ces hommes et femmes, enfants, vieillards qui sont partis dans des camions, pour les chambres à gaz ; moi, j’ai eu la chance si l’on peut dire, d’entrer dans le camp pour y travailler avec tout ce que l’on sait de la vie quotidienne dans les camps : nous étions des numéros, et non des êtres humains ; la déportation c’est aussi un programme de déshumanisation organisée par le régime nazi.

"La barbarie s était glissée, cette nuit d’hiver, dans un hameau que tout destinait au sommeil heureux des lieux oubliés par l’Histoire ; Oui j’ai donc connu jusqu’à mes 14 ans une vie loin des fracas de la guerre, des privations de nourriture, des rafles, de l’ostracisme du gouvernement de Vichy et derrière tout cela le totalitarisme nazi organisait l’éradication du peuple juif."

IDA GRINSPAN

Texte spécialement écrit pour le 25 avril 2010 pour le département de Deux Sèvres

(Nouvelobs.com)
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