Société
Victoire féministe à l’Assemblée
http://www.humanite.fr/2009-11-26_Societe_Victoire-feministe-a-l-Assemblee
La mission parlementaire sur les violences faites aux femmes a présenté hier une proposition de loi qui reprend l’essentiel de celle défendue depuis des années par les féministes.
Les féministes en rêvaient, les députés l’ont fait, ou presque. Ce n’est pas tout à fait la loi-cadre façonnée par le Collectif national pour les droits des femmes que la mission parlementaire sur les violences faites aux femmes a présentée hier au président de l’Assemblée nationale, mais sa sœur jumelle relookée par les parlementaires. La longue gestation de cette proposition de loi, rendue publique hier par Danielle Bousquet (PS) et Guy Geoffroy (UMP), a permis que les représentants de tous les groupes parlementaires cosignent le texte. Symbole fort : dans la salle, Martine Billard (PG) et Marie-George Buffet (PCF) côtoyaient les féministes Suzy Rojtman et Maya Surduts. Protection des victimes, prévention et répression des violences sont les maîtres mots du texte. La première des mesures, la plus « innovante » selon Guy Geoffroy, est la création d’une ordonnance de protection des victimes dont le but est de permettre aux femmes de déposer plainte sans que les conséquences de ce geste ne les entraînent dans une situation de grande précarité, dans tous les sens du terme. Seulement 10 % des victimes de violence au sein de leur couple osent porter plainte. La loi offre donc à toute victime la possibilité de remplir, dans un commissariat ou une gendarmerie, un formulaire qui aboutira à la saisine d’un juge. Dans les 24 heures, celui-ci délivrera une ordonnance préconisant, au cas où, l’éviction de l’auteur des violences du domicile conjugal, à qui revient la garde des enfants, etc. Ces mesures qui visent à libérer la victime de l’emprise qui pèse sur elle seront valables deux mois, renouvelables une fois. Cette ordonnance servira aussi aux personnes menacées de mutilations sexuelles ou de mariage forcé. Tout comme aux femmes étrangères sans-papiers : l’ordonnance prévoit le renouvellement de leur titre de séjour de droit et un accès facilité à l’aide juridictionnelle. Au titre de la prévention, la proposition de loi ouvre le droit de saisine du Conseil supérieur de l’audiovisuel aux associations de défense des droits des femmes et crée un Observatoire national des violences faites aux femmes. Quant à l’arsenal juridique, il est étoffé des délits de contrainte au mariage, de violences psychologiques au sein du couple et d’une définition plus nette du délit de harcèlement sexuel. Évoquant les prochaines initiatives gouvernementales sur le sujet, Guy Geoffroy a clairement dit que la mission n’accepterait pas qu’elles contredisent le travail « sérieux, approfondi, reconnu » qui a été mené. « Nous serons intraitables », a-t-il lancé. Les ministres sont prévenus.
Dany Stive
dimanche 29 novembre 2009
samedi 28 novembre 2009
La pub et l'humour: à quoi ça sert ?
Depuis plusieurs mois, avec mon intérêt croissant pour les droits des femmes et leur respect, je me suis confrontée à la difficile critique de la pub ou de l'humour -la première utilisant souvent le second-...
Sont-ils sexistes, discriminant ou tout simplement d'un humour dérangeant, surfant sur quelques faits de société et quelques stéréotypes ? Faut-il les prendre à la légère "au second degré" comme beaucoup le voudraient et donc ne leur accorder aucune importance ou faut-il les examiner, les analyser pour essayer de comprendre ce que traduit en vérité cet humour ?
Commençons d'emblée la question s'il fallait la poser de l'"utilité de l'humour": Nous divertir ? Relativiser, dédramatiser, dépasser notre quotidien ? Appuyer là où ça fait mal ? rire donc de nos travers ? autodérision donc ... mais qui rit de qui alors... car nous sommes dans une société qui appuie sur les différences, les catégories et c'est bien souvent une catégorie qui se moque d'une autre que l'on voit dans les blagues ? L'humour discrimine donc ?
Quel est le fonctionnement de la publicité, aussi diverse qu'elle soit ?
A quoi sert-elle ?
Nous divertir ? Nous surprendre pour attirer le regard sur un produit à acheter ?
Montrer ce qui existe ? Etre dans le réel ? Panser le monde ?
Imaginer ce qui n'existe pas ? Penser le monde ? Imaginer un autre monde (meilleur, pire ?)Nous aider à nous évader ? Jouer du décalage entre la réalité de la vie (elle-même multiforme) et notre imaginaire (pluriel aussi)?
Comment fonctionne -t-elle lorsqu'elle utilise l'humour ?
Elle s'appuye sur les stéréotypes et va dans le même sens -les stéréotypes et les caricatures font rire- ? Elle va chercher le plus grand dénominateur commun, le fait culturel, transgénérationnel peut-être pour parler au plus grand nombre -tout dépend du produit - mais le but étant de plaire..
ou au contraire part-elle des stéréotypes pour leur tordre le cou ? Inverser les stéréotypes ? au risque de ne satisfaire que peu de monde.
Beaucoup de possibilités de faire rire; faire rire du quotidien est ce qui est peut être le plus difficile ? car ce quotidien doit toucher le plus de monde -malgré nos différences- et on doit pouvoir rire de nous-mêmes -dans une situation qui n'est pas trop pénible-.
Et c'est là où un fossé se creuse selon les catégories de la société et les publicitaires -hommes et femmes, semble-t-il- quie semblent pas spécialement pratiquer ici l'autodérision mais s'appuyer sur une vision de la société qu'ils jugent ... finie (et donc archaïque) ? inébranlable (la fameuse guerre des sexes avec une constante : la domination masculine ) ?
On le voit bien: des pubs déclenchent chez beaucoup de féministes des révoltes car sexistes -à l'égard des femmes, je dois préciser-.
Il y a quelques temps, il s'agissait de trois pubs payées avec l'argent public pour le fromage du Cantal. dans chacun des spots, une femme était larguée par son compagnon/mari pour avoir oublié le fameux fromage. Une fois, larguée au bord de la route (partis en voyage), larguée tout simplement (devant le maire, l'ex futur-mari, se barre) et enfin lâchée lors d'une ascension en pleine montagne -il lâche la corde-. Pour se défendre, les publicitaires et commanditaires ont mis en avant que plusieurs femmes du staff avaient validé ces spots... Comme si toutes les femmes avaient conscience de l'image négative donnée aux femmes.
Image négative ... c'est-à-dire ? Est ce que l'inverse aurait été accepté ?
Imaginons, la situation inverse "la femme au volant, se tournant vers son compagnon "Marcel, t'as amené le ...?" et voir le visage niais de celui-ci se décomposer, suivi de la vision du gars délesté au bord de la route avec la voiture qui redémarre ?
La question n'est pas comme certains croient que cette situation inverse aurait fait -ou non- réagir les féministes-qui-sautent-sur-toutes-les-pubs-car-elles-n'ont-pas-d'humour ... Mais tout simplement de dire que dans notre société, cette pub ne peut exister car elle ne fait appel à aucun fait de la société et ne fait rire personne ... elle ne s'appuie sur aucun stéréotype alors que les vraies pubs en question, si:
- La femme blonde, air quelque peu niais (attention néanmoins à ne pas être trop misogyne!!) : on est dans LE stéréotype de LA blonde et même au-delà, on le sait, de LA femme ...
- Celle-ci ne conduit pas, ne dirige pas la cordée, et attend son prince pour se marier (situation la moins inégalitaire pour le coup): rien ne se fait SANS LUI : il est INDISPENSABLE, elle DEPEND DE LUI à tel point qu'elle SE FAIT EJECTER comme une merde : la femme est donc DOMINEE par L'Homme
or là nous ne sommes plus complètement dans le stéréotype vu que la domination masculine existe encore et cela, dans de nombreux couples, domination masculine souvent associée dans ces cas de violences psychologiques et physiques...
et c'est justement cela qui arrive : mis à part le côté gaguesque de la situation (se fait larguer et cela pour du fromage : c'était cela le point de départ drôle: décalage ), on assiste à une forme de violence banalisée mais qui reste dans la norme : pour la cordée, on n'est pas sûr qu'elle tombe complètement (elle dévisse juste un peu; pas de mort à envisager), le mariage raté, elle s'en remettra, le bord de route est plus ambivalent (une femme seule sur la route, c'est pas forcément le pied..). Les publicitaires auraient réfléchi un peu ... pas assez !
Cette violence étant sur 3 clips toujours dans le même sens ... rire des cruches et des femmes pour les associer en un seul personnage; cela fait tellement rire les hommes (machos) et les femmes-qui-ne-voient-pas-que-la-Blonde-est-une-version-détournée-de-la-Femme (puisque-je-ne-suis-pas-conne, moi !)...
Alors, voyons, Karine, tu n'as pas d'humour et d'autodérision ? la femme qui rirait de la femme ?
Je ne crois pas en LA FEMME ni en L'HOMME mais en des diversités de personnalités et je ne me reconnais pas dans ces stéréotypes des femmes ...
En tant que féministe, je pense les FEMMES en ce qu'elles ont de commun: historique, culturel, le fait d'être oubliées dans l'Histoire, souvent méprisées et discrimées.
La pub et l'humour renforcent ce sentiment.
On rit encore et toujours de la pauvre cloche ... en installant et en contribuant à faire perdurer les stéréotypes qui font encore beaucoup de mal aux femmes ... de manière indirecte souvent (éducation et socialisation différenciées par l' intégration d'une forme d'infériorité et de dépendance vis à vis des hommes ...).
Sont-ils sexistes, discriminant ou tout simplement d'un humour dérangeant, surfant sur quelques faits de société et quelques stéréotypes ? Faut-il les prendre à la légère "au second degré" comme beaucoup le voudraient et donc ne leur accorder aucune importance ou faut-il les examiner, les analyser pour essayer de comprendre ce que traduit en vérité cet humour ?
Commençons d'emblée la question s'il fallait la poser de l'"utilité de l'humour": Nous divertir ? Relativiser, dédramatiser, dépasser notre quotidien ? Appuyer là où ça fait mal ? rire donc de nos travers ? autodérision donc ... mais qui rit de qui alors... car nous sommes dans une société qui appuie sur les différences, les catégories et c'est bien souvent une catégorie qui se moque d'une autre que l'on voit dans les blagues ? L'humour discrimine donc ?
Quel est le fonctionnement de la publicité, aussi diverse qu'elle soit ?
A quoi sert-elle ?
Nous divertir ? Nous surprendre pour attirer le regard sur un produit à acheter ?
Montrer ce qui existe ? Etre dans le réel ? Panser le monde ?
Imaginer ce qui n'existe pas ? Penser le monde ? Imaginer un autre monde (meilleur, pire ?)Nous aider à nous évader ? Jouer du décalage entre la réalité de la vie (elle-même multiforme) et notre imaginaire (pluriel aussi)?
Comment fonctionne -t-elle lorsqu'elle utilise l'humour ?
Elle s'appuye sur les stéréotypes et va dans le même sens -les stéréotypes et les caricatures font rire- ? Elle va chercher le plus grand dénominateur commun, le fait culturel, transgénérationnel peut-être pour parler au plus grand nombre -tout dépend du produit - mais le but étant de plaire..
ou au contraire part-elle des stéréotypes pour leur tordre le cou ? Inverser les stéréotypes ? au risque de ne satisfaire que peu de monde.
Beaucoup de possibilités de faire rire; faire rire du quotidien est ce qui est peut être le plus difficile ? car ce quotidien doit toucher le plus de monde -malgré nos différences- et on doit pouvoir rire de nous-mêmes -dans une situation qui n'est pas trop pénible-.
Et c'est là où un fossé se creuse selon les catégories de la société et les publicitaires -hommes et femmes, semble-t-il- quie semblent pas spécialement pratiquer ici l'autodérision mais s'appuyer sur une vision de la société qu'ils jugent ... finie (et donc archaïque) ? inébranlable (la fameuse guerre des sexes avec une constante : la domination masculine ) ?
On le voit bien: des pubs déclenchent chez beaucoup de féministes des révoltes car sexistes -à l'égard des femmes, je dois préciser-.
Il y a quelques temps, il s'agissait de trois pubs payées avec l'argent public pour le fromage du Cantal. dans chacun des spots, une femme était larguée par son compagnon/mari pour avoir oublié le fameux fromage. Une fois, larguée au bord de la route (partis en voyage), larguée tout simplement (devant le maire, l'ex futur-mari, se barre) et enfin lâchée lors d'une ascension en pleine montagne -il lâche la corde-. Pour se défendre, les publicitaires et commanditaires ont mis en avant que plusieurs femmes du staff avaient validé ces spots... Comme si toutes les femmes avaient conscience de l'image négative donnée aux femmes.
Image négative ... c'est-à-dire ? Est ce que l'inverse aurait été accepté ?
Imaginons, la situation inverse "la femme au volant, se tournant vers son compagnon "Marcel, t'as amené le ...?" et voir le visage niais de celui-ci se décomposer, suivi de la vision du gars délesté au bord de la route avec la voiture qui redémarre ?
La question n'est pas comme certains croient que cette situation inverse aurait fait -ou non- réagir les féministes-qui-sautent-sur-toutes-les-pubs-car-elles-n'ont-pas-d'humour ... Mais tout simplement de dire que dans notre société, cette pub ne peut exister car elle ne fait appel à aucun fait de la société et ne fait rire personne ... elle ne s'appuie sur aucun stéréotype alors que les vraies pubs en question, si:
- La femme blonde, air quelque peu niais (attention néanmoins à ne pas être trop misogyne!!) : on est dans LE stéréotype de LA blonde et même au-delà, on le sait, de LA femme ...
- Celle-ci ne conduit pas, ne dirige pas la cordée, et attend son prince pour se marier (situation la moins inégalitaire pour le coup): rien ne se fait SANS LUI : il est INDISPENSABLE, elle DEPEND DE LUI à tel point qu'elle SE FAIT EJECTER comme une merde : la femme est donc DOMINEE par L'Homme
or là nous ne sommes plus complètement dans le stéréotype vu que la domination masculine existe encore et cela, dans de nombreux couples, domination masculine souvent associée dans ces cas de violences psychologiques et physiques...
et c'est justement cela qui arrive : mis à part le côté gaguesque de la situation (se fait larguer et cela pour du fromage : c'était cela le point de départ drôle: décalage ), on assiste à une forme de violence banalisée mais qui reste dans la norme : pour la cordée, on n'est pas sûr qu'elle tombe complètement (elle dévisse juste un peu; pas de mort à envisager), le mariage raté, elle s'en remettra, le bord de route est plus ambivalent (une femme seule sur la route, c'est pas forcément le pied..). Les publicitaires auraient réfléchi un peu ... pas assez !
Cette violence étant sur 3 clips toujours dans le même sens ... rire des cruches et des femmes pour les associer en un seul personnage; cela fait tellement rire les hommes (machos) et les femmes-qui-ne-voient-pas-que-la-Blonde-est-une-version-détournée-de-la-Femme (puisque-je-ne-suis-pas-conne, moi !)...
Alors, voyons, Karine, tu n'as pas d'humour et d'autodérision ? la femme qui rirait de la femme ?
Je ne crois pas en LA FEMME ni en L'HOMME mais en des diversités de personnalités et je ne me reconnais pas dans ces stéréotypes des femmes ...
En tant que féministe, je pense les FEMMES en ce qu'elles ont de commun: historique, culturel, le fait d'être oubliées dans l'Histoire, souvent méprisées et discrimées.
La pub et l'humour renforcent ce sentiment.
On rit encore et toujours de la pauvre cloche ... en installant et en contribuant à faire perdurer les stéréotypes qui font encore beaucoup de mal aux femmes ... de manière indirecte souvent (éducation et socialisation différenciées par l' intégration d'une forme d'infériorité et de dépendance vis à vis des hommes ...).
Loubna Ahmad Al-Hussein : "Je refuse un archaïsme qui n'a rien à voir avec l'islam"
Débat
Loubna Ahmad Al-Hussein : "Je refuse un archaïsme qui n'a rien à voir avec l'islam"
LE MONDE | 27.11.09 | 13h54 • Mis à jour le 28.11.09 | 08h59
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/11/27/lubna-ahmad-al-hussein-je-refuse-un-archaisme-qui-n-a-rien-a-voir-avec-l-islam_1273023_3232.html
Arrêtée avec d'autres femmes pour "atteinte à la moralité publique" en portant un pantalon, la journaliste soudanaise Loubna Ahmad Al-Hussein a écrit 40 coups de fouet pour un pantalon (Plon, 228 p., 18 euros), afin d'alerter l'opinion internationale sur la situation des femmes au Soudan.
Le 3 juillet, quand vous avez été arrêtée, était-ce la première fois que vous portiez un pantalon ?
Non. Ma garde-robe est très variée, j'ai des pantalons, des robes, des habits traditionnels soudanais, je ne suis pas limitée par tel ou tel type de vêtement. Mais, au Soudan, dans les universités et dans toutes les institutions de l'Etat, il est interdit de porter le pantalon. C'est aussi interdit au marché, ou dans un restaurant, et c'est là que j'étais quand on m'a arrêtée. Généralement, j'utilise ma voiture pour me déplacer - les femmes ont toujours eu le droit de conduire au Soudan, quand la voiture est arrivée le pays était encore sous mandat britannique -, donc pantalon ou pas, je n'ai pas de problème.
Le paradoxe, c'est qu'un certain nombre de pays musulmans imposent le port du pantalon, qui cache le corps. Mais il n'y a rien dans le Coran sur le sujet, alors les interprétations sont diverses. Ce que disent toutes les religions, c'est qu'il faut être vêtu avec une certaine décence, les hommes comme les femmes. Et même l'article de loi en vertu duquel j'ai été jugée, l'article 152 du code pénal de 1991, parle seulement de vêtements "qui pourraient causer un trouble", porter atteinte à la pudeur publique. C'est évidemment une notion très subjective, laissée à l'interprétation du policier.
Est-ce grâce aux témoignages en votre faveur, au procès, que vous avez échappé au fouet, pour être condamnée à une amende, ou, à défaut, à la prison ?
Non, parce que le juge n'a entendu que les témoins de l'accusation. Il a refusé d'entendre les témoins de la défense. Nous étions treize femmes, arrêtées en même temps, au même endroit, et jugées en même temps. Toutes les autres ont été condamnées à recevoir des coups de fouet et moi j'y ai échappé. Sans doute parce que je suis un peu connue hors de mon pays. J'ai considéré cela comme scandaleux, estimant qu'il y avait là non seulement une injustice, mais une violation du droit, une affirmation du fait qu'il n'y a pas égalité devant la loi. J'ai donc refusé d'être bénéficiaire de cette exception, mais le juge n'est évidemment pas revenu sur sa décision. Alors j'ai refusé de payer l'amende à laquelle on me condamnait pour éviter la prison. Avant même que je passe en jugement, le président du Syndicat des journalistes soudanais m'a proposé de m'engager par écrit à ne plus porter de pantalon. Ainsi j'évitais les poursuites judiciaires. J'ai refusé. Entre-temps, j'avais appris en lisant la presse que le président de la République avait pris une décision d'amnistie me concernant. Je l'ai refusée aussi.
J'aurais peut-être accepté si cela avait été un premier pas pour changer la loi, mais ce n'était pas le cas. Je ne voulais pas qu'on fasse de mon affaire une histoire personnelle, et une exception, pour me faire taire, tandis que des milliers de femmes soudanaises continuent à être condamnées au fouet. J'aurais pu aussi utiliser l'immunité dont je bénéficie en tant que fonctionnaire des Nations unies, mais je voulais, en dépit de ce que souhaitaient les autorités, être traitée comme tout le monde, aller au bout du processus.
Comment vous a-t-on traitée en prison ?
Au départ, comme tout le monde. J'ai été fouillée, on m'a pris mon portable, etc. Malgré tout, bien qu'étant à l'intérieur de la prison, j'ai donné un certain nombre d'entretiens à la presse. Les gardiens s'en sont étonnés. Je leur ai dit que la technique permettait beaucoup de choses désormais, mais je n'ai pas dit comment j'avais fait et je ne veux pas le rendre public, car cela peut encore m'être utile à l'avenir...
Ma présence en prison les dérangeait, car ils savaient que je voulais recueillir les récits des autres détenues. C'est pourquoi ils m'ont libérée après une seule nuit. Mais je n'ai pas payé l'amende pour autant. J'ai appris qu'elle avait été réglée par le Syndicat des journalistes, proche du parti du président, ce que je réprouve.
Dans votre livre, vous parlez également de votre parcours, notamment de votre excision, à 7 ans, et aussi de la situation des femmes aujourd'hui au Soudan. Et vous faites remarquer que certaines femmes éduquées, qui travaillent, continuent de faire exciser leurs filles. Comment l'expliquez-vous ?
C'est un des paradoxes de la société soudanaise. Des femmes beaucoup plus modestes, avec moins de moyens intellectuels et financiers, tentent de résister à la pratique de l'excision, alors que des femmes éduquées la perpétuent. Pour moi, cela demeure un mystère. Cela veut dire qu'être instruit ne suffit pas pour bien penser cette question. Pourtant, quand on a expérimenté cette douleur, comment ne pas vouloir l'éviter à ses filles ? Un mouvement de femmes au Soudan combat l'excision et demande son interdiction. Sans succès pour le moment. Mais il y a d'autres mouvements qui militent pour la perpétuation de cette coutume.
Pourquoi avoir décidé d'être journaliste, alors que vous aviez fait des études d'agronomie ?
J'avais fait ces études un peu par défaut. Je m'étais inscrite dans une faculté où il y avait de la place. Mais, depuis toujours, j'avais envie d'écrire, et le métier de journaliste me tentait. Mais je ne pensais pas pouvoir y arriver.
Au début de votre carrière de journaliste, vous avez bénéficié d'une certaine liberté, puis la censure s'est installée. Dans le livre, vous racontez qu'un jour, excédée, vous avez recopié dans votre chronique une recette de cuisine, et que même ce texte-là a été censuré...
Les journalistes avaient tendance à pratiquer l'autocensure. Moi, j'ai essayé de ne pas le faire. Entre 1989 et 1998, Al-Bachir a gouverné sans Constitution, ce qui peut surprendre un Occidental. Dans le cadre de la nouvelle Constitution, le pouvoir a tenté de montrer qu'il y avait un espace de liberté au Soudan. Pourtant, dans cette supposée période de liberté, on a interdit un journal. Donc tout cela a été très éphémère et surtout illusoire. Et la censure s'est installée. Des agents de la sûreté de l'Etat venaient au journal chaque soir vers 18 heures, lisaient les articles et biffaient tout ce qu'ils trouvaient non conforme.
Parfois, ils cessaient de venir pendant un temps. Mais, depuis 2006, ils sont présents quotidiennement. On essayait bien sûr de les contourner, et je suis allée jusqu'à écrire, presque pour les provoquer, cette recette de cuisine. Mais, en bons bureaucrates, ils ont trouvé le moyen d'intervenir quand même sur ma copie.
Quand vous évoquez votre mariage, et la mort précoce de votre mari, vous dites qu'au Soudan les veuves sont considérées comme des criminelles. Qu'entendez-vous par là ?
Voilà encore une pratique qu'on explique à tort par la religion et qui n'existe qu'au Soudan. Les veuves sont assignées à résidence pendant le deuil. Elles ne doivent même pas se déplacer à l'intérieur de la maison. Elles doivent rester au lit et ne se lever que pour aller aux toilettes et faire leur prière. Je suis musulmane mais je refuse cet archaïsme qui n'a rien à voir avec l'islam. Pas plus que le voile. Je rappelle toujours qu'à La Mecque les femmes ne doivent pas être voilées. Alors comment l'accepter par ailleurs ?
Aujourd'hui, est-il dangereux pour vous de retourner au Soudan ?
J'ai reçu des menaces de mort, avant même de pouvoir quitter le pays, et avant même le procès. Pourtant, j'ai le désir de revenir dans mon pays, mais je dois prendre ces menaces au sérieux. Un de mes confrères journalistes qui avait voulu les ignorer a été assassiné.
Propos recueillis par Josyane Savigneau
Loubna Ahmad Al-Hussein : "Je refuse un archaïsme qui n'a rien à voir avec l'islam"
LE MONDE | 27.11.09 | 13h54 • Mis à jour le 28.11.09 | 08h59
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/11/27/lubna-ahmad-al-hussein-je-refuse-un-archaisme-qui-n-a-rien-a-voir-avec-l-islam_1273023_3232.html
Arrêtée avec d'autres femmes pour "atteinte à la moralité publique" en portant un pantalon, la journaliste soudanaise Loubna Ahmad Al-Hussein a écrit 40 coups de fouet pour un pantalon (Plon, 228 p., 18 euros), afin d'alerter l'opinion internationale sur la situation des femmes au Soudan.
Le 3 juillet, quand vous avez été arrêtée, était-ce la première fois que vous portiez un pantalon ?
Non. Ma garde-robe est très variée, j'ai des pantalons, des robes, des habits traditionnels soudanais, je ne suis pas limitée par tel ou tel type de vêtement. Mais, au Soudan, dans les universités et dans toutes les institutions de l'Etat, il est interdit de porter le pantalon. C'est aussi interdit au marché, ou dans un restaurant, et c'est là que j'étais quand on m'a arrêtée. Généralement, j'utilise ma voiture pour me déplacer - les femmes ont toujours eu le droit de conduire au Soudan, quand la voiture est arrivée le pays était encore sous mandat britannique -, donc pantalon ou pas, je n'ai pas de problème.
Le paradoxe, c'est qu'un certain nombre de pays musulmans imposent le port du pantalon, qui cache le corps. Mais il n'y a rien dans le Coran sur le sujet, alors les interprétations sont diverses. Ce que disent toutes les religions, c'est qu'il faut être vêtu avec une certaine décence, les hommes comme les femmes. Et même l'article de loi en vertu duquel j'ai été jugée, l'article 152 du code pénal de 1991, parle seulement de vêtements "qui pourraient causer un trouble", porter atteinte à la pudeur publique. C'est évidemment une notion très subjective, laissée à l'interprétation du policier.
Est-ce grâce aux témoignages en votre faveur, au procès, que vous avez échappé au fouet, pour être condamnée à une amende, ou, à défaut, à la prison ?
Non, parce que le juge n'a entendu que les témoins de l'accusation. Il a refusé d'entendre les témoins de la défense. Nous étions treize femmes, arrêtées en même temps, au même endroit, et jugées en même temps. Toutes les autres ont été condamnées à recevoir des coups de fouet et moi j'y ai échappé. Sans doute parce que je suis un peu connue hors de mon pays. J'ai considéré cela comme scandaleux, estimant qu'il y avait là non seulement une injustice, mais une violation du droit, une affirmation du fait qu'il n'y a pas égalité devant la loi. J'ai donc refusé d'être bénéficiaire de cette exception, mais le juge n'est évidemment pas revenu sur sa décision. Alors j'ai refusé de payer l'amende à laquelle on me condamnait pour éviter la prison. Avant même que je passe en jugement, le président du Syndicat des journalistes soudanais m'a proposé de m'engager par écrit à ne plus porter de pantalon. Ainsi j'évitais les poursuites judiciaires. J'ai refusé. Entre-temps, j'avais appris en lisant la presse que le président de la République avait pris une décision d'amnistie me concernant. Je l'ai refusée aussi.
J'aurais peut-être accepté si cela avait été un premier pas pour changer la loi, mais ce n'était pas le cas. Je ne voulais pas qu'on fasse de mon affaire une histoire personnelle, et une exception, pour me faire taire, tandis que des milliers de femmes soudanaises continuent à être condamnées au fouet. J'aurais pu aussi utiliser l'immunité dont je bénéficie en tant que fonctionnaire des Nations unies, mais je voulais, en dépit de ce que souhaitaient les autorités, être traitée comme tout le monde, aller au bout du processus.
Comment vous a-t-on traitée en prison ?
Au départ, comme tout le monde. J'ai été fouillée, on m'a pris mon portable, etc. Malgré tout, bien qu'étant à l'intérieur de la prison, j'ai donné un certain nombre d'entretiens à la presse. Les gardiens s'en sont étonnés. Je leur ai dit que la technique permettait beaucoup de choses désormais, mais je n'ai pas dit comment j'avais fait et je ne veux pas le rendre public, car cela peut encore m'être utile à l'avenir...
Ma présence en prison les dérangeait, car ils savaient que je voulais recueillir les récits des autres détenues. C'est pourquoi ils m'ont libérée après une seule nuit. Mais je n'ai pas payé l'amende pour autant. J'ai appris qu'elle avait été réglée par le Syndicat des journalistes, proche du parti du président, ce que je réprouve.
Dans votre livre, vous parlez également de votre parcours, notamment de votre excision, à 7 ans, et aussi de la situation des femmes aujourd'hui au Soudan. Et vous faites remarquer que certaines femmes éduquées, qui travaillent, continuent de faire exciser leurs filles. Comment l'expliquez-vous ?
C'est un des paradoxes de la société soudanaise. Des femmes beaucoup plus modestes, avec moins de moyens intellectuels et financiers, tentent de résister à la pratique de l'excision, alors que des femmes éduquées la perpétuent. Pour moi, cela demeure un mystère. Cela veut dire qu'être instruit ne suffit pas pour bien penser cette question. Pourtant, quand on a expérimenté cette douleur, comment ne pas vouloir l'éviter à ses filles ? Un mouvement de femmes au Soudan combat l'excision et demande son interdiction. Sans succès pour le moment. Mais il y a d'autres mouvements qui militent pour la perpétuation de cette coutume.
Pourquoi avoir décidé d'être journaliste, alors que vous aviez fait des études d'agronomie ?
J'avais fait ces études un peu par défaut. Je m'étais inscrite dans une faculté où il y avait de la place. Mais, depuis toujours, j'avais envie d'écrire, et le métier de journaliste me tentait. Mais je ne pensais pas pouvoir y arriver.
Au début de votre carrière de journaliste, vous avez bénéficié d'une certaine liberté, puis la censure s'est installée. Dans le livre, vous racontez qu'un jour, excédée, vous avez recopié dans votre chronique une recette de cuisine, et que même ce texte-là a été censuré...
Les journalistes avaient tendance à pratiquer l'autocensure. Moi, j'ai essayé de ne pas le faire. Entre 1989 et 1998, Al-Bachir a gouverné sans Constitution, ce qui peut surprendre un Occidental. Dans le cadre de la nouvelle Constitution, le pouvoir a tenté de montrer qu'il y avait un espace de liberté au Soudan. Pourtant, dans cette supposée période de liberté, on a interdit un journal. Donc tout cela a été très éphémère et surtout illusoire. Et la censure s'est installée. Des agents de la sûreté de l'Etat venaient au journal chaque soir vers 18 heures, lisaient les articles et biffaient tout ce qu'ils trouvaient non conforme.
Parfois, ils cessaient de venir pendant un temps. Mais, depuis 2006, ils sont présents quotidiennement. On essayait bien sûr de les contourner, et je suis allée jusqu'à écrire, presque pour les provoquer, cette recette de cuisine. Mais, en bons bureaucrates, ils ont trouvé le moyen d'intervenir quand même sur ma copie.
Quand vous évoquez votre mariage, et la mort précoce de votre mari, vous dites qu'au Soudan les veuves sont considérées comme des criminelles. Qu'entendez-vous par là ?
Voilà encore une pratique qu'on explique à tort par la religion et qui n'existe qu'au Soudan. Les veuves sont assignées à résidence pendant le deuil. Elles ne doivent même pas se déplacer à l'intérieur de la maison. Elles doivent rester au lit et ne se lever que pour aller aux toilettes et faire leur prière. Je suis musulmane mais je refuse cet archaïsme qui n'a rien à voir avec l'islam. Pas plus que le voile. Je rappelle toujours qu'à La Mecque les femmes ne doivent pas être voilées. Alors comment l'accepter par ailleurs ?
Aujourd'hui, est-il dangereux pour vous de retourner au Soudan ?
J'ai reçu des menaces de mort, avant même de pouvoir quitter le pays, et avant même le procès. Pourtant, j'ai le désir de revenir dans mon pays, mais je dois prendre ces menaces au sérieux. Un de mes confrères journalistes qui avait voulu les ignorer a été assassiné.
Propos recueillis par Josyane Savigneau
mercredi 25 novembre 2009
La France à la traîne
Mercredi 25 Novembre 2009
CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES, SOCIÉTÉ. Pour la journée internationale, la sociologue Laetitia Franquet note un retard en France, notamment en prévention
Femmes à la traîne
http://www.sudouest.com/accueil/actualite/france/article/783888/mil/5402919.html
Les femmes victimes de violences conjugales dans les campagnes de prévention présentent des bleus, des traces de coups. Elles ont entre 20 et 35 ans. Sont souvent mères de famille. « Et les autres ? », questionne Laetitia Franquet, doctorante en sociologie à l'université de Bordeaux 2 et à l'université de Barcelone. « Les autres se croient hors sujet. Celles qui ne présentent pas de coups, qui sont plus âgées, ne s'imaginent pas victimes de violences conjugales. Les bleus ne sont qu'une sorte de stigmates de la violence. La violence verbale, psychologique, même physique, peut ne pas laisser de trace voyante. Et pourtant... »
Laetitia Franquet travaille sur la question des violences faites aux femmes depuis 2005, ici en Aquitaine et à Barcelone. « Des deux côtés de la frontière, on ne traite pas ce problème social de la même manière. En Espagne, les féministes sont respectées, écoutées, institutionnalisées. Du coup, les moyens en Espagne pour traiter la question de la violence conjugale sont beaucoup plus importants. En France, c'est l'associatif qui prend en charge. »
Les féministes en avant
La jeune sociologue note que les campagnes d'information en France ne montrent qu'une facette de la problématique, excluant le harcèlement moral, le contrôle économique, la répartition des tâches domestiques, les violences sexuelles, l'inégalité au travail. « L'Espagne a reconnu que la société patriarcale était en soi un facteur de violence faite aux femmes. Du coup, tout est balayé, remis en question. En France, tout le boulot reste à faire. Les féministes sont les seules aujourd'hui à prendre en charge cette question. Et les féministes ont mauvaise presse. Elles rament pour se faire entendre et sont encore considérées comme des suffragettes. C'est ringard d'être féministe. Or... »
Politique familiale
« La France travaille avec sa culture de politique familiale. On parle à propos de violences conjugales, de situations intrafamiliales. La France revendique une politique familiale, protège la famille. Il y a du retard, ce n'est pas encore une priorité politique. »
L'état des lieux n'est pas si sombre puisque les associations ont su faire évoluer les mentalités. « Il y a encore quelques années, les victimes de violences physiques devaient réaliser un parcours du combattant pour se défendre. Aujourd'hui, il existe des lieux de parole où tout est simplifié. Le Centre d'accueil en urgence des victimes d'agression, au CHU de Bordeaux, est à ce titre exemplaire. Les femmes parlent davantage, le tabou se brise peu à peu, le fait qu'il y ait plus de dénonciations ne signifie pas pour autant que les hommes soient plus violents. »
Laetitia Franquet pointe une prévention encore peu efficace certes, mais aussi un manque de suivi. Les groupes de parole sous la forme de stages de citoyenneté mis en place par le tribunal de grande instance de Bordeaux, basés sur le volontariat, n'attirent encore que peu de candidats en Gironde. « Ici, en dehors du 25 novembre et du 8 mars, qui se soucie des violences faites aux femmes ? »
Numéro vert : 3919.
Société 25/11/2009 à 00h00
Violences faites aux femmes : la leçon espagnole
Sur fond de journée contre la brutalité conjugale, Nadine Morano dit vouloir s’inspirer du gouvernement Zapatero, en pointe sur la surveillance électronique.
Par FRANÇOIS MUSSEAU MADRID, de notre correspondant, CHARLOTTE ROTMAN
C’était un soir de la semaine dernière, à Meaux, en Seine-et-Marne. Une femme de 29 ans était brûlée à 70%par son ancien compagnon. Arrêté en état d’ivresse, l’homme a été mis en examen et écroué pour «tentative d’assassinat». Un drame d’exception ? Pas vraiment. En 2008, en France, tous les trois jours une femme a été tuée par son partenaire. «Les violences conjugales ne sont pas une fatalité», rappelle pourtant la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, qui a promis «une adaptation de notre droit». Un système de téléphone d’urgence, mis en place à partir de décembre en Seine-Saint-Denis, «pourrait être généralisé». Ce dispositif existe déjà en Espagne, tout comme celui du bracelet électronique que Nadine Morano souhaite «expérimenter d’ici à 2010». C’est d’ailleurs à Madrid que la secrétaire d’Etat à la Famille est allée chercher inspiration la semaine dernière. Dans la «loi intégrale contre la violence conjugale», réforme phare de José Luis Zapatero, président du gouvernement.
«Peur diffuse». Parmi les bénéficiaires espagnoles, Mari Carmen, 43 ans. Après plus de quinze ans de vie commune avec Luis, et deux enfants, elle a dit «basta», a porté plainte, et le juge a ordonné au mari de s’éloigner du domicile. Il s’installera à 150 kilomètres. «Mais une peur diffuse ne me quittait pas, explique Mari Carmen. Heureusement, avec mon boîtier, je me sens plus en sécurité.» Elle se souvient du jour où le boîtier noir a sonné. Un appareil de la taille d’un téléphone portable qu’elle a toujours sur elle : «Mon cœur battait à mille à l’heure. J’ai failli emboutir la voiture de devant. Je savais que mon mari se rapprochait de moi dangereusement.» Sur le boîtier, Mari Carmen presse la touche emergencia («urgence»), une voix du centre de contrôle lui répond dans l’instant et lui demande de quitter les lieux en voiture, tout en lui indiquant l’itinéraire. «Depuis ce moment, je me sens en sécurité avec cet engin». Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, Mari Carmen porte le boîtier, et Luis un bracelet-montre dont il n’a pas le droit de se défaire.
Sur un écran du centre de contrôle, dans la banlieue de Madrid, le boîtier est représenté par un point rouge, le bracelet par un vert. Lorsque les deux voyants lumineux se trouvent à moins de 400 mètres l’un de l’autre, l’alarme se déclenche. Une patrouille de police se met en route et aide la «victime» à se mettre à l’abri.
Récidivistes. En Espagne, depuis 2005, 168 448 conjoints ont été condamnés pour «mauvais traitements» envers leur femme. Une minorité (7 491 cas) a été envoyée en prison. 97 173 ont été condamnés à se tenir éloignés du domicile conjugal. Mais cette mesure est souvent insuffisante : un tiers d’entre eux sont des récidivistes condamnés à vivre à distance de leur femme ou compagne. D’où l’idée des bracelets électroniques.
Depuis fin juillet, 3 000 de ces appareils sont à la disposition de la justice. A l’heure actuelle, sur décision d’un juge, seuls 55 ont été distribués à des «couples à risques». Efficaces, ces gadgets électroniques ? Certains en doutent, notamment des femmes battues qui l’ont entendu sonner jour et nuit alors qu’elles ne couraient aucun danger. Ou d’autres qui, après le déclenchement de l’appareil, ont vu arriver leur mari, mais pas la patrouille de police. A l’image de Maximino Couto, 60 ans, qui, en décembre 2008, a profité d’une courte sortie de prison pour assassiner sa femme à coups de couteau.
Hormis ces cas exceptionnels, le système a la cote. Tout comme les portables d’urgence, des appareils géolocalisables avec bouton d’appel, dont 13 000 femmes seraient détentrices. «Les assassinats sont en baisse cette année, en partie grâce à la fonction dissuasive [du dispositif]», se targue la ministre de l’Egalité, Bibiana Aído.
76 femmes ont été tuées par leur conjoint en 2008, 49 depuis le début de l’année. Parmi ces dernières, aucune ne portait le boîtier.
CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES, SOCIÉTÉ. Pour la journée internationale, la sociologue Laetitia Franquet note un retard en France, notamment en prévention
Femmes à la traîne
http://www.sudouest.com/accueil/actualite/france/article/783888/mil/5402919.html
Les femmes victimes de violences conjugales dans les campagnes de prévention présentent des bleus, des traces de coups. Elles ont entre 20 et 35 ans. Sont souvent mères de famille. « Et les autres ? », questionne Laetitia Franquet, doctorante en sociologie à l'université de Bordeaux 2 et à l'université de Barcelone. « Les autres se croient hors sujet. Celles qui ne présentent pas de coups, qui sont plus âgées, ne s'imaginent pas victimes de violences conjugales. Les bleus ne sont qu'une sorte de stigmates de la violence. La violence verbale, psychologique, même physique, peut ne pas laisser de trace voyante. Et pourtant... »
Laetitia Franquet travaille sur la question des violences faites aux femmes depuis 2005, ici en Aquitaine et à Barcelone. « Des deux côtés de la frontière, on ne traite pas ce problème social de la même manière. En Espagne, les féministes sont respectées, écoutées, institutionnalisées. Du coup, les moyens en Espagne pour traiter la question de la violence conjugale sont beaucoup plus importants. En France, c'est l'associatif qui prend en charge. »
Les féministes en avant
La jeune sociologue note que les campagnes d'information en France ne montrent qu'une facette de la problématique, excluant le harcèlement moral, le contrôle économique, la répartition des tâches domestiques, les violences sexuelles, l'inégalité au travail. « L'Espagne a reconnu que la société patriarcale était en soi un facteur de violence faite aux femmes. Du coup, tout est balayé, remis en question. En France, tout le boulot reste à faire. Les féministes sont les seules aujourd'hui à prendre en charge cette question. Et les féministes ont mauvaise presse. Elles rament pour se faire entendre et sont encore considérées comme des suffragettes. C'est ringard d'être féministe. Or... »
Politique familiale
« La France travaille avec sa culture de politique familiale. On parle à propos de violences conjugales, de situations intrafamiliales. La France revendique une politique familiale, protège la famille. Il y a du retard, ce n'est pas encore une priorité politique. »
L'état des lieux n'est pas si sombre puisque les associations ont su faire évoluer les mentalités. « Il y a encore quelques années, les victimes de violences physiques devaient réaliser un parcours du combattant pour se défendre. Aujourd'hui, il existe des lieux de parole où tout est simplifié. Le Centre d'accueil en urgence des victimes d'agression, au CHU de Bordeaux, est à ce titre exemplaire. Les femmes parlent davantage, le tabou se brise peu à peu, le fait qu'il y ait plus de dénonciations ne signifie pas pour autant que les hommes soient plus violents. »
Laetitia Franquet pointe une prévention encore peu efficace certes, mais aussi un manque de suivi. Les groupes de parole sous la forme de stages de citoyenneté mis en place par le tribunal de grande instance de Bordeaux, basés sur le volontariat, n'attirent encore que peu de candidats en Gironde. « Ici, en dehors du 25 novembre et du 8 mars, qui se soucie des violences faites aux femmes ? »
Numéro vert : 3919.
Société 25/11/2009 à 00h00
Violences faites aux femmes : la leçon espagnole
Sur fond de journée contre la brutalité conjugale, Nadine Morano dit vouloir s’inspirer du gouvernement Zapatero, en pointe sur la surveillance électronique.
Par FRANÇOIS MUSSEAU MADRID, de notre correspondant, CHARLOTTE ROTMAN
C’était un soir de la semaine dernière, à Meaux, en Seine-et-Marne. Une femme de 29 ans était brûlée à 70%par son ancien compagnon. Arrêté en état d’ivresse, l’homme a été mis en examen et écroué pour «tentative d’assassinat». Un drame d’exception ? Pas vraiment. En 2008, en France, tous les trois jours une femme a été tuée par son partenaire. «Les violences conjugales ne sont pas une fatalité», rappelle pourtant la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, qui a promis «une adaptation de notre droit». Un système de téléphone d’urgence, mis en place à partir de décembre en Seine-Saint-Denis, «pourrait être généralisé». Ce dispositif existe déjà en Espagne, tout comme celui du bracelet électronique que Nadine Morano souhaite «expérimenter d’ici à 2010». C’est d’ailleurs à Madrid que la secrétaire d’Etat à la Famille est allée chercher inspiration la semaine dernière. Dans la «loi intégrale contre la violence conjugale», réforme phare de José Luis Zapatero, président du gouvernement.
«Peur diffuse». Parmi les bénéficiaires espagnoles, Mari Carmen, 43 ans. Après plus de quinze ans de vie commune avec Luis, et deux enfants, elle a dit «basta», a porté plainte, et le juge a ordonné au mari de s’éloigner du domicile. Il s’installera à 150 kilomètres. «Mais une peur diffuse ne me quittait pas, explique Mari Carmen. Heureusement, avec mon boîtier, je me sens plus en sécurité.» Elle se souvient du jour où le boîtier noir a sonné. Un appareil de la taille d’un téléphone portable qu’elle a toujours sur elle : «Mon cœur battait à mille à l’heure. J’ai failli emboutir la voiture de devant. Je savais que mon mari se rapprochait de moi dangereusement.» Sur le boîtier, Mari Carmen presse la touche emergencia («urgence»), une voix du centre de contrôle lui répond dans l’instant et lui demande de quitter les lieux en voiture, tout en lui indiquant l’itinéraire. «Depuis ce moment, je me sens en sécurité avec cet engin». Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, Mari Carmen porte le boîtier, et Luis un bracelet-montre dont il n’a pas le droit de se défaire.
Sur un écran du centre de contrôle, dans la banlieue de Madrid, le boîtier est représenté par un point rouge, le bracelet par un vert. Lorsque les deux voyants lumineux se trouvent à moins de 400 mètres l’un de l’autre, l’alarme se déclenche. Une patrouille de police se met en route et aide la «victime» à se mettre à l’abri.
Récidivistes. En Espagne, depuis 2005, 168 448 conjoints ont été condamnés pour «mauvais traitements» envers leur femme. Une minorité (7 491 cas) a été envoyée en prison. 97 173 ont été condamnés à se tenir éloignés du domicile conjugal. Mais cette mesure est souvent insuffisante : un tiers d’entre eux sont des récidivistes condamnés à vivre à distance de leur femme ou compagne. D’où l’idée des bracelets électroniques.
Depuis fin juillet, 3 000 de ces appareils sont à la disposition de la justice. A l’heure actuelle, sur décision d’un juge, seuls 55 ont été distribués à des «couples à risques». Efficaces, ces gadgets électroniques ? Certains en doutent, notamment des femmes battues qui l’ont entendu sonner jour et nuit alors qu’elles ne couraient aucun danger. Ou d’autres qui, après le déclenchement de l’appareil, ont vu arriver leur mari, mais pas la patrouille de police. A l’image de Maximino Couto, 60 ans, qui, en décembre 2008, a profité d’une courte sortie de prison pour assassiner sa femme à coups de couteau.
Hormis ces cas exceptionnels, le système a la cote. Tout comme les portables d’urgence, des appareils géolocalisables avec bouton d’appel, dont 13 000 femmes seraient détentrices. «Les assassinats sont en baisse cette année, en partie grâce à la fonction dissuasive [du dispositif]», se targue la ministre de l’Egalité, Bibiana Aído.
76 femmes ont été tuées par leur conjoint en 2008, 49 depuis le début de l’année. Parmi ces dernières, aucune ne portait le boîtier.
Refuge
Puisque mes mots, mes idées dérangent .... je viens ici : trop sombre, le féminisme ?
Revendicatif alors oui, peut-être pas très optimisme tous les jours même si je considère la prise de conscience, la protestation, la communication comme les pendants positifs de cet état de choses.
Non, nous ne sommes pas (toutes et tous) de pauvres victimes passives incapables de se défendre: nous luttons à notre manière. Lutter,c'est exister, c'est avancer, c'est faire changer les choses EN MIEUX.
Critique
"La Domination masculine" : enquête sur le patriarcat
LE MONDE | 24.11.09 | 16h35 • Mis à jour le 24.11.09 | 16h35
Les femmes à la cuisine et les hommes au pouvoir ? Cette enquête sur les rôles prédestinés, le culte du mâle dominant, s'ouvre sur l'opération d'un pathétique garçon qui se fait rallonger le pénis afin de se sentir "mieux dans [son] slip" et plus à même de clamer son identité. Suivent les témoignages d'adeptes du "speed-dating" qui avouent chercher un homme protecteur, possessif, mieux payé qu'elles, "stéréotype de l'ancien temps". Et l'interview d'un vendeur dans un magasin de jouets commentant la raison d'être des rayons garçons et filles : aux uns, les machines et tout ce qui implique un rôle de chef, aux autres, les poupées, balayettes, rêves de princesses et clonage des tâches ménagères dévolues aux mamans.
Le Monde.fr vous fait gagner du temps et vous alerte par e-mail en cas d'événement majeur
Sur le même sujet
Filippo Timi et Giovanna Mezzogiorno dans le film de Marco Bellocchio, "Vincere", sorti en salles mercredi 25 novembre 2009.
Aussi consternants que soient ces reportages, ils reflètent une réalité : une culture de la domination silencieuse des hommes, entretenue par les livres, les pubs, l'art de la représentation du phallus, l'intégrisme religieux, et rabaissant les femmes au statut de spectatrices. Insert accablant pour ses admirateurs(-trices) : un document montre Léo Ferré exhalant sa haine des femmes cultivées, clamant que les femmes ont "leur intelligence dans les ovaires".
A cette première partie qui enfonce un peu des portes ouvertes succèdent deux gros sujets, essentiellement tournés au Québec où se relancent un courant féministe et un contre-courant réactionnaire qu'elles appellent "backlash" ou "ressac" : l'un sur les violences conjugales, les femmes battues, l'autre sur le massacre de l'Ecole Polytechnique de Montréal où un élève tua quatorze de ses camarades, pour la seule raison qu'elles étaient femmes.
Patric Jean s'est infiltré sous un nom d'emprunt chez des "masculinistes", ces hommes qui considèrent le féminisme comme "un crime contre l'humanité". Il exhume des archives une interview du journaliste Eric Zemmour qui défend "l'homme comme prédateur".
Tout cela est à la fois passionnant et accablant, mais l'ensemble souffre d'une construction contestable et tient plus du docu télé.
Film documentaire franco-canadien de Patric Jean. (1 h 43.)
Jean-Luc Douin
Cinéma 25/11/2009 à 00h00
L’armée du phallus
Critique
Testostérone . Un docu fourre-tout sur le machisme ordinaire.
Par CÉCILE DAUMAS
(UGC Distribution)
La Domination masculine de Patric Jean 1 h 43.
On aurait voulu aimer ce documentaire. D’abord, pour son affiche accrocheuse centrée sur une paire de couilles tricotée de laine multicolore. Ensuite, pour son titre, la Domination masculine, fleurant bon le Bourdieu et sous-entendant une inversion théorique prometteuse sur un sujet ultralégitime mais essoré : le féminisme.
Caché. Le film débute, fidèle à ses impertinentes promesses : on croit assister à un accouchement avec un père en blouse verte d’hôpital, on est spectateur d’un allongement de la verge. «Un centimètre dans le pénis, c’est un centimètre de plus dans la tête», dit le chirurgien. De la domination masculine, le Belge Patric Jean en démontre son versant caché et silencieux, évidence qui passe pour naturelle et ne l’est pas. Dans un magasin de jouets, un vendeur explique, imperturbable, devant cafetières et machines à laver. «C’est fait pour les filles. Elles imitent leur maman.» Pour les garçons, des déguisements de héros, cow-boys et pompiers.
Autre moment savoureux : une séquence en noir et blanc où le jeune Pierre Tchernia fait l’article à un salon d’électroménager : «L’outil le plus parfait qui ravaude, lave, épluche les pommes de terre, soigne les enfants et sourit, c’est la femme. Alors n’hésitez pas, achetez une femme !»
Posture. Le réalisateur excelle dans le montage de ces séquences drôles et signifiantes. De même quand il évoque un fait divers sanglant survenu au Québec en 1989 : un tireur fou abat quatorze étudiantes de l’Ecole polytechnique de Montréal. Un crime qui, paradoxalement, a libéré la parole des antiféministes, remarque le cinéaste. Du Québec, Patric Jan a aussi tourné des séquences sur la violence conjugale et le travail de la police locale, au point d’en faire un film dans le film. Reprenant les théories de l’avocate Gisèle Halimi, il démontre le continuum entre banalité de la domination et violence entre conjoints.
Certes, le docu sort le 25 novembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Mais à évoquer beaucoup trop longuement ce thème dramatique - sujet en soi d’un film - le cinéaste perd le sel de son inversion théorique. Et relance le débat qui agite le féminisme depuis de nombreuses années. N’y a-t-il pas un danger, et même un effet contre-productif, à enfermer les femmes dans une posture d’éternelle victime ? La féministe Camille Paglia va ainsi jusqu’à conseiller à ses congénères d’apprendre à se défendre en étudiant le foot américain !
Alerte info
Quand le féminisme fait homme
il y a 9 heures 16 min
L'Express LEXPRESS.fr
Avec son documentaire sur les ravages du sexisme sorti mercredi dernier, le réalisateur belge Patric Jean s'attaque à la grande cause nationale de 2010: les femmes. Et les machos enragent... Lire la suite l'article
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Discussion: Condition féminine
Pour nous convaincre de la sincérité de son discours, Patric Jean n'aurait pas trouvé mieux. Réalisateur de La Domination masculine, remarquable état des lieux d'un machisme pernicieux ancré dans les moeurs qui mène tout droit à la violence sur les femmes, ce Belge vivant entre Bruxelles et Paris annule un premier rendez-vous pour... récupérer son bébé fiévreux à la crèche. La mère, également documentariste, est en déplacement. Patric Jean, féministe convaincu de 41 ans, est évidemment pour le partage des tâches familiales.
A voir l'implacable constat qu'il dresse dans son film, c'est à croire que la "parenthèse enchantée" des années 1970 n'a jamais existé et que la condition féminine a recouvré son statut d'avant-guerre. "Il serait idiot de dire que nous n'avons pas avancé depuis cinquante ans, corrige-t-il. Mais la réduction des inégalités entre hommes et femmes progresse tellement lentement... qu'on atteindra la parité dans deux cent cinquante ans!" Pour illustrer son propos, Patric Jean a baladé sa caméra des speed-datings parisiens –où les candidates reproduisent les clichés sexistes avec le sourire et le plus grand naturel – à l'école polytechnique de Montréal (Québec), théâtre de l'exécution sommaire de 14 étudiantes en ingénierie le 6 décembre 1989 par un antiféministe de 25 ans.Le réalisateur s'est immiscé sous un nom d'emprunt parmi des "masculinistes" canadiens, militants vindicatifs de mieux en mieux organisés depuis une dizaine d'années, dont il a recueilli des témoignages effrayants. "Ils sont évidemment furieux d'avoir été trompés", raconte-t-il, menacé de mort à demi-mot dans des blogs particulièrement virulents. "L'un dit que, si je viens présenter mon long-métrage au Canada, je risque de passer à côté de ma propre vie et de connaître mon Waterloo."
Convié dans les colloques des suffragettes
Le réalisateur est précisément né près de la cité belge, dans un milieu ouvrier. Son père, mort quand il avait 2 ans, interdit à sa mère de continuer une prometteuse carrière de chanteuse d'opéra. Elle enseignera le chant et élèvera seule son fils. D'où cette énergie farouche à défendre les femmes? "J'ai plutôt évolué grâce aux diverses compagnes avec lesquelles j'ai vécu", répond l'intéressé. Le réalisateur, désormais invité dans tous les colloques des suffragettes françaises, ne se leurre pas sur l'avenir. "Le masculinisme connaît en France une progression constante." Son documentaire n'est donc pas seulement un constat, mais aussi un signal d'alarme.
Patric Jean : "Je suis un pro-féministe radical"
Dans un documentaire intelligemment militant, le réalisateur belge s’interroge sur les racines de l’inégalité des sexes qui structure les sociétés occidentales.
Article de Pamela Messi
« Vous avez-dit égalité ? », interroge Patric Jean sur l’affiche de son nouveau film, La Domination masculine, un documentaire intelligemment militant. Education, politique, publicité, jeux de séduction… Le réalisateur belge explore tous les lieux d’exercice possibles de cette domination ancestrale, en s’arrêtant plus particulièrement sur le cas (éclairant) du Québec. Une preuve que le propos est juste ? Il a fait sortir de leurs gonds les hommes les plus misogynes – ceux pour qui « le féminisme est un crime contre l’humanité » – qui inondent la blogosphère de commentaires haineux. Face aux incitations à la violence et aux menaces dont il a fait l’objet, Patric Jean a même dû récemment renoncer à un voyage à Montréal. « Je veux que les spectateurs se disputent en sortant de la salle », annonçait-il – sur le ton de l’humour – dans le dossier de presse du film. C’est réussi. Rencontre avec un homme qui se définit comme un « pro-féministe radical ».
Ce titre, La Domination masculine, c’est un hommage à Bourdieu ?
Patric Jean : Rien à voir. « La domination masculine », c’est une expression très ancienne dans la littérature. Je voulais parler exactement de ce sujet là : pas des combats des femmes mais de ce qu'est la domination masculine aujourd’hui en Occident. Le titre m’a donc sauté aux yeux.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à ce sujet ?
J’ai choisi de travailler sur ce sujet pour des raisons politiques. De la même manière que je fais des films sur les pauvres parce qu’il y a des pauvres, j’ai eu envie de faire un film sur la domination masculine parce que nous vivons dans une société patriarcale où les femmes ne peuvent pas occuper la même place que les hommes. Or, si tout le monde est conscient de l’existence de la pauvreté dans le monde et donc de la nécessité de faire des films sur ce thème, la question du rapport entre hommes et femmes et de l’injustice de genre ne saute pas aux yeux. Dans l’idéal, ma démarche ne devrait donc surprendre personne.
Pourquoi avoir consacré une grande partie du film au Québec ?
Parce qu’en matière de relations hommes-femmes, c’est une société qui a vingt ans d’avance sur la Belgique et la France où se déroule le reste du film. Il y a eu des combats de femmes et des raisons politiques et historiques complexes qui ont fait que c’est une société déjà beaucoup plus égalitaire que la nôtre. L’égalité n’est pas parfaite, mais c’est déjà un grand pas en avant. Sur la question de la violence conjugale par exemple, le Québec a clairement vingt ans d’avance, au moins. Mais ça c’est le côté positif. Le revers de la médaille, c’est que cette avance entraîne ce qu’on appelle le « ressac » ou « backlash » : le système réagit et on observe un contre-mouvement émancipatoire de la part d’hommes qui ne veulent pas perdre leurs privilèges et qui s’organisent pour que les femmes progressent le moins vite possible, voire qu’elles régressent.
Est-ce le début d’une guerre des sexes ?
Pas d’une guerre des sexes mais d’une guerre politique. Côté féministe, vous avez évidemment une majorité de femmes mais aussi quelques hommes. Et du côté du backlash, vous avez une large majorité d’hommes, mais également une association de femmes qui militent pour que les femmes retournent à leurs casseroles et que les hommes gardent le pouvoir. La question est donc clairement politique : il s’agit de décider si on va continuer à progresser en essayant d’aller vers plus de justice et d’équité ou si l’on reste dans une société archaïque où les femmes font la popote pendant que les hommes partent à la chasse. Je caricature à peine…
Au cours du tournage, avez-vous eu des surprises ?
Ma grande surprise a été de voir à quel point les femmes victimes de violences conjugales racontent toutes exactement la même histoire. Et ce, dans tous les pays où j’en ai rencontrées. Comme si elles s’étaient téléphonées pour se donner le mot. Même les mots qu’elles emploient pour décrire leur ressenti sont souvent les mêmes. Ce phénomène de violences conjugales n’est pas une suite d’histoires personnelles particulières, c’est un phénomène social. La preuve : ça se reproduit toujours de la même manière et dans toutes les classes sociales. Ça commence toujours par une forme de violence psychologique, par la dévalorisation de l’autre, par l’insulte. Et puis les coups arrivent…
Vous parlez peu de religion alors qu’habituellement, le sujet est mis sur le tapis dès que l’on aborde la place de la femme dans la société. Pourquoi ?
Effectivement, quand on parle des femmes, la question de la religion revient sans cesse, parce qu’on parle de l’Islam et qu’on veut toujours nous expliquer que le musulman est un méchant macho qui bat sa femme. Ce faisant, on oublie que toutes les 55 heures, en France, un homme tue sa femme. Or, ils ne sont pas tous musulmans. Certains le sont peut-être, mais ils ne sont pas surreprésentés. Par ailleurs, toutes les classes sociales sont concernées : des médecins, des avocats... Il y a peu de temps, c’est un député qui a tué sa maîtresse. J’ai pensé à parler de religion, mais j’aurais dans ce cas parlé des trois religions et pas seulement de l’Islam, évidemment. Car la question de la femme dans la chrétienté et dans le judaïsme n’est pas abordée de façon plus brillante.
Comment votre mise en scène, très sobre, devait-elle servir votre propos ?
C’est mon style : j’aime travailler sur le silence. Sur ce film en particulier, je souhaitais fournir au spectateur une matière brute. Lui livrer des faits et voir ce qu’il en tire plutôt que lui tenir la main avec un commentaire.
Tout le film est ponctué de scènes où vous recouvrez un mur d’images de symboles phalliques. Que cherchiez-vous à montrer ?
C’est un côté un peu ridicule très masculin et qui me faisait plutôt rire : il semble que dans toutes les cultures, consciemment et inconsciemment, nous les hommes, nous ressentions ce besoin de réaffirmer notre pouvoir sur la société à travers des symboles et, notamment, le symbole phallique. Quand on regarde bien, il y en a absolument partout. Les plots anti-stationnement par exemple, correspondent exactement à la manière dont un enfant dessinerait un sexe en érection. J’ai beaucoup ri il y a quelques années à Bruxelles quand la ville a installé de nouveaux plots, dans une belle pierre de taille. Leur forme était rectangulaire – on ne pouvait donc pas y voir un symbole phallique – mais, à la base, ils avaient ajouté deux boules. J’aurais rêvé d’assister à la réunion chez le maire, d’écouter les gens discuter pour savoir si leur choix était conscient ou inconscient, s’ils avaient trouvé ça très drôle ou si personne ne s’était posé de question.
Vous avez participé à des débats à l’issue des projections en avant-premières de votre film. Les gens se sont-ils disputés autant que vous le souhaitiez ?
Quand j’ai dit que je voulais qu’on se dispute à la fin du film, c’était évidemment une boutade. Mais j’ai tout de même entendu des couples ou même des hommes ou des femmes entre eux, discuter ferme. Plusieurs femmes ont pris la parole dans la salle, très émues. Elles avaient l’impression que le film parlait d’elles. J’ai également reçu une tonne de messages d’insultes anonymes écrits par des hommes beaucoup moins courageux. Pour vous donner une idée, je vous conseille de lire les commentaires sur les blogs et sites internet qui parlent du film. C’est affolant… A la fin du documentaire, je filme des masculinistes. On me demande souvent combien ils sont : dix ? Douze ? Eh bien non, ils sont des millions car leur idéologie est toujours dominante. Tendez l’oreille au coin de la rue ou dans le métro et vous entendrez des hommes discourir et lancer des généralités sur « les nanas », « les gonzesses », « les bonnes femmes »… Toujours ce même vieux discours misogyne. La différence avec les masculinistes, c’est que ces derniers théorisent leurs propos et en font un combat politique. Mais quand on voit combien d’hommes bavent de colère à l’idée même qu’on puisse faire un film dénonçant la domination masculine, on voit combien les idées masculinistes sont présentes dans notre société.
Comment vous situez-vous par rapport au mouvement féministe ?
Je me considère comme un pro-féministe radical. Radical ne voulant pas dire extrémiste. On a souvent et volontairement entretenu la confusion. Il existe un féminisme radical et un certain nombre d’hommes ont voulu faire croire que c’était un féminisme extrémiste. Or, on n’a jamais tué au nom du féminisme. Le féminisme et le pro-féminisme radicaux le sont dans le sens du mot latin qui renvoie à la racine. Cela signifie que l’idée n’est pas de trouver des solutions qui, en surface, vont aplanir les choses, mais de prendre le mal à la racine. En se demandant notamment ce que l’on dira aux enfants, dans le cadre de leur éducation, sur ce que c’est qu’être un homme ou une femme. Autrement dit, je suis un pro-féministe radical parce que je m’interroge sur la racine de ce mal qui structure notre société.
Propos recueillis par Pamela Messi
La Domination masculine
mercredi 25 novembre 2009, par Marine Loyen
Cinoche - Le documentaire du réalisateur belge sortira sur les écrans en France mercredi dans 38 salles : une diffusion limitée, voulue par la production. Un film à voir d’urgence si vous pensez que le féminisme est une cause has-been.
Le réalisateur explore toutes les manifestations de la domination masculine, dans les moindres recoins du quotidien. Depuis le plus insignifiant, en apparence : la démarche. Timide et entravée dans des escarpins pour les femmes, elle est aisée et imposante pour les hommes. Jusqu’au plus grave : il y aura bientôt vingt qu’au Québec, à l’Ecole Polytechnique de Montréal, Marc Lépine a tué 14 jeunes femmes, qui en tant que telles, n’avaient selon lui pas lieu de devenir ingénieur. Il est aujourd’hui célébré par une mouvance de masculinistes, militants du retour au patriarcat de papa.
VIDEO : Bande annonce
LA DOMINATION MASCULINE - BANDE-ANNONCE
envoyé par baryla. -http://www.lecourant.info/spip.php?article2531
La caméra nous accompagne dans un « Joué’Club » désert, pour une savoureuse visite d’un temple de la différenciation sexuelle. Un vendeur est là pour décrypter les goûts de nos chères têtes blondes. Saviez-vous que toutes petites, les filles préfèrent les odeurs de fraise, de fleurs, quand les garçons sont immédiatement attirés par les odeurs de poubelle ? Elles sont pas drôles, les filles. Dès l’enfance, les garçons présentent des facultés innées pour l’imagination, que les fabricants de jouets s’évertuent à cultiver, en leur proposant figurines d’aventuriers et monstres étranges. Les filles, tristement terre-à-terre, se contentent d’« imiter maman » à grand renfort de machines à laver et de fers à repasser en plastique dédaignés par ces jeunes hommes en herbe.
On y apprend également qu’en matière d’esthétique, pour les femmes, ce qui est petit, fluet, est valorisé quand certains hommes vont jusqu’à faire opérer leur sexe pour le rendre plus long, plus gros, plus viril, et enfin « pouvoir bomber le torse ». Un infographiste affirme qu’il diminue systématiquement les pieds et les mains des mannequins photographiés.
Le reportage s’attarde bien entendu sur les violences faites aux femmes, au sein du foyer. A plus de 60 ans, après 40 ans de mariage, on peut encore avoir besoin de frapper à la porte d’un centre d’accueil pour femmes battues.
Bref, rien qu’on ne savait déjà, non que cela soit un défaut. Mais le choix des pays n’est pas anodin - France, Québec et Belgique - que l’on imagine à la pointe de l’égalité des sexes et qui ont connu des avancées significatives en matière de droit des femmes.
Un groupe de féministes interviewés au Québec s’inquiète du retour de bâton que connaît le mouvement féministe, et du retour en force du masculinisme. Ils appellent (oui, il y a un homme parmi elles) à une troisième vague féministe.
Marie Masmonteil, la productrice d’Elzévir Films, s’amuse à dire, à la fin du film, qu’elle n’était pas féministe avant de l’avoir vu.
M.L.
La domination masculine, sorti le 25 novembre.
Revendicatif alors oui, peut-être pas très optimisme tous les jours même si je considère la prise de conscience, la protestation, la communication comme les pendants positifs de cet état de choses.
Non, nous ne sommes pas (toutes et tous) de pauvres victimes passives incapables de se défendre: nous luttons à notre manière. Lutter,c'est exister, c'est avancer, c'est faire changer les choses EN MIEUX.
Critique
"La Domination masculine" : enquête sur le patriarcat
LE MONDE | 24.11.09 | 16h35 • Mis à jour le 24.11.09 | 16h35
Les femmes à la cuisine et les hommes au pouvoir ? Cette enquête sur les rôles prédestinés, le culte du mâle dominant, s'ouvre sur l'opération d'un pathétique garçon qui se fait rallonger le pénis afin de se sentir "mieux dans [son] slip" et plus à même de clamer son identité. Suivent les témoignages d'adeptes du "speed-dating" qui avouent chercher un homme protecteur, possessif, mieux payé qu'elles, "stéréotype de l'ancien temps". Et l'interview d'un vendeur dans un magasin de jouets commentant la raison d'être des rayons garçons et filles : aux uns, les machines et tout ce qui implique un rôle de chef, aux autres, les poupées, balayettes, rêves de princesses et clonage des tâches ménagères dévolues aux mamans.
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Filippo Timi et Giovanna Mezzogiorno dans le film de Marco Bellocchio, "Vincere", sorti en salles mercredi 25 novembre 2009.
Aussi consternants que soient ces reportages, ils reflètent une réalité : une culture de la domination silencieuse des hommes, entretenue par les livres, les pubs, l'art de la représentation du phallus, l'intégrisme religieux, et rabaissant les femmes au statut de spectatrices. Insert accablant pour ses admirateurs(-trices) : un document montre Léo Ferré exhalant sa haine des femmes cultivées, clamant que les femmes ont "leur intelligence dans les ovaires".
A cette première partie qui enfonce un peu des portes ouvertes succèdent deux gros sujets, essentiellement tournés au Québec où se relancent un courant féministe et un contre-courant réactionnaire qu'elles appellent "backlash" ou "ressac" : l'un sur les violences conjugales, les femmes battues, l'autre sur le massacre de l'Ecole Polytechnique de Montréal où un élève tua quatorze de ses camarades, pour la seule raison qu'elles étaient femmes.
Patric Jean s'est infiltré sous un nom d'emprunt chez des "masculinistes", ces hommes qui considèrent le féminisme comme "un crime contre l'humanité". Il exhume des archives une interview du journaliste Eric Zemmour qui défend "l'homme comme prédateur".
Tout cela est à la fois passionnant et accablant, mais l'ensemble souffre d'une construction contestable et tient plus du docu télé.
Film documentaire franco-canadien de Patric Jean. (1 h 43.)
Jean-Luc Douin
Cinéma 25/11/2009 à 00h00
L’armée du phallus
Critique
Testostérone . Un docu fourre-tout sur le machisme ordinaire.
Par CÉCILE DAUMAS
(UGC Distribution)
La Domination masculine de Patric Jean 1 h 43.
On aurait voulu aimer ce documentaire. D’abord, pour son affiche accrocheuse centrée sur une paire de couilles tricotée de laine multicolore. Ensuite, pour son titre, la Domination masculine, fleurant bon le Bourdieu et sous-entendant une inversion théorique prometteuse sur un sujet ultralégitime mais essoré : le féminisme.
Caché. Le film débute, fidèle à ses impertinentes promesses : on croit assister à un accouchement avec un père en blouse verte d’hôpital, on est spectateur d’un allongement de la verge. «Un centimètre dans le pénis, c’est un centimètre de plus dans la tête», dit le chirurgien. De la domination masculine, le Belge Patric Jean en démontre son versant caché et silencieux, évidence qui passe pour naturelle et ne l’est pas. Dans un magasin de jouets, un vendeur explique, imperturbable, devant cafetières et machines à laver. «C’est fait pour les filles. Elles imitent leur maman.» Pour les garçons, des déguisements de héros, cow-boys et pompiers.
Autre moment savoureux : une séquence en noir et blanc où le jeune Pierre Tchernia fait l’article à un salon d’électroménager : «L’outil le plus parfait qui ravaude, lave, épluche les pommes de terre, soigne les enfants et sourit, c’est la femme. Alors n’hésitez pas, achetez une femme !»
Posture. Le réalisateur excelle dans le montage de ces séquences drôles et signifiantes. De même quand il évoque un fait divers sanglant survenu au Québec en 1989 : un tireur fou abat quatorze étudiantes de l’Ecole polytechnique de Montréal. Un crime qui, paradoxalement, a libéré la parole des antiféministes, remarque le cinéaste. Du Québec, Patric Jan a aussi tourné des séquences sur la violence conjugale et le travail de la police locale, au point d’en faire un film dans le film. Reprenant les théories de l’avocate Gisèle Halimi, il démontre le continuum entre banalité de la domination et violence entre conjoints.
Certes, le docu sort le 25 novembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Mais à évoquer beaucoup trop longuement ce thème dramatique - sujet en soi d’un film - le cinéaste perd le sel de son inversion théorique. Et relance le débat qui agite le féminisme depuis de nombreuses années. N’y a-t-il pas un danger, et même un effet contre-productif, à enfermer les femmes dans une posture d’éternelle victime ? La féministe Camille Paglia va ainsi jusqu’à conseiller à ses congénères d’apprendre à se défendre en étudiant le foot américain !
Alerte info
Quand le féminisme fait homme
il y a 9 heures 16 min
L'Express LEXPRESS.fr
Avec son documentaire sur les ravages du sexisme sorti mercredi dernier, le réalisateur belge Patric Jean s'attaque à la grande cause nationale de 2010: les femmes. Et les machos enragent... Lire la suite l'article
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Discussion: Condition féminine
Pour nous convaincre de la sincérité de son discours, Patric Jean n'aurait pas trouvé mieux. Réalisateur de La Domination masculine, remarquable état des lieux d'un machisme pernicieux ancré dans les moeurs qui mène tout droit à la violence sur les femmes, ce Belge vivant entre Bruxelles et Paris annule un premier rendez-vous pour... récupérer son bébé fiévreux à la crèche. La mère, également documentariste, est en déplacement. Patric Jean, féministe convaincu de 41 ans, est évidemment pour le partage des tâches familiales.
A voir l'implacable constat qu'il dresse dans son film, c'est à croire que la "parenthèse enchantée" des années 1970 n'a jamais existé et que la condition féminine a recouvré son statut d'avant-guerre. "Il serait idiot de dire que nous n'avons pas avancé depuis cinquante ans, corrige-t-il. Mais la réduction des inégalités entre hommes et femmes progresse tellement lentement... qu'on atteindra la parité dans deux cent cinquante ans!" Pour illustrer son propos, Patric Jean a baladé sa caméra des speed-datings parisiens –où les candidates reproduisent les clichés sexistes avec le sourire et le plus grand naturel – à l'école polytechnique de Montréal (Québec), théâtre de l'exécution sommaire de 14 étudiantes en ingénierie le 6 décembre 1989 par un antiféministe de 25 ans.Le réalisateur s'est immiscé sous un nom d'emprunt parmi des "masculinistes" canadiens, militants vindicatifs de mieux en mieux organisés depuis une dizaine d'années, dont il a recueilli des témoignages effrayants. "Ils sont évidemment furieux d'avoir été trompés", raconte-t-il, menacé de mort à demi-mot dans des blogs particulièrement virulents. "L'un dit que, si je viens présenter mon long-métrage au Canada, je risque de passer à côté de ma propre vie et de connaître mon Waterloo."
Convié dans les colloques des suffragettes
Le réalisateur est précisément né près de la cité belge, dans un milieu ouvrier. Son père, mort quand il avait 2 ans, interdit à sa mère de continuer une prometteuse carrière de chanteuse d'opéra. Elle enseignera le chant et élèvera seule son fils. D'où cette énergie farouche à défendre les femmes? "J'ai plutôt évolué grâce aux diverses compagnes avec lesquelles j'ai vécu", répond l'intéressé. Le réalisateur, désormais invité dans tous les colloques des suffragettes françaises, ne se leurre pas sur l'avenir. "Le masculinisme connaît en France une progression constante." Son documentaire n'est donc pas seulement un constat, mais aussi un signal d'alarme.
Patric Jean : "Je suis un pro-féministe radical"
Dans un documentaire intelligemment militant, le réalisateur belge s’interroge sur les racines de l’inégalité des sexes qui structure les sociétés occidentales.
Article de Pamela Messi
« Vous avez-dit égalité ? », interroge Patric Jean sur l’affiche de son nouveau film, La Domination masculine, un documentaire intelligemment militant. Education, politique, publicité, jeux de séduction… Le réalisateur belge explore tous les lieux d’exercice possibles de cette domination ancestrale, en s’arrêtant plus particulièrement sur le cas (éclairant) du Québec. Une preuve que le propos est juste ? Il a fait sortir de leurs gonds les hommes les plus misogynes – ceux pour qui « le féminisme est un crime contre l’humanité » – qui inondent la blogosphère de commentaires haineux. Face aux incitations à la violence et aux menaces dont il a fait l’objet, Patric Jean a même dû récemment renoncer à un voyage à Montréal. « Je veux que les spectateurs se disputent en sortant de la salle », annonçait-il – sur le ton de l’humour – dans le dossier de presse du film. C’est réussi. Rencontre avec un homme qui se définit comme un « pro-féministe radical ».
Ce titre, La Domination masculine, c’est un hommage à Bourdieu ?
Patric Jean : Rien à voir. « La domination masculine », c’est une expression très ancienne dans la littérature. Je voulais parler exactement de ce sujet là : pas des combats des femmes mais de ce qu'est la domination masculine aujourd’hui en Occident. Le titre m’a donc sauté aux yeux.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à ce sujet ?
J’ai choisi de travailler sur ce sujet pour des raisons politiques. De la même manière que je fais des films sur les pauvres parce qu’il y a des pauvres, j’ai eu envie de faire un film sur la domination masculine parce que nous vivons dans une société patriarcale où les femmes ne peuvent pas occuper la même place que les hommes. Or, si tout le monde est conscient de l’existence de la pauvreté dans le monde et donc de la nécessité de faire des films sur ce thème, la question du rapport entre hommes et femmes et de l’injustice de genre ne saute pas aux yeux. Dans l’idéal, ma démarche ne devrait donc surprendre personne.
Pourquoi avoir consacré une grande partie du film au Québec ?
Parce qu’en matière de relations hommes-femmes, c’est une société qui a vingt ans d’avance sur la Belgique et la France où se déroule le reste du film. Il y a eu des combats de femmes et des raisons politiques et historiques complexes qui ont fait que c’est une société déjà beaucoup plus égalitaire que la nôtre. L’égalité n’est pas parfaite, mais c’est déjà un grand pas en avant. Sur la question de la violence conjugale par exemple, le Québec a clairement vingt ans d’avance, au moins. Mais ça c’est le côté positif. Le revers de la médaille, c’est que cette avance entraîne ce qu’on appelle le « ressac » ou « backlash » : le système réagit et on observe un contre-mouvement émancipatoire de la part d’hommes qui ne veulent pas perdre leurs privilèges et qui s’organisent pour que les femmes progressent le moins vite possible, voire qu’elles régressent.
Est-ce le début d’une guerre des sexes ?
Pas d’une guerre des sexes mais d’une guerre politique. Côté féministe, vous avez évidemment une majorité de femmes mais aussi quelques hommes. Et du côté du backlash, vous avez une large majorité d’hommes, mais également une association de femmes qui militent pour que les femmes retournent à leurs casseroles et que les hommes gardent le pouvoir. La question est donc clairement politique : il s’agit de décider si on va continuer à progresser en essayant d’aller vers plus de justice et d’équité ou si l’on reste dans une société archaïque où les femmes font la popote pendant que les hommes partent à la chasse. Je caricature à peine…
Au cours du tournage, avez-vous eu des surprises ?
Ma grande surprise a été de voir à quel point les femmes victimes de violences conjugales racontent toutes exactement la même histoire. Et ce, dans tous les pays où j’en ai rencontrées. Comme si elles s’étaient téléphonées pour se donner le mot. Même les mots qu’elles emploient pour décrire leur ressenti sont souvent les mêmes. Ce phénomène de violences conjugales n’est pas une suite d’histoires personnelles particulières, c’est un phénomène social. La preuve : ça se reproduit toujours de la même manière et dans toutes les classes sociales. Ça commence toujours par une forme de violence psychologique, par la dévalorisation de l’autre, par l’insulte. Et puis les coups arrivent…
Vous parlez peu de religion alors qu’habituellement, le sujet est mis sur le tapis dès que l’on aborde la place de la femme dans la société. Pourquoi ?
Effectivement, quand on parle des femmes, la question de la religion revient sans cesse, parce qu’on parle de l’Islam et qu’on veut toujours nous expliquer que le musulman est un méchant macho qui bat sa femme. Ce faisant, on oublie que toutes les 55 heures, en France, un homme tue sa femme. Or, ils ne sont pas tous musulmans. Certains le sont peut-être, mais ils ne sont pas surreprésentés. Par ailleurs, toutes les classes sociales sont concernées : des médecins, des avocats... Il y a peu de temps, c’est un député qui a tué sa maîtresse. J’ai pensé à parler de religion, mais j’aurais dans ce cas parlé des trois religions et pas seulement de l’Islam, évidemment. Car la question de la femme dans la chrétienté et dans le judaïsme n’est pas abordée de façon plus brillante.
Comment votre mise en scène, très sobre, devait-elle servir votre propos ?
C’est mon style : j’aime travailler sur le silence. Sur ce film en particulier, je souhaitais fournir au spectateur une matière brute. Lui livrer des faits et voir ce qu’il en tire plutôt que lui tenir la main avec un commentaire.
Tout le film est ponctué de scènes où vous recouvrez un mur d’images de symboles phalliques. Que cherchiez-vous à montrer ?
C’est un côté un peu ridicule très masculin et qui me faisait plutôt rire : il semble que dans toutes les cultures, consciemment et inconsciemment, nous les hommes, nous ressentions ce besoin de réaffirmer notre pouvoir sur la société à travers des symboles et, notamment, le symbole phallique. Quand on regarde bien, il y en a absolument partout. Les plots anti-stationnement par exemple, correspondent exactement à la manière dont un enfant dessinerait un sexe en érection. J’ai beaucoup ri il y a quelques années à Bruxelles quand la ville a installé de nouveaux plots, dans une belle pierre de taille. Leur forme était rectangulaire – on ne pouvait donc pas y voir un symbole phallique – mais, à la base, ils avaient ajouté deux boules. J’aurais rêvé d’assister à la réunion chez le maire, d’écouter les gens discuter pour savoir si leur choix était conscient ou inconscient, s’ils avaient trouvé ça très drôle ou si personne ne s’était posé de question.
Vous avez participé à des débats à l’issue des projections en avant-premières de votre film. Les gens se sont-ils disputés autant que vous le souhaitiez ?
Quand j’ai dit que je voulais qu’on se dispute à la fin du film, c’était évidemment une boutade. Mais j’ai tout de même entendu des couples ou même des hommes ou des femmes entre eux, discuter ferme. Plusieurs femmes ont pris la parole dans la salle, très émues. Elles avaient l’impression que le film parlait d’elles. J’ai également reçu une tonne de messages d’insultes anonymes écrits par des hommes beaucoup moins courageux. Pour vous donner une idée, je vous conseille de lire les commentaires sur les blogs et sites internet qui parlent du film. C’est affolant… A la fin du documentaire, je filme des masculinistes. On me demande souvent combien ils sont : dix ? Douze ? Eh bien non, ils sont des millions car leur idéologie est toujours dominante. Tendez l’oreille au coin de la rue ou dans le métro et vous entendrez des hommes discourir et lancer des généralités sur « les nanas », « les gonzesses », « les bonnes femmes »… Toujours ce même vieux discours misogyne. La différence avec les masculinistes, c’est que ces derniers théorisent leurs propos et en font un combat politique. Mais quand on voit combien d’hommes bavent de colère à l’idée même qu’on puisse faire un film dénonçant la domination masculine, on voit combien les idées masculinistes sont présentes dans notre société.
Comment vous situez-vous par rapport au mouvement féministe ?
Je me considère comme un pro-féministe radical. Radical ne voulant pas dire extrémiste. On a souvent et volontairement entretenu la confusion. Il existe un féminisme radical et un certain nombre d’hommes ont voulu faire croire que c’était un féminisme extrémiste. Or, on n’a jamais tué au nom du féminisme. Le féminisme et le pro-féminisme radicaux le sont dans le sens du mot latin qui renvoie à la racine. Cela signifie que l’idée n’est pas de trouver des solutions qui, en surface, vont aplanir les choses, mais de prendre le mal à la racine. En se demandant notamment ce que l’on dira aux enfants, dans le cadre de leur éducation, sur ce que c’est qu’être un homme ou une femme. Autrement dit, je suis un pro-féministe radical parce que je m’interroge sur la racine de ce mal qui structure notre société.
Propos recueillis par Pamela Messi
La Domination masculine
mercredi 25 novembre 2009, par Marine Loyen
Cinoche - Le documentaire du réalisateur belge sortira sur les écrans en France mercredi dans 38 salles : une diffusion limitée, voulue par la production. Un film à voir d’urgence si vous pensez que le féminisme est une cause has-been.
Le réalisateur explore toutes les manifestations de la domination masculine, dans les moindres recoins du quotidien. Depuis le plus insignifiant, en apparence : la démarche. Timide et entravée dans des escarpins pour les femmes, elle est aisée et imposante pour les hommes. Jusqu’au plus grave : il y aura bientôt vingt qu’au Québec, à l’Ecole Polytechnique de Montréal, Marc Lépine a tué 14 jeunes femmes, qui en tant que telles, n’avaient selon lui pas lieu de devenir ingénieur. Il est aujourd’hui célébré par une mouvance de masculinistes, militants du retour au patriarcat de papa.
VIDEO : Bande annonce
LA DOMINATION MASCULINE - BANDE-ANNONCE
envoyé par baryla. -http://www.lecourant.info/spip.php?article2531
La caméra nous accompagne dans un « Joué’Club » désert, pour une savoureuse visite d’un temple de la différenciation sexuelle. Un vendeur est là pour décrypter les goûts de nos chères têtes blondes. Saviez-vous que toutes petites, les filles préfèrent les odeurs de fraise, de fleurs, quand les garçons sont immédiatement attirés par les odeurs de poubelle ? Elles sont pas drôles, les filles. Dès l’enfance, les garçons présentent des facultés innées pour l’imagination, que les fabricants de jouets s’évertuent à cultiver, en leur proposant figurines d’aventuriers et monstres étranges. Les filles, tristement terre-à-terre, se contentent d’« imiter maman » à grand renfort de machines à laver et de fers à repasser en plastique dédaignés par ces jeunes hommes en herbe.
On y apprend également qu’en matière d’esthétique, pour les femmes, ce qui est petit, fluet, est valorisé quand certains hommes vont jusqu’à faire opérer leur sexe pour le rendre plus long, plus gros, plus viril, et enfin « pouvoir bomber le torse ». Un infographiste affirme qu’il diminue systématiquement les pieds et les mains des mannequins photographiés.
Le reportage s’attarde bien entendu sur les violences faites aux femmes, au sein du foyer. A plus de 60 ans, après 40 ans de mariage, on peut encore avoir besoin de frapper à la porte d’un centre d’accueil pour femmes battues.
Bref, rien qu’on ne savait déjà, non que cela soit un défaut. Mais le choix des pays n’est pas anodin - France, Québec et Belgique - que l’on imagine à la pointe de l’égalité des sexes et qui ont connu des avancées significatives en matière de droit des femmes.
Un groupe de féministes interviewés au Québec s’inquiète du retour de bâton que connaît le mouvement féministe, et du retour en force du masculinisme. Ils appellent (oui, il y a un homme parmi elles) à une troisième vague féministe.
Marie Masmonteil, la productrice d’Elzévir Films, s’amuse à dire, à la fin du film, qu’elle n’était pas féministe avant de l’avoir vu.
M.L.
La domination masculine, sorti le 25 novembre.
samedi 21 novembre 2009
Des mots pour la vie
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/11/20/des-mots-pour-la-vie-par-yael-mellul-et-eliette-abecassis_1269774_3232.html#ens_id=1268111Point de vue
Des mots pour la vie, par Yael Mellul et Eliette Abecassis
LEMONDE.FR | 20.11.09 | 14h29
Un mot, un geste. Quel est le pouvoir d'un mot ? Un mot, est-ce un geste ? Quand on parle de la violence psychologique, on entend souvent que cette violence n'est que psychologique, qu'il ne s'agit que de mots. Comme si un crime passionnel n'était que passionnel, ou comme si le harcèlement moral n'était que moral et donc pas un délit. Pourtant, ces crimes et ce harcèlement sont reconnus, dénoncés, condamnés par la société et la justice, et il existe des lois qui protègent les victimes de ces crimes et délits. On dit souvent que ce ne sont pas les mots qui tuent, ce sont les personnes. Mais n'est-ce pas oublier la force des mots ? N'est-ce pas nier leur terrible pouvoir ? Lorsque, dans un ordre d'idée totalement différent, la violence psychologique s'exerce à l'intérieur du couple, ou dans la fin d'une histoire de couple, la justice reste à la porte. Ne faut-il pas offrir une réponse, une protection, et pour tout dire, une loi à toutes ces victimes de cette violence par les mots ? Les lois de la République ont mis des années à reconnaître les crimes au sein du couple, le viol, la brutalité, la violence. Or, et c'est là le combat qu'il convient de mener aujourd'hui, sans une préparation psychique destinée à la soumettre, aucun individu n'accepterait la violence physique. Et c'est cette préparation psychique, cette pression psychologique, cette violence des mots créant une situation de domination, annihilant la personnalité de l'Autre, qui conduisent, de manière irréversible, à la destruction d'un être, puis à la violence des coups.
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"Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde", disait Camus. Méconnaître le poids des violences à caractère psychologique dans les violences vécues dans le couple, c'est tomber dans le piège que tendent les auteurs de ces crimes. Face à la justice, leur réponse est toujours la même : "Je n'ai jamais porté la main sur elle." Certes, on ne meurt pas des violences psychologiques, du moins, pas physiquement, mais les dégâts sont là, bien réels, la souffrance existe et si elle n'est pas reconnue, elle ne peut pas être prise en charge ni soignée. Et ce, alors même que les séquelles traumatologiques dont souffrent ces femmes sont considérables : s'opère une véritable rupture identitaire. Par des micro-violences, mensonges, sarcasmes, mépris, humiliation, dénigrement, isolement, état de dépendance financière, harcèlement, menaces (…), la victime est progressivement privée de tout libre-arbitre et de tout regard critique sur la situation. Ce processus d'emprise entraîne chez la victime une saturation de ses capacités critiques et une abolition totale de sa capacité de jugement, qui la conduisent à accepter l'inacceptable, à tolérer l'intolérable. Et enfin, la violence augmente progressivement et la résistance de la femme diminue jusqu'à devenir simplement une lutte pour la survie constatée … Et de la soumission par les mots, l'auteur des violences va passer à une soumission par les coups. Et ce processus sera irréversible …
Hélas, ce sont majoritairement les femmes qui sont les victimes de ces violences, de la brutalité psychologique de leurs compagnons. Aujourd'hui, ces femmes étouffent leurs cris car elles ne peuvent jamais être écoutées. C'est en faisant ce constat qu'il est important de faire reconnaître par le législateur cette réalité et se battre pour la création d'un délit spécifique de violences conjugales à caractère psychologique. Comme le harcèlement moral a fini par être reconnu et condamné dans le monde du travail, la violence psychologique doit entrer dans notre arsenal juridique.
La définition des violences psychologiques que nous proposons d'insérer dans le Code Pénal est la suivante :
"Les violences à caractère psychologique sont constituées lorsqu'une personne adopte de manière répétée à l'égard d'une autre, une série d'actes, d'attitudes et de propos, qui entraîne la privation de son libre-arbitre, et l'altération de son jugement. Les violences à caractère psychologique sont caractérisées par la répétition, les menaces directes ou indirectes sur la famille, l'environnement professionnel et social, les pressions financières, le harcèlement, le chantage, l'insulte, l'injure, le dénigrement privé ou public, l'isolement social."
Un délit spécifique de violence conjugale à caractère psychologique sera alors créé. Et la condamnation devra être aussi sévère que celle prévue pour la violence physique, les mots étant aussi destructeurs que les coups. Ne condamner que la violence physique revient à nier purement et simplement à la violence des mots son pouvoir destructeur.
Les chiffres sont là : aujourd'hui, on estime qu'une femme meurt tous les 2 jours ½ sous les coups de son compagnon, en France, et que la violence conjugale est la principale cause de mortalité chez la femme en Europe, qu'il s'agisse de suicides, d'homicides ou de décès dus à des pathologies en lien avec les violences. On sait qu'une femme est plus en danger chez elle qu'à l'extérieur, la délinquance intrafamiliale étant la plus élevée. Or seules 10 % des femmes victimes de violences portent plainte. Et si elles ne portent pas plainte, c'est qu'elles ne se sentent pas protégées par la loi, qui ignore la violence psychologique. Pour certaines, elles s'ignorent en tant que victimes. Leur éducation, leur attachement à la religion, et par là même la représentation des rôles au sein du couple, et plus globalement l'image sociale des femmes, ne permettent pas à certaines victimes d'avoir une conscience pleine et entière des violences.
C'est la raison pour laquelle il nous paraît fondamental de nommer la violence psychologique, de la définir, afin d'aider les victimes à prendre conscience de leurs souffrances. Il est impossible d'admettre qu'il soit plus dangereux pour une femme d'être chez elle que dans les rues.
Le ministère chargé de ce dossier a certes eu raison de proposer une campagne de spots télévisés, mais cela ne suffit pas. C'est comme si, pour lutter contre la violence routière, on n'avait pas légiféré mais bien plutôt distribué des tracts appelant chacun au respect d'autrui. Le ministère a également eu raison de proposer les bracelets électroniques pour les condamnés, des aides financières pour les victimes, un téléphone équipé d'un bouton permettant d'alerter la police immédiatement. Mais force est de constater que ces mesures, certes indispensables, interviennent une fois l'agression physique survenue. Or elles ne permettent pas de combattre le fléau de la violence conjugale. Le combattre, c'est intervenir en amont dans le cycle de la violence : c'est condamner la violence psychologique, préliminaire indispensable sans lequel la violence physique ne peut s'installer.
Pour aller plus loin, il faut désormais interpeller nos élus afin qu'au moins la question des violences psychologiques soit examinée dans le cadre de l'Assemblée nationale, et ce, dans les plus brefs délais.
Si nous offrons comme seule réponse à toutes ces femmes victimes de violences par les mots le silence, ne nous rendons-nous pas coupables de non-assistance à femmes en danger ? Si nous n'agissons pas, la situation n'évoluera pas, et les visages de ces victimes démoralisées, déstabilisées, détruites continueront de hanter les rues, sans trouver un endroit où elles puissent être bien, une chambre à soi.
Que faut-il pour sauver ces femmes, mortes intérieurement par les mots, pour les libérer de cette prison intérieure ? Des mots … des mots qui nommeront leurs souffrances dans le cadre d'un article du code pénal, des mots qui leur permettront de prendre conscience de ce qu'elles peuvent tolérer ou non, des mots qui aideront les femmes à repérer cette violence et à la refuser dès le début d'une relation.
Les mots, après les avoir blessées, meurtries, détruites, vont les aider à exister à nouveau.
Des mots, la vie ….
Yael Mellul est avocate au barreau de Paris, et Eliette Abecassis est romancière.
jeudi 19 novembre 2009
Il y a 48 000 viols de femmes par an en France ! par Suzy Rojtman et Maya Surduts
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/11/19/il-y-a-48-000-viols-de-femmes-par-an-en-france-par-suzy-rojtman-et-maya-surduts_1269580_3232.html
Point de vue
Il y a 48 000 viols de femmes par an en France ! par Suzy Rojtman et Maya Surduts
LEMONDE.FR | 19.11.09 | 19h17 • Mis à jour le 19.11.09 | 19h23
Le 25 novembre est de retour : journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. La lutte contre les violences faites aux femmes a déjà une longue histoire en France. Elle a débuté en 1972 par deux journées de dénonciation des crimes contre les femmes à la Mutualité à Paris. Et elle ne s'est pas arrêtée depuis. Le 23 décembre 1980, après des années de manifestations, de procès exemplaires, d'actions de soutien aux victimes, une nouvelle loi sur le viol est votée qui permet, grâce à une définition de cette infraction, qu'il soit enfin considéré comme un crime.
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La législation a été depuis considérablement étoffée grâce aux luttes des féministes.
Ces lois étaient indispensables pour marquer l'interdit de ce type de violences, tolérées et même excusées durant de nombreuses années. De nouveaux délits ou circonstances aggravantes, prenant en compte la réalité des violences, ont du être créés : harcèlement sexuel, violences conjugales.
Mais la mise en œuvre de ce corpus législatif se heurte à la réalité des faits : il est très mal appliqué. En effet, alors qu'il y a d'un côté un consensus général proclamé pour condamner ces violences, de l'autre, la tolérance sociale est encore importante : des publicités incitent quasi ouvertement à commettre des violences et leurs promoteurs se retranchent derrière la liberté d'expression ou l'humour ; un chanteur égrene des paroles d'une rare cruauté au nom de la liberté artistique, un cinéaste est rattrapé par une affaire de viol mais il doit être excusé du fait de sa notoriété et de son talent. Ce genre d'arguments ne serait, et on ne peut que s'en féliciter, jamais invoqué dans des affaires de racisme ou d'antisémitisme. Deux poids, deux mesures. Bien plus près de chacun de nous, qui n'a pas, même en 2009, été confronté à une minimisation des faits de violences à l'encontre des femmes : "Elle a été violée, oui mais ça fait quatre mois, ça devrait passer maintenant", "Il a bousculé sa femme mais c'est un homme si charmant. On entend parfois crier mais c'est la vie".
Et tout cela influe, cela va de soi, sur les décisions des magistrats. En outre, rien dans la loi n'a été prévu pour organiser systématiquement la prévention en amont. Celle-ci est laissée au bon vouloir des collectivités locales par exemple ou des chefs d'établissement scolaires. De ce fait, uniquement la répression est mise en avant. L'empilement des lois répressives (quatre lois sur la récidive, la rétention de sûreté et maintenant la castration chimique) ne permettra jamais de combattre les violences faites aux femmes. Un effort considérable et premier doit être porté sur la prévention, l'éducation et la solidarité nationale.
Ces violences ne sont pas un phénomène marginal. Il y a en France, selon l'enquête nationale contre les violences faites aux femmes en France, réalisée en 2000, 48 000 viols par an perpétrés sur des femmes majeures. Et seuls environ 5 % d'entre eux feraient l'objet d'une plainte. N'y a-t-il pas de quoi s'interroger ?
Mais y a-t-il une véritable volonté politique de mener cette lutte ? Citons un exemple pour étayer cette interrogation. Le fait que les ex-conjoints puissent être incriminés pour des circonstances aggravantes de violences conjugales est une revendication ancienne des féministes. En effet, la période de séparation est une période extrêmement sensible dans le cadre des violences conjugales. Des femmes sont tuées à ce moment-là… Il a fallu cependant attendre la loi du 4 avril 2006 pour la voir satisfaite ! De même, alors que le harcèlement moral au travail est considéré comme une infraction depuis 2002, on est toujours dans l'incapacité de définir les violences psychologiques au sein du couple !
Certes, des plans globaux triennaux de lutte contre les violences faites aux femmes existent (2005-2007, 2008-2010). Mais que dire, quand pour faire face au manque criant de structures d'hébergement pour les femmes victimes de violences conjugales, on préconise leur hébergement dans des familles d'accueil, comme si elles étaient mineures ?
L'Espagne ou la Suède font montre, elles, d'une véritable volonté politique de combattre ces violences. L'Espagne s'est dotée en 2004 d'une "loi organique contre la violence de genre". Celle-ci vise à prendre en compte, de façon cohérente et globale, tous les aspects des violences, qu'ils soient éducatifs, préventifs, relatifs à la publicité, à la santé, sociaux, aux aspects judiciaires et financiers, à la formation des professionnels, à la protection des victimes, au logement, à l'accueil des femmes menacées dans leur pays, etc. Cette loi représente un véritable saut qualitatif dans l'appréhension du phénomène. Et dans son exposé des motifs, il est même fait mention de l'oppression des femmes.
Il paraît qu'en France nous n'avons pas besoin d'une telle loi. Et pourtant, le Collectif national pour les droits des femmes a rédigé une proposition de loi-cadre contre les violences faites aux femmes qui a été déposée en décembre 2007 sur le bureau de l'Assemblée nationale par le groupe de la gauche démocratique et républicaine et au Sénat par le groupe communiste, républicain et citoyen. A la suite d'une pétition qui a recueilli près de 16 000 signatures demandant son inscription à l'ordre du jour, le président de l'Assemblée a réuni une mission de la conférence des présidents d'évaluation de la politique de prévention et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Celle-ci a travaillé durant six mois et a rendu son rapport en juillet dernier. Une proposition de loi serait à l'étude. Nous espérons qu'elle sera la plus proche possible de la proposition de loi-cadre du CNDF.
En fait, toutes ces difficultés montrent bien qu'avec ses 27 % de différence de salaires, avec son 57e rang mondial du nombre de femmes députées, avec sa remise en cause de façon incessante du droit à l'avortement, avec son incapacité totale à reconnaître dans ses textes fondateurs l'oppression des femmes alors que nombre de textes internationaux le font, la France est un pays misogyne qui n'en veut rien savoir. Il ne veut surtout pas savoir que les violences permettent d'exercer un contrôle social sur les femmes. Il est le pays des Lumières et cela le dispense de tout. Il est le pays des droits de l'homme mais certainement pas des droits des femmes.
Suzy Rojtman, Maya Surduts, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes
Point de vue
Il y a 48 000 viols de femmes par an en France ! par Suzy Rojtman et Maya Surduts
LEMONDE.FR | 19.11.09 | 19h17 • Mis à jour le 19.11.09 | 19h23
Le 25 novembre est de retour : journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. La lutte contre les violences faites aux femmes a déjà une longue histoire en France. Elle a débuté en 1972 par deux journées de dénonciation des crimes contre les femmes à la Mutualité à Paris. Et elle ne s'est pas arrêtée depuis. Le 23 décembre 1980, après des années de manifestations, de procès exemplaires, d'actions de soutien aux victimes, une nouvelle loi sur le viol est votée qui permet, grâce à une définition de cette infraction, qu'il soit enfin considéré comme un crime.
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La législation a été depuis considérablement étoffée grâce aux luttes des féministes.
Ces lois étaient indispensables pour marquer l'interdit de ce type de violences, tolérées et même excusées durant de nombreuses années. De nouveaux délits ou circonstances aggravantes, prenant en compte la réalité des violences, ont du être créés : harcèlement sexuel, violences conjugales.
Mais la mise en œuvre de ce corpus législatif se heurte à la réalité des faits : il est très mal appliqué. En effet, alors qu'il y a d'un côté un consensus général proclamé pour condamner ces violences, de l'autre, la tolérance sociale est encore importante : des publicités incitent quasi ouvertement à commettre des violences et leurs promoteurs se retranchent derrière la liberté d'expression ou l'humour ; un chanteur égrene des paroles d'une rare cruauté au nom de la liberté artistique, un cinéaste est rattrapé par une affaire de viol mais il doit être excusé du fait de sa notoriété et de son talent. Ce genre d'arguments ne serait, et on ne peut que s'en féliciter, jamais invoqué dans des affaires de racisme ou d'antisémitisme. Deux poids, deux mesures. Bien plus près de chacun de nous, qui n'a pas, même en 2009, été confronté à une minimisation des faits de violences à l'encontre des femmes : "Elle a été violée, oui mais ça fait quatre mois, ça devrait passer maintenant", "Il a bousculé sa femme mais c'est un homme si charmant. On entend parfois crier mais c'est la vie".
Et tout cela influe, cela va de soi, sur les décisions des magistrats. En outre, rien dans la loi n'a été prévu pour organiser systématiquement la prévention en amont. Celle-ci est laissée au bon vouloir des collectivités locales par exemple ou des chefs d'établissement scolaires. De ce fait, uniquement la répression est mise en avant. L'empilement des lois répressives (quatre lois sur la récidive, la rétention de sûreté et maintenant la castration chimique) ne permettra jamais de combattre les violences faites aux femmes. Un effort considérable et premier doit être porté sur la prévention, l'éducation et la solidarité nationale.
Ces violences ne sont pas un phénomène marginal. Il y a en France, selon l'enquête nationale contre les violences faites aux femmes en France, réalisée en 2000, 48 000 viols par an perpétrés sur des femmes majeures. Et seuls environ 5 % d'entre eux feraient l'objet d'une plainte. N'y a-t-il pas de quoi s'interroger ?
Mais y a-t-il une véritable volonté politique de mener cette lutte ? Citons un exemple pour étayer cette interrogation. Le fait que les ex-conjoints puissent être incriminés pour des circonstances aggravantes de violences conjugales est une revendication ancienne des féministes. En effet, la période de séparation est une période extrêmement sensible dans le cadre des violences conjugales. Des femmes sont tuées à ce moment-là… Il a fallu cependant attendre la loi du 4 avril 2006 pour la voir satisfaite ! De même, alors que le harcèlement moral au travail est considéré comme une infraction depuis 2002, on est toujours dans l'incapacité de définir les violences psychologiques au sein du couple !
Certes, des plans globaux triennaux de lutte contre les violences faites aux femmes existent (2005-2007, 2008-2010). Mais que dire, quand pour faire face au manque criant de structures d'hébergement pour les femmes victimes de violences conjugales, on préconise leur hébergement dans des familles d'accueil, comme si elles étaient mineures ?
L'Espagne ou la Suède font montre, elles, d'une véritable volonté politique de combattre ces violences. L'Espagne s'est dotée en 2004 d'une "loi organique contre la violence de genre". Celle-ci vise à prendre en compte, de façon cohérente et globale, tous les aspects des violences, qu'ils soient éducatifs, préventifs, relatifs à la publicité, à la santé, sociaux, aux aspects judiciaires et financiers, à la formation des professionnels, à la protection des victimes, au logement, à l'accueil des femmes menacées dans leur pays, etc. Cette loi représente un véritable saut qualitatif dans l'appréhension du phénomène. Et dans son exposé des motifs, il est même fait mention de l'oppression des femmes.
Il paraît qu'en France nous n'avons pas besoin d'une telle loi. Et pourtant, le Collectif national pour les droits des femmes a rédigé une proposition de loi-cadre contre les violences faites aux femmes qui a été déposée en décembre 2007 sur le bureau de l'Assemblée nationale par le groupe de la gauche démocratique et républicaine et au Sénat par le groupe communiste, républicain et citoyen. A la suite d'une pétition qui a recueilli près de 16 000 signatures demandant son inscription à l'ordre du jour, le président de l'Assemblée a réuni une mission de la conférence des présidents d'évaluation de la politique de prévention et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Celle-ci a travaillé durant six mois et a rendu son rapport en juillet dernier. Une proposition de loi serait à l'étude. Nous espérons qu'elle sera la plus proche possible de la proposition de loi-cadre du CNDF.
En fait, toutes ces difficultés montrent bien qu'avec ses 27 % de différence de salaires, avec son 57e rang mondial du nombre de femmes députées, avec sa remise en cause de façon incessante du droit à l'avortement, avec son incapacité totale à reconnaître dans ses textes fondateurs l'oppression des femmes alors que nombre de textes internationaux le font, la France est un pays misogyne qui n'en veut rien savoir. Il ne veut surtout pas savoir que les violences permettent d'exercer un contrôle social sur les femmes. Il est le pays des Lumières et cela le dispense de tout. Il est le pays des droits de l'homme mais certainement pas des droits des femmes.
Suzy Rojtman, Maya Surduts, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes
Adèle Haenel, comédienne «déchaînée» qui refuse de dépendre du goût des autres
http://www.lesquotidiennes.com/f%C3%A9minisme/ad%C3%A8le-haenel-com%C3%A9dienne-%C2%ABd%C3%A9cha%C3%AEn%C3%A9e%C2%BB-qui-refuse-de-d%C3%A9pendre-du-go%C3%BBt-des-autres.html
La naissance des pieuvres qui avait lieu à la piscine de Cergy que je connais très bien -Cergy et la piscine !- m'avait plu... L'actrice aussi ... et je vois qu'elle est très intéressante cette jeune femme ... Elle promet !!
Adèle Haenel, comédienne «déchaînée» qui refuse de dépendre du goût des autres
TELEVISION | 14:33 Elle a 20 ans, et déjà trois films derrière elle. Mais c’est aux études qu’elle préfère se consacrer. Adèle Haenel est l’héroïne de «Déchaînées», le téléfilm de Raymond Vouillamoz qui sera diffusé le 25 novembre sur la TSR. Portrait en deux épisodes de cette comédienne atypique qui a reçu le prix d’interprétation féminine au dernier Festival Tous Ecrans, à Genève.
MARIE-CLAUDE MARTIN | 19-11-2009 | 14:33
Episode 1: Décembre 2008, Genève
La première fois que j’ai rencontré Adèle Haenel, c’était entre deux scènes de «Déchaînées», de Raymond Vouillamoz. Dans ce téléfilm qui raconte 40 ans de l’histoire des femmes, à travers les archives de la TSR et trois générations d’actrices, elle tenait le rôle de Lucie, stagiaire en droit confrontée au choix d’avorter ou pas.
Elle avait 19 ans et demi, comme le disent les enfants, et deux films derrière elles: «Les Diables», tourné à 12 ans, et «La Naissance des pieuvres» (2007) qui lui a valu une nomination aux Césars dans la catégorie Espoir.
Voici, en vrac, ce que j’avais noté dans mon cahier lors de cette première rencontre, jamais retranscrite.
«Très réfléchie pour son âge.»
«Une gueule de star et une volonté d’athlète»
«Répugne aux stratégies de séduction. Peur de son propre charme?»
«Vocabulaire très choisi »
«Voracité du regard. Scrute tout avec précision.»
«A quelque chose de Jodie Foster au même âge. L’intelligence? Un côté surdoué?»
«Mère féministe, père traducteur. Deux frères et une soeur.»
Comme le téléfilm rappelle ce que fut le combat des femmes, je me souviens lui avoir posé la question: «Le féminisme, toujours d’actualité?» Sa réponse fut sans appel. «Bien sûr!»
Et Adèle Haenel de citer le livre de Virginie Despentes, «King Kong Theorie», qu’elle venait de terminer et qui l’avait enthousiasmée. «C’est un féminisme déniaisé, de combat, audacieux, qui refuse d’assimiler les femmes à des victimes. C’est un livre qui dit «je» et qui s’assume, y compris dans la violence. J’adore ce bouquin parce qu’il me fait réfléchir à tout, même à ce que je croyais être des évidences.»
«Une fille qui aime «King Kong Theorie», c’est forcément quelqu’un de bien» m’étais-je dit en la quittant.
Episode 2 : Genève, novembre 2009. Le téléfilm de Raymond Vouillamoz a été présenté en ouverture du 15e Festival Tous Ecrans et a reçu le prix Swissperform 2009 qui récompense le meilleur film de télévision. La promo commence.
Adèle est assisse au deuxième étage du restaurant le Grütli. Elle porte un jeans, une chemise sous son chandail col en V. Elle a perdu un peu de cette rondeur au menton qui dit l’adolescence plus sûrement que n’importe quel passeport. Elle me paraît légèrement moins grande que dans mon souvenir, 175 cm tout de même. Elle vient de finir de lire le portrait consacré à Irène Jacob, sa partenaire et maman dans le film, paru dans «La Tribune de Genève.»
Le film de Raymond Vouillamoz, coproduit par Rita Film, a été présenté la veille au public. Qu’en pense-t-elle? «Je suis contente du résultat. Cette enquête dans le passé a un côté ludique, didactique mais sans alourdir le propos. On comprend les combats qu’il a fallu mener pour arriver à ce que l’on juge normal aujourd’hui, mais qui peut à tout moment être remis en question.»
Surtout ne rien figer
Elle se souvient de la ferveur avec laquelle elle avait parlé de "King Kong Theorie" de Virginie Despentes et, comme si elle se méfiait de son propre enthousiasme, tient à préciser: «J’ai lu tout Despentes et c’est vraiment très bien. Mais suis passé à autre chose. Le féminisme, ça se vit et je n’ai pas envie de le vivre avec les mots des autres. Je me méfie de toute forme de dogmatisme. Je veux rester dans la vie, ne rien figer. Il faut être dans le mouvement, c’est la seule chose qui compte.»
Sa peur d’être sous influence était déjà perceptible lors du tournage. Pour s’affranchir du goût des autres, ne pas dépendre de leur jugement, Adèle croit au travail, à la lecture et aux études. Après la sociologie et un master d’économie, elle vient de commencer la biologie. Elle a une passion pour les fonds abyssaux. «C’est comme un monde parallèle mais sur la même planète. Et je suis complètement attendrie par ces poissons archaïques qui n’ont quasiment aucune chance de survie.»
Le plaisir de réfléchir
Alors que tant de filles rêvent de gloire et de reconnaissance, Adèle n’exprime qu’une seule ambition: devenir libre grâce au savoir. «C’est important de pouvoir réfléchir toute seule, c’est aussi un immense plaisir. On peut le faire n’importe où, avec n’importe quel sujet et c’est gratuit.»
Et le cinéma dans tout ça? Elle y est arrivée par hasard, alors qu’elle accompagnait son frère repéré dans la rue pour le casting des «Diables». Lui n’a pas eu le rôle du petit garçon, mais elle a eu celui de la fillette autiste. Elle avait 11 ans, et pour tout bagage une immense passion pour le théâtre qu’elle pratiquait chaque mercredi dans une maison de quartier à Montreuil. «J’aimais surtout observer les autres. J’ai toujours appris en regardant.»
Même si «Les Diables» lui vaut une certaine reconnaissance, elle ne garde pas un souvenir glorieux du tournage. Elle dit même avoir été dégoûtée par le milieu du cinéma. «Trop de gens dans ce métier se prennent pour des gourous.» Elle ne veut pas en dire d’avantage. On comprend à mi-mots que sa beauté et sa jeunesse avaient fait d’elle une proie.
Natation synchronisée
Elle est beaucoup plus fière de «La Naissance des pieuvres», premier film vibrant sur la naissance de la féminité de Céline Sciamma. Pour jouer Floriane, belle fille du quartier faussement impudique, Adèle a dû se mettre à la nage synchronisée: 4 heures d’entraînement par jour.
Cela en valait la peine. En 2007, elle est nominée aux Césars du meilleur Espoir pour son rôle d'athlète aguicheuse et fragile tandis que le film est vendu un peu partout dans le monde, Thaïlande, Maroc, Japon. A chaque fois, Adèle est du voyage. «Mais je n’aime pas tellement cet exercice de promotion qui nous mène d’hôtels en hôtels. On part très loin pour rencontrer des gens pareils. On dépucèle des pays, et on a rien vu.»
Se méfie des beaux parleurs
«Dépuceler un pays», l’expression est jolie. Adèle croit à la puissance des mots, à leur capacité à donner du sens à l’action. Elle aime particulièrement l’allemand, sa deuxième langue, apprise enfant avec son père autrichien. «C’est une langue précise, philosophique. On la croit revêche, dure, elle est très douce. Il y a des chants magnifiques. D’ailleurs, j’aimerais bien doubler «Déchaînées» en allemand.»
Si elle croit à la puissance des mots, elle n’aime pas en revanche ceux qui prennent l’ascendance par leur talent oratoire. Le matin même, à la radio, elle en a fait l’expérience avec maître Marc Bonnant. L’émission portait sur le clivage des générations. «Je n’ai pas aimé son ton condescendant. Il est brillant mais n’écoute pas.
Je suis frappée de la manière dont la société a mis la jeunesse sur un piédestal avant de l’en chasser parce qu’elle ne correspond pas aux idéaux projetés sur elle. On attend trop de nous.» Et pour Adèle, il ne faut rien attendre de personne, sauf de soi.
Joueuse d'échecs
Une leçon apprise avec sa mère, féministe, élue municipale et professeure. «Je l’admire parce qu’elle a décidé sa vie, n’a renoncé à rien pour la vivre. Son individualisme a parfois été douloureux, pour nous, les enfants, mais elle a fait ce qu’elle a voulu, et c’est un bel exemple.»
Il arrive souvent que la mère et la fille se mesurent aux échecs, «un jeu de décision où il faut assumer tous ses coups.» Et qui gagne? «Disons que sur un échiquier, ma mère est plus prudente que dans la vie. J’ai donc de plus en plus souvent l’avantage» dit-elle avec un sourire radieux.
samedi 14 novembre 2009
Delphy m'arrache encore des larmes ...
Lu ici (http://www.entrailles.fr/index.php?post/Victimisation)
L'accès des questions féministes au rang de questions académiques apparaît souvent comme un progrès pour la lutte féministe elle-même ; non seulement parce que l'université leur donne ainsi un gage de « sérieux » ; mais aussi parce que le cadre universitaire assure, mieux, exige une dépassionalisation des problèmes ; et qu'en retour cette dépassionalisation semble garantir une approche plus rigoureuse parce-que plus sereine. Ceci est un piège du Diable, c'est à dire de l'idéologie dominante qui a crée un mythe de la Science. Mais si nous y succombons aussi facilement, c'est que cette dépassionalisation nous intéresse aussi plus directement, affectivement. Avant même d'y chercher les intérêts de la Science, nous y trouvons une protection contre notre propre colère. Car il n'est pas facile, contrairement à ce que l'on croit, d'être et surtout de rester en colère. C'est un état douloureux ; car rester en colère, c'est nous souvenir sans cesse de ce que nous voulons, de ce que nous devons oublier au moins par moment pour pouvoir survivre : que nous sommes, nous aussi des humiliées et des offensées.
Mais pour nous, intellectuelles, l'oublier, ne fût-ce qu'un instant, c'est abandonner le fil qui nous relie à notre classe de femmes, le garde-fou qui nous empêche de basculer du côté de l'institution, du côté de nos oppresseurs. Nous avons tendance à voir la colère comme un moment dépassable en sus d'être un sentiment désagréable ; comme quelque chose de temporaire, qui cesse à un moment d'être utile ; et même comme quelque chose d'encombrant, que nous devons laisser à la porte de l'université pour pouvoir travailler en paix.
Or, notre seule arme contre la trahison potentielle inscrite dans notre statut d'intellectuelles, c'est précisément notre colère. Car seule garantie que nous ne serons pas, en tant qu'intellectuelles, traîtres à notre classe, c'est la conscience d'être, nous aussi des femmes, d'être celles-là mêmes dont nous analysons l'oppression. La seule base de cette conscience c'est notre révolte. Et la seule assise de notre révolte, c'est notre colère.
Christine Delphy.
Extrait de "Le patriarcat, le féminisme et leurs intellectuelles", in Nouvelles Questions Féministes, n°2, octobre 1981, repris dans "L'ennemi principal", Tome II, Penser le genre, Ed. Syllepse, février 2001.
L'accès des questions féministes au rang de questions académiques apparaît souvent comme un progrès pour la lutte féministe elle-même ; non seulement parce que l'université leur donne ainsi un gage de « sérieux » ; mais aussi parce que le cadre universitaire assure, mieux, exige une dépassionalisation des problèmes ; et qu'en retour cette dépassionalisation semble garantir une approche plus rigoureuse parce-que plus sereine. Ceci est un piège du Diable, c'est à dire de l'idéologie dominante qui a crée un mythe de la Science. Mais si nous y succombons aussi facilement, c'est que cette dépassionalisation nous intéresse aussi plus directement, affectivement. Avant même d'y chercher les intérêts de la Science, nous y trouvons une protection contre notre propre colère. Car il n'est pas facile, contrairement à ce que l'on croit, d'être et surtout de rester en colère. C'est un état douloureux ; car rester en colère, c'est nous souvenir sans cesse de ce que nous voulons, de ce que nous devons oublier au moins par moment pour pouvoir survivre : que nous sommes, nous aussi des humiliées et des offensées.
Mais pour nous, intellectuelles, l'oublier, ne fût-ce qu'un instant, c'est abandonner le fil qui nous relie à notre classe de femmes, le garde-fou qui nous empêche de basculer du côté de l'institution, du côté de nos oppresseurs. Nous avons tendance à voir la colère comme un moment dépassable en sus d'être un sentiment désagréable ; comme quelque chose de temporaire, qui cesse à un moment d'être utile ; et même comme quelque chose d'encombrant, que nous devons laisser à la porte de l'université pour pouvoir travailler en paix.
Or, notre seule arme contre la trahison potentielle inscrite dans notre statut d'intellectuelles, c'est précisément notre colère. Car seule garantie que nous ne serons pas, en tant qu'intellectuelles, traîtres à notre classe, c'est la conscience d'être, nous aussi des femmes, d'être celles-là mêmes dont nous analysons l'oppression. La seule base de cette conscience c'est notre révolte. Et la seule assise de notre révolte, c'est notre colère.
Christine Delphy.
Extrait de "Le patriarcat, le féminisme et leurs intellectuelles", in Nouvelles Questions Féministes, n°2, octobre 1981, repris dans "L'ennemi principal", Tome II, Penser le genre, Ed. Syllepse, février 2001.
Victimisation
Victimisation
24 octobre 2009 par valerie | Classé dans Crêpage de chignon.
http://www.crepegeorgette.com/2009/10/24/victimisation/#more-3559
Après Olympe et Melle S , je voudrais moi aussi aborder le concept de victimisation.
Soulignons d’abord une chose ; ce concept a été d’abord développé par les adversaires du féminisme et certaines personnes avides de pub, sur la base des chiffres assénés par les féministes. On résumera leur position par “arrêtez de nous faire chier avec vos souffrances, y’en a qui s’en sortent très bien regardez Liliane Bettencourt”.
L’idée n’est pas nouvelle et les militants anti-racistes, luttant contre l’homophobie, la transphobie y ont droit aussi quotidiennement.
penseurCela n’est donc pas un révisionnisme typiquement lié au féminisme ; c’est une tendance générale que de voir le dominé en position de dominant et de nier ses souffrances au prétextes qu’elles sont pénibles à lire et culpabilisantes.
Mais ce n’est pas parce qu’un concept est mal développé et nie la réalité qu’il est forcément faux.
Prenons plusieurs exemples :
- le salaire des femmes inférieur de 20 % à celui des hommes à salaire et diplôme égal.
- la prise de parole dans l’espace public
- les tâches ménagères.
Il a été montré que, si un recruteur a tendance à proposer à une femme un salaire inférieur à celui qu’il proposerait à un homme, une femme va moins négocier, demander, exiger. Sans jamais nier qu’elle est victime d’une discrimination au départ, cette discrimination s’accentue par la mauvaise image que les femmes ont souvent d’elles mêmes, leurs hésitations, leur manque de confiance en elle, qui les conduit à accepter un bas salaire alors que l’homme négociera. (on parle bien ici de postes où la négociation salariale existe, pas d’emplois au smic).
On constate d’ailleurs aux USA que les quelques CEO femmes s’attribuent d’office un salaire bien inférieur à celui que s’octroient les CEO hommes.
Cette idée va faire le lit des opposants au féminisme, qui ne manqueront pas d’oublier toute la première partie de la réflexion et concluront au fond, que si une femme est moins payée, c’est parce qu’elle le veut bien . Répétons donc qu’il n’est pas question d’oublier que le salaire proposé aux femmes au départ est souvent inférieur à celui proposé aux hommes.
reunion
Pour la prise de parole dans l’espace public, il est également montré que, si les hommes ont en effet tendance à la monopoliser, les femmes ne la prennent pas. Il serait donc un peu simpliste d’imputer uniquement aux hommes le fait que les femmes se taisent en réunion. C’est également tout un travail, que seules peuvent faire les femmes, que d’apprendre à avoir confiance en elles et à oser s’affirmer.
c’est encore dans les tâches ménagères que c’est le plus visible et c’est d’ailleurs là où on avance le moins y compris en Suède. Oui bon nombre d’hommes ne foutent rien en matière de travaux ménagers ; une étude a d’ailleurs montré qu’ils sont prêts à mentir plutôt qu’à faire le ménage. Ceci est un fait incontestable ; bon nombre de femmes se plaignent donc que leur conjoint ne fasse jamais le ménage. Certaines de ces femmes se révèlent incapables de renoncer à faire le ménage, pistent leur mari quand il a la velléité de prendre le balai et ont des vapeurs quand on leur explique que la seule solution pour que le conjoint se bouge le cul est de faire la grève du ménage.
cuisine
Nier ces analyses, imputer ce genre de situations à la seule responsabilité masculine est ce que j’appelle moi du victimisme. Attention, on peut être victime et être également dans une démarche victimiste. Une femme qui passe son temps à se plaindre que son mari ne fait rien, sans se donner les outils pour qu’il agisse est certes une victime mais aussi dans une démarche victimiste.
J’ai à cet égard un exemple. Une fille se plaint que son copain joue à la playstation pendant qu’elle repasse ses chemises. On lui conseille de tout lâcher ; s’il veut des chemises repassés, qu’il le fasse. Elle rétorque qu’elle ne supportera pas qu’il parte au travail avec des chemises froissées et continue son repassage en bougonnant. Oui il est clair que le copain est un macho ; mais il est tout aussi clair, que cette fille est dans une démarche victimiste puisqu’elle a bien conscience de la situation mais ne se donne pas les moyens d’y remédier, moyens qui sont ici possibles (cela n’est évidemment pas toujours le cas).
Dire ceci n’est absolument pas nier les souffrances et discriminations dont sont victimes les femmes ; c’est simplement poser que les femmes ne doivent pas se poser en victimes passives, on peut être victime et agentive. Il n’est pas question d’attendre le bon vouloir des uns et des autres pour agir. La prise de conscience et l’action ne garantiront jamais le succès ; face à un homme qui ne veut rien foutre, une femme peut faire la grève du ménage six mois, il ne se passera rien. Face à des hommes en réunion considérant qu’une femme ne peut dire que des sottises, la prise de parole sera douloureuse ; face à un recruteur qui d’office vous propose un salaire moindre, toute vos tentatives de négociations n’empêcheront pas, qu’au final, votre salaire sera inférieur. Pour autant, vous aurez essayé.
Imputer ce genre de comportements aux conditionnements dont sont victimes les femmes est sans aucun doute vrai mais me semble, à terme, dangereux. Cela semble poser l’idée que les femmes seraient incapables de sortir de leurs conditionnements alors que les hommes le pourraient ; c’est imputer aux seuls hommes, la possibilité de faire évoluer la condition des femmes. C’est donc encore une fois penser que le sort des femmes ne dépend que des hommes. C’est donc presque dire que la révolution ne passera jamais par les classes dominées, trop occupées à gérer leurs problèmes, non conscientes de leur classe ; mais uniquement par les classes bourgeoises (que seraient ici les hommes donc).
24 octobre 2009 par valerie | Classé dans Crêpage de chignon.
http://www.crepegeorgette.com/2009/10/24/victimisation/#more-3559
Après Olympe et Melle S , je voudrais moi aussi aborder le concept de victimisation.
Soulignons d’abord une chose ; ce concept a été d’abord développé par les adversaires du féminisme et certaines personnes avides de pub, sur la base des chiffres assénés par les féministes. On résumera leur position par “arrêtez de nous faire chier avec vos souffrances, y’en a qui s’en sortent très bien regardez Liliane Bettencourt”.
L’idée n’est pas nouvelle et les militants anti-racistes, luttant contre l’homophobie, la transphobie y ont droit aussi quotidiennement.
penseurCela n’est donc pas un révisionnisme typiquement lié au féminisme ; c’est une tendance générale que de voir le dominé en position de dominant et de nier ses souffrances au prétextes qu’elles sont pénibles à lire et culpabilisantes.
Mais ce n’est pas parce qu’un concept est mal développé et nie la réalité qu’il est forcément faux.
Prenons plusieurs exemples :
- le salaire des femmes inférieur de 20 % à celui des hommes à salaire et diplôme égal.
- la prise de parole dans l’espace public
- les tâches ménagères.
Il a été montré que, si un recruteur a tendance à proposer à une femme un salaire inférieur à celui qu’il proposerait à un homme, une femme va moins négocier, demander, exiger. Sans jamais nier qu’elle est victime d’une discrimination au départ, cette discrimination s’accentue par la mauvaise image que les femmes ont souvent d’elles mêmes, leurs hésitations, leur manque de confiance en elle, qui les conduit à accepter un bas salaire alors que l’homme négociera. (on parle bien ici de postes où la négociation salariale existe, pas d’emplois au smic).
On constate d’ailleurs aux USA que les quelques CEO femmes s’attribuent d’office un salaire bien inférieur à celui que s’octroient les CEO hommes.
Cette idée va faire le lit des opposants au féminisme, qui ne manqueront pas d’oublier toute la première partie de la réflexion et concluront au fond, que si une femme est moins payée, c’est parce qu’elle le veut bien . Répétons donc qu’il n’est pas question d’oublier que le salaire proposé aux femmes au départ est souvent inférieur à celui proposé aux hommes.
reunion
Pour la prise de parole dans l’espace public, il est également montré que, si les hommes ont en effet tendance à la monopoliser, les femmes ne la prennent pas. Il serait donc un peu simpliste d’imputer uniquement aux hommes le fait que les femmes se taisent en réunion. C’est également tout un travail, que seules peuvent faire les femmes, que d’apprendre à avoir confiance en elles et à oser s’affirmer.
c’est encore dans les tâches ménagères que c’est le plus visible et c’est d’ailleurs là où on avance le moins y compris en Suède. Oui bon nombre d’hommes ne foutent rien en matière de travaux ménagers ; une étude a d’ailleurs montré qu’ils sont prêts à mentir plutôt qu’à faire le ménage. Ceci est un fait incontestable ; bon nombre de femmes se plaignent donc que leur conjoint ne fasse jamais le ménage. Certaines de ces femmes se révèlent incapables de renoncer à faire le ménage, pistent leur mari quand il a la velléité de prendre le balai et ont des vapeurs quand on leur explique que la seule solution pour que le conjoint se bouge le cul est de faire la grève du ménage.
cuisine
Nier ces analyses, imputer ce genre de situations à la seule responsabilité masculine est ce que j’appelle moi du victimisme. Attention, on peut être victime et être également dans une démarche victimiste. Une femme qui passe son temps à se plaindre que son mari ne fait rien, sans se donner les outils pour qu’il agisse est certes une victime mais aussi dans une démarche victimiste.
J’ai à cet égard un exemple. Une fille se plaint que son copain joue à la playstation pendant qu’elle repasse ses chemises. On lui conseille de tout lâcher ; s’il veut des chemises repassés, qu’il le fasse. Elle rétorque qu’elle ne supportera pas qu’il parte au travail avec des chemises froissées et continue son repassage en bougonnant. Oui il est clair que le copain est un macho ; mais il est tout aussi clair, que cette fille est dans une démarche victimiste puisqu’elle a bien conscience de la situation mais ne se donne pas les moyens d’y remédier, moyens qui sont ici possibles (cela n’est évidemment pas toujours le cas).
Dire ceci n’est absolument pas nier les souffrances et discriminations dont sont victimes les femmes ; c’est simplement poser que les femmes ne doivent pas se poser en victimes passives, on peut être victime et agentive. Il n’est pas question d’attendre le bon vouloir des uns et des autres pour agir. La prise de conscience et l’action ne garantiront jamais le succès ; face à un homme qui ne veut rien foutre, une femme peut faire la grève du ménage six mois, il ne se passera rien. Face à des hommes en réunion considérant qu’une femme ne peut dire que des sottises, la prise de parole sera douloureuse ; face à un recruteur qui d’office vous propose un salaire moindre, toute vos tentatives de négociations n’empêcheront pas, qu’au final, votre salaire sera inférieur. Pour autant, vous aurez essayé.
Imputer ce genre de comportements aux conditionnements dont sont victimes les femmes est sans aucun doute vrai mais me semble, à terme, dangereux. Cela semble poser l’idée que les femmes seraient incapables de sortir de leurs conditionnements alors que les hommes le pourraient ; c’est imputer aux seuls hommes, la possibilité de faire évoluer la condition des femmes. C’est donc encore une fois penser que le sort des femmes ne dépend que des hommes. C’est donc presque dire que la révolution ne passera jamais par les classes dominées, trop occupées à gérer leurs problèmes, non conscientes de leur classe ; mais uniquement par les classes bourgeoises (que seraient ici les hommes donc).
TROP DE LOIS PEU D'ÉGALITÉ !
TROP DE LOIS PEU D'ÉGALITÉ !
Societe_Trop-de-lois-peu-d-egalite-!_mode_une.jpg
http://www.elle.fr/elle/Societe/Edito/Trop-de-lois-peu-d-egalite-!/%28gid%29/1056879
C’est bizarre, on a l’impression d’avoir entendu cent fois, mille fois le débat sur l’égalité professionnelle et la parité dans l’encadrement de l’entreprise, lancé à nouveau par le gouvernement ces jours-ci. Toutes ces belles promesses aussi. On ne va pas remonter ici aux calendes du féminisme, juste rappeler qu’il y a eu la loi de 1972 instaurant, à travail égal, l’égalité salariale entre hommes et femmes, puis la loi Roudy en 1983 sur l’égalité professionnelle... Cinq textes de loi ont été votés depuis et.... c’est toujours la même histoire : la rémunération des femmes est toujours inférieure à celle des hommes, le temps partiel, les emplois non qualifiés, la précarité restent leur triste privilège, et ce fameux plafond de verre, qui à force de se durcir devient carrément du béton, ne se lézarde pas. Dans les conseils d’administration des entreprises, on ne trouve que 8 % de femmes malgré toutes les solutions proposées pour augmenter leur nombre. C’est tout de même inouï quand on y pense... Depuis 1972 ! Cela fait trente-sept ans que des lois sont votées pour rien. Le temps que deux générations naissent, grandissent et se retrouvent sur le marché du travail pour constater, rageuses, que rien n’a beaucoup changé pour elles. Ce n’est pourtant pas faute de s’être bagarrées, les filles...
Cette fois, Xavier Darcos a décidé de prendre les taureaux (on n’a pas dit les machos) par les cornes. Commandé un rapport – remis l’été dernier –, engagé des concertations et envisagé un projet de loi pour 2010. L’idée, toujours la même, est d’inciter fortement les entreprises à respecter l’égalité des salaires. Et à féminiser l’encadrement. Sur ce dernier point, le ministre est favorable au respect de la proportionnalité entre salariées et femmes cadres. Mais de nombreuses femmes, découragées d’avoir tant parlé pour rien, en sont, elles, arrivées à défendre les quotas pour l’encadrement. Parce qu’elles constatent, comme d’autres l’avaient déjà fait à l’époque des débats sur la parité en politique, que, s’ils ne sont pas acceptables en théorie, les quotas sont inévitables en pratique, si on veut que les choses avancent.
Le problème, c’est qu’on a vu ce que la loi sur la parité, pourtant inscrite dans la Constitution, a donné. Dix ans après, le nombre de femmes députées progresse péniblement. Du reste, on peut dresser le même bilan dans presque toute l’Europe. Quant à l’entreprise, quotas ou pas, on doit pouvoir trouver des moyens de contraindre les patrons récalcitrants, non ? Cela se fait bien en Norvège. Mais ce qu’il ne faudrait surtout pas, c’est patienter encore trente-sept ans, ou plus, pour y arriver. On a trop entendu de belles paroles, trop vu de lois non appliquées. Désormais, nous attendons les résultats.
Par Michèle Fitoussi
Societe_Trop-de-lois-peu-d-egalite-!_mode_une.jpg
http://www.elle.fr/elle/Societe/Edito/Trop-de-lois-peu-d-egalite-!/%28gid%29/1056879
C’est bizarre, on a l’impression d’avoir entendu cent fois, mille fois le débat sur l’égalité professionnelle et la parité dans l’encadrement de l’entreprise, lancé à nouveau par le gouvernement ces jours-ci. Toutes ces belles promesses aussi. On ne va pas remonter ici aux calendes du féminisme, juste rappeler qu’il y a eu la loi de 1972 instaurant, à travail égal, l’égalité salariale entre hommes et femmes, puis la loi Roudy en 1983 sur l’égalité professionnelle... Cinq textes de loi ont été votés depuis et.... c’est toujours la même histoire : la rémunération des femmes est toujours inférieure à celle des hommes, le temps partiel, les emplois non qualifiés, la précarité restent leur triste privilège, et ce fameux plafond de verre, qui à force de se durcir devient carrément du béton, ne se lézarde pas. Dans les conseils d’administration des entreprises, on ne trouve que 8 % de femmes malgré toutes les solutions proposées pour augmenter leur nombre. C’est tout de même inouï quand on y pense... Depuis 1972 ! Cela fait trente-sept ans que des lois sont votées pour rien. Le temps que deux générations naissent, grandissent et se retrouvent sur le marché du travail pour constater, rageuses, que rien n’a beaucoup changé pour elles. Ce n’est pourtant pas faute de s’être bagarrées, les filles...
Cette fois, Xavier Darcos a décidé de prendre les taureaux (on n’a pas dit les machos) par les cornes. Commandé un rapport – remis l’été dernier –, engagé des concertations et envisagé un projet de loi pour 2010. L’idée, toujours la même, est d’inciter fortement les entreprises à respecter l’égalité des salaires. Et à féminiser l’encadrement. Sur ce dernier point, le ministre est favorable au respect de la proportionnalité entre salariées et femmes cadres. Mais de nombreuses femmes, découragées d’avoir tant parlé pour rien, en sont, elles, arrivées à défendre les quotas pour l’encadrement. Parce qu’elles constatent, comme d’autres l’avaient déjà fait à l’époque des débats sur la parité en politique, que, s’ils ne sont pas acceptables en théorie, les quotas sont inévitables en pratique, si on veut que les choses avancent.
Le problème, c’est qu’on a vu ce que la loi sur la parité, pourtant inscrite dans la Constitution, a donné. Dix ans après, le nombre de femmes députées progresse péniblement. Du reste, on peut dresser le même bilan dans presque toute l’Europe. Quant à l’entreprise, quotas ou pas, on doit pouvoir trouver des moyens de contraindre les patrons récalcitrants, non ? Cela se fait bien en Norvège. Mais ce qu’il ne faudrait surtout pas, c’est patienter encore trente-sept ans, ou plus, pour y arriver. On a trop entendu de belles paroles, trop vu de lois non appliquées. Désormais, nous attendons les résultats.
Par Michèle Fitoussi
jeudi 12 novembre 2009
A l’école, le sexe fort présente des faiblesses
Tentative masculiniste ou extrapolation d'une réalité ... car ceux qui accèdent aux postes à responsabilité pour un niveau égal, c'est toujours bien les garçons ...
Il est vrai aussi que nous produisons un modèle pour les garçons qui peut faire peur: encouragement à la violence, à une virilité sans borne et à désintéressement scolaire qui peut en découler (et la réciproque est vraie: l'échec scolaire entraîne un repli sur les croyances de tout-pouvoir (physique) présentes dans notre culture...).
Mais cela me fait penser tout de même à cette réplique à la mise en avant des évidentes violences sur les femmes : "mais il y a aussi des femmes qui tapent leur compagnon". Oublier le principal problème en attirant le regard sur un problème, certes, mais minoritaire ...
A l’école, le sexe fort présente des faiblesses
éducation . Jean-Louis Auduc, directeur de l’IUFM de Créteil, publie l’essai «Sauvons les garçons».
Et si les garçons représentaient le sexe faible de l’école ? C’est la vision peu commune que propose Jean-Louis Auduc, directeur de l’IUFM de Créteil, dans un essai plutôt convaincant, Sauvons les garçons ! qui vient de sortir (1). Pendant deux années, ce spécialiste du système éducatif français a épluché les données statistiques nationales et découvert une réalité sexuée (lire ci-dessous) d’ordinaire noyée dans la globalisation des chiffres : l’échec scolaire frappe majoritairement les garçons.
Ainsi, sur les 150 000 élèves qui quittent tous les ans l’école sans aucun diplôme en poche, plus de 100 000 sont des garçons. Dès le primaire, ce sont eux qui manifestent le plus de difficultés dans l’apprentissage de la lecture, puis eux qui redoublent le plus, et encore eux qui peuplent en grande partie les cours de soutien scolaire. Regarder les chiffres par genre n’est pas une habitude en France, mais ce nouvel angle de vue permettrait d’affiner les réponses pédagogiques, soutient Jean-Louis Auduc.
Des garçons qui réussissent moins bien que les filles à l’école, est-ce nouveau ?
Les garçons ont longtemps été les privilégiés du savoir. Puis, à partir de la massification, l’obligation scolaire a servi les filles au point qu’aujourd’hui elles se débrouillent beaucoup mieux dans l’institution, du primaire aux classes préparatoires aux grandes écoles. Dès que l’on regarde les chiffres par genre, le grand écart entre les deux sexes saute aux yeux. J’ai voulu verbaliser cette réalité : en France, les garçons sont en grande difficulté scolaire. Et ce déséquilibre est générateur de violences. Etre en échec scolaire crée un sentiment d’immense frustration. Ceux qui vivent ces situations sont tentés de compenser par la force physique, la sexualité. On sait que vers 14 ans, il existe une violence spécifique garçons-filles. Ma finalité, c’est de rétablir plus d’harmonie. Pas en dépossédant les filles de leur succès, mais en permettant aux garçons de réussir eux aussi.
Vous préconisez de revenir sur la mixité ?
Surtout pas. Mais il faut l’améliorer. La mixité s’est imposée sans réflexion préalable. Aujourd’hui, on voit bien que les différences de maturité, de rythmes d’apprentissage, d’intérêts, de rapport au savoir et à l’institution doivent être prises en compte. Il faut un traitement spécifique pour éviter les situations de compétition, les formes de domination. Une solution pédagogique consisterait à créer des groupes de travail séparés pour certains cours, comme le soutien, mais aussi en sciences de la vie et de la terre (SVT) pour pouvoir parler plus librement de sexualité et également lors de travaux d’orientation.
L’orientation professionnelle est une affaire de sexe ?
Rien ne marche mieux en termes d’éducation que l’identification. Or que voit-on ? Des mères qui ont un diplôme et un emploi et qui transmettent ce goût de la réussite à leurs filles. Rien que dans les métiers de l’enseignement, il y a de plus en plus de modèles féminins : des proviseures, professeures, femmes médecins scolaires, etc. Souvent, la seule figure masculine qui entre dans un établissement, c’est le policier de la brigade anticriminalité (BAC). Non seulement les filles ne manquent pas de modèles de proximité, mais c’est également vrai au sommet de la société : Rachida, Rama, Fadela sont des figures de «femmes qui en veulent». Que reste-t-il aux garçons ? Le foot, le rap. Il faut créer des banques de stages spécialement pour eux, pour leur montrer des métiers qu’ils ne voient plus.
Vous évoquez comme «métiers invisibles» ceux qui ont longtemps été exclusivement masculins, comme médecin ou juge. Les choses se sont à ce point inversées ?
C’est un fait, la féminisation a gagné quasiment tous les secteurs d’activité. Et dans le même temps, les métiers qui revenaient autrefois aux hommes, du fait de leur force physique et qui leur assuraient un emploi quoi qu’il advienne, sont ceux qui ont été massivement supprimés au cours des dernières décennies. Aujourd’hui, dans un emploi, la force n’est plus un critère. Tout cela alimente une crise de l’identité masculine. Le témoignage d’aînés, le tutorat et l’accompagnement peuvent permettre aux garçons de retrouver une place au sein de l’institution, et de s’y sentir bien, d’entrevoir autrement l’avenir, et en harmonie avec les filles.
(1) Editions Descartes & Cie, 13 euros.
Recueilli par Marie-Joëlle Gros
à la traîne pour lire, au bac…
Les garçons sont «surreprésentés» dans les structures d’aide aux élèves en difficulté. Par exemple, une classe de soutien au collège est composée à 63 % de garçons et 37 % de filles. Et dans les classes relais où l’on isole des collégiens quelques mois le temps d’une remise à niveau, ils sont 78 % de garçons et 22 % de filles.
Côté lecture, les garçons sont encore à la traîne. A 18 ans, seuls 59 % sont considérés comme des lecteurs très efficaces, contre 70 % des filles. Et ils sont quasiment deux fois plus nombreux (6,1 %) que les filles (3,6 %) à éprouver des difficultés sévères pour lire.
Tout cela se remarque aussi au moment des examens : 78 % des garçons obtiennent le brevet des collèges, contre 86 % des filles.
Enfin, 57 % décrochent le bac, contre 71 % des filles. Et ils sont seulement 37 % à atteindre un bac +2 et plus, quand les filles sont 50,2 % à le faire.
Par MARIE-JOËLLE GROS
Il est vrai aussi que nous produisons un modèle pour les garçons qui peut faire peur: encouragement à la violence, à une virilité sans borne et à désintéressement scolaire qui peut en découler (et la réciproque est vraie: l'échec scolaire entraîne un repli sur les croyances de tout-pouvoir (physique) présentes dans notre culture...).
Mais cela me fait penser tout de même à cette réplique à la mise en avant des évidentes violences sur les femmes : "mais il y a aussi des femmes qui tapent leur compagnon". Oublier le principal problème en attirant le regard sur un problème, certes, mais minoritaire ...
A l’école, le sexe fort présente des faiblesses
éducation . Jean-Louis Auduc, directeur de l’IUFM de Créteil, publie l’essai «Sauvons les garçons».
Et si les garçons représentaient le sexe faible de l’école ? C’est la vision peu commune que propose Jean-Louis Auduc, directeur de l’IUFM de Créteil, dans un essai plutôt convaincant, Sauvons les garçons ! qui vient de sortir (1). Pendant deux années, ce spécialiste du système éducatif français a épluché les données statistiques nationales et découvert une réalité sexuée (lire ci-dessous) d’ordinaire noyée dans la globalisation des chiffres : l’échec scolaire frappe majoritairement les garçons.
Ainsi, sur les 150 000 élèves qui quittent tous les ans l’école sans aucun diplôme en poche, plus de 100 000 sont des garçons. Dès le primaire, ce sont eux qui manifestent le plus de difficultés dans l’apprentissage de la lecture, puis eux qui redoublent le plus, et encore eux qui peuplent en grande partie les cours de soutien scolaire. Regarder les chiffres par genre n’est pas une habitude en France, mais ce nouvel angle de vue permettrait d’affiner les réponses pédagogiques, soutient Jean-Louis Auduc.
Des garçons qui réussissent moins bien que les filles à l’école, est-ce nouveau ?
Les garçons ont longtemps été les privilégiés du savoir. Puis, à partir de la massification, l’obligation scolaire a servi les filles au point qu’aujourd’hui elles se débrouillent beaucoup mieux dans l’institution, du primaire aux classes préparatoires aux grandes écoles. Dès que l’on regarde les chiffres par genre, le grand écart entre les deux sexes saute aux yeux. J’ai voulu verbaliser cette réalité : en France, les garçons sont en grande difficulté scolaire. Et ce déséquilibre est générateur de violences. Etre en échec scolaire crée un sentiment d’immense frustration. Ceux qui vivent ces situations sont tentés de compenser par la force physique, la sexualité. On sait que vers 14 ans, il existe une violence spécifique garçons-filles. Ma finalité, c’est de rétablir plus d’harmonie. Pas en dépossédant les filles de leur succès, mais en permettant aux garçons de réussir eux aussi.
Vous préconisez de revenir sur la mixité ?
Surtout pas. Mais il faut l’améliorer. La mixité s’est imposée sans réflexion préalable. Aujourd’hui, on voit bien que les différences de maturité, de rythmes d’apprentissage, d’intérêts, de rapport au savoir et à l’institution doivent être prises en compte. Il faut un traitement spécifique pour éviter les situations de compétition, les formes de domination. Une solution pédagogique consisterait à créer des groupes de travail séparés pour certains cours, comme le soutien, mais aussi en sciences de la vie et de la terre (SVT) pour pouvoir parler plus librement de sexualité et également lors de travaux d’orientation.
L’orientation professionnelle est une affaire de sexe ?
Rien ne marche mieux en termes d’éducation que l’identification. Or que voit-on ? Des mères qui ont un diplôme et un emploi et qui transmettent ce goût de la réussite à leurs filles. Rien que dans les métiers de l’enseignement, il y a de plus en plus de modèles féminins : des proviseures, professeures, femmes médecins scolaires, etc. Souvent, la seule figure masculine qui entre dans un établissement, c’est le policier de la brigade anticriminalité (BAC). Non seulement les filles ne manquent pas de modèles de proximité, mais c’est également vrai au sommet de la société : Rachida, Rama, Fadela sont des figures de «femmes qui en veulent». Que reste-t-il aux garçons ? Le foot, le rap. Il faut créer des banques de stages spécialement pour eux, pour leur montrer des métiers qu’ils ne voient plus.
Vous évoquez comme «métiers invisibles» ceux qui ont longtemps été exclusivement masculins, comme médecin ou juge. Les choses se sont à ce point inversées ?
C’est un fait, la féminisation a gagné quasiment tous les secteurs d’activité. Et dans le même temps, les métiers qui revenaient autrefois aux hommes, du fait de leur force physique et qui leur assuraient un emploi quoi qu’il advienne, sont ceux qui ont été massivement supprimés au cours des dernières décennies. Aujourd’hui, dans un emploi, la force n’est plus un critère. Tout cela alimente une crise de l’identité masculine. Le témoignage d’aînés, le tutorat et l’accompagnement peuvent permettre aux garçons de retrouver une place au sein de l’institution, et de s’y sentir bien, d’entrevoir autrement l’avenir, et en harmonie avec les filles.
(1) Editions Descartes & Cie, 13 euros.
Recueilli par Marie-Joëlle Gros
à la traîne pour lire, au bac…
Les garçons sont «surreprésentés» dans les structures d’aide aux élèves en difficulté. Par exemple, une classe de soutien au collège est composée à 63 % de garçons et 37 % de filles. Et dans les classes relais où l’on isole des collégiens quelques mois le temps d’une remise à niveau, ils sont 78 % de garçons et 22 % de filles.
Côté lecture, les garçons sont encore à la traîne. A 18 ans, seuls 59 % sont considérés comme des lecteurs très efficaces, contre 70 % des filles. Et ils sont quasiment deux fois plus nombreux (6,1 %) que les filles (3,6 %) à éprouver des difficultés sévères pour lire.
Tout cela se remarque aussi au moment des examens : 78 % des garçons obtiennent le brevet des collèges, contre 86 % des filles.
Enfin, 57 % décrochent le bac, contre 71 % des filles. Et ils sont seulement 37 % à atteindre un bac +2 et plus, quand les filles sont 50,2 % à le faire.
Par MARIE-JOËLLE GROS
Suite de l'article précédant: le genre dans la drague par internet
«En ligne, c’est le bal à Venise»
Harpon . Jean-Philippe joue avec les pseudos, les mots, dans une joute raffinée et cultivée.
Depuis des mois, Jean-Philippe, un écrivain de 41 ans, utilise sa plume comme un harpon sur des sites de rencontre.
«Des copines ou des ex m’avaient montré les mails qu’elles recevaient via Meetic : 90 % des types faisaient des fautes, pondaient deux lignes hyperpauvres, mufles ou brutales, voire faisaient du copié-collé, ça se sentait. Dès lors, un boulevard s’est ouvert devant moi. Si tu sais écrire, sur les sites de rencontres, c’est tout bon. D’ailleurs, on y trouve un paquet d’écrivains doués ou de psys qui entretiennent de véritables harems. J’en ai parlé avec des copains auteurs, on s’est tous fait le même constat : les autres types sont tellement nuls, et les femmes sont tellement en demande de rêves, qu’il y a moyen de faire des cartons en ligne.
«Dans la vraie vie, je ne rivalise pas avec les beaux gosses. Quand je débarque dans une soirée, je n’accroche personne au premier regard. Par contre, si on me laisse cinq minutes pour parler, là je fais la différence et les autres restent derrière. A l’écrit, c’est pareil. J’ai un truc que les grands bruns à mâchoire carrée n’ont pas. Mon chant est plus beau.
«Or, la drague en ligne, c’est de la parade nuptiale. Ça commence par une annonce, des mails, un chat. Et les femmes ont développé une hypersensibilité aux mots, à la correspondance. Dans ma catégorie d’âge, ça fait vingt ans qu’elles n’ont pas entendu un joli chant, et peut-être même qu’on ne leur a jamais fait la cour.
Rentable. «J’ai soigné mon annonce et mon pseudo. Et pour augmenter le mystère, je n’ai jamais publié de photo. Au tout début, en fonction du profil de la nana ciblée, j’écrivais un texte original. Ça me prenait un temps fou, mais l’exercice me stimulait. Je passais parfois quinze soirs de suite à écrire quinze textes originaux à quinze nanas différentes, mais c’était rentable. Depuis, au vu de mes bons résultats, j’applique des trames préécrites, issues de mes textes précédents, que j’adapte pour chacune. J’ai des versions western, amour courtois, rock, cul très écrit, etc.
Epate. «L’écran est un espace fantasmatique. Souvent, on lit ces messages la nuit. Et avec les pseudos, c’est comme le bal à Venise. Le moindre mot peut prendre une importance décuplée. Les femmes lâchent des barrières qui ne céderaient pas ailleurs. Tu peux accéder plus vite à un terrain intime, d’ordinaire protégé.
«Je ne suis pas un prédateur, je ne choisis pas la plus vulnérable. Je veux ma part d’épate, mais aussi que la fille sache que je joue. Sinon, ça peut vraiment tourner à la manipulation. Bien sûr, il y a l’épreuve de la rencontre. Mais les femmes sont beaucoup plus indulgentes que les hommes. Si elles ont entendu des mots merveilleux, elles ferment plus facilement les yeux sur le physique. Pas les mecs.
«Je reçois moi aussi des textes fabuleux. C’est comme une danse à deux. Des plumes me happent, je suis parfois pris à mon propre piège. Je cherche la joute avec une intello raffinée et cultivée, pour former un couple qui brille dans le noir. L’une pond à la volée des alexandrins parfaits, je suis conquis. Les traductrices, les femmes qui travaillent dans l’édition, toutes celles qui accordent de l’importance à la précision des mots séduisent en ligne comme des poissons dans l’eau. Il y a des dominatrices par le verbe. Celles-là n’iront pas forcément jusqu’à la rencontre.
«L’essentiel des femmes inscrites sur Meetic cherchent de la douceur, du baume plutôt que des types avec la bite à l’air. Savoir faire jaillir un univers imaginaire, ça peut avoir un côté grosse ficelle, mais finalement, pas plus que d’étaler son compte en banque ou de flamber avec son patrimoine génétique…»
Recueilli par M.-J.G.
Harpon . Jean-Philippe joue avec les pseudos, les mots, dans une joute raffinée et cultivée.
Depuis des mois, Jean-Philippe, un écrivain de 41 ans, utilise sa plume comme un harpon sur des sites de rencontre.
«Des copines ou des ex m’avaient montré les mails qu’elles recevaient via Meetic : 90 % des types faisaient des fautes, pondaient deux lignes hyperpauvres, mufles ou brutales, voire faisaient du copié-collé, ça se sentait. Dès lors, un boulevard s’est ouvert devant moi. Si tu sais écrire, sur les sites de rencontres, c’est tout bon. D’ailleurs, on y trouve un paquet d’écrivains doués ou de psys qui entretiennent de véritables harems. J’en ai parlé avec des copains auteurs, on s’est tous fait le même constat : les autres types sont tellement nuls, et les femmes sont tellement en demande de rêves, qu’il y a moyen de faire des cartons en ligne.
«Dans la vraie vie, je ne rivalise pas avec les beaux gosses. Quand je débarque dans une soirée, je n’accroche personne au premier regard. Par contre, si on me laisse cinq minutes pour parler, là je fais la différence et les autres restent derrière. A l’écrit, c’est pareil. J’ai un truc que les grands bruns à mâchoire carrée n’ont pas. Mon chant est plus beau.
«Or, la drague en ligne, c’est de la parade nuptiale. Ça commence par une annonce, des mails, un chat. Et les femmes ont développé une hypersensibilité aux mots, à la correspondance. Dans ma catégorie d’âge, ça fait vingt ans qu’elles n’ont pas entendu un joli chant, et peut-être même qu’on ne leur a jamais fait la cour.
Rentable. «J’ai soigné mon annonce et mon pseudo. Et pour augmenter le mystère, je n’ai jamais publié de photo. Au tout début, en fonction du profil de la nana ciblée, j’écrivais un texte original. Ça me prenait un temps fou, mais l’exercice me stimulait. Je passais parfois quinze soirs de suite à écrire quinze textes originaux à quinze nanas différentes, mais c’était rentable. Depuis, au vu de mes bons résultats, j’applique des trames préécrites, issues de mes textes précédents, que j’adapte pour chacune. J’ai des versions western, amour courtois, rock, cul très écrit, etc.
Epate. «L’écran est un espace fantasmatique. Souvent, on lit ces messages la nuit. Et avec les pseudos, c’est comme le bal à Venise. Le moindre mot peut prendre une importance décuplée. Les femmes lâchent des barrières qui ne céderaient pas ailleurs. Tu peux accéder plus vite à un terrain intime, d’ordinaire protégé.
«Je ne suis pas un prédateur, je ne choisis pas la plus vulnérable. Je veux ma part d’épate, mais aussi que la fille sache que je joue. Sinon, ça peut vraiment tourner à la manipulation. Bien sûr, il y a l’épreuve de la rencontre. Mais les femmes sont beaucoup plus indulgentes que les hommes. Si elles ont entendu des mots merveilleux, elles ferment plus facilement les yeux sur le physique. Pas les mecs.
«Je reçois moi aussi des textes fabuleux. C’est comme une danse à deux. Des plumes me happent, je suis parfois pris à mon propre piège. Je cherche la joute avec une intello raffinée et cultivée, pour former un couple qui brille dans le noir. L’une pond à la volée des alexandrins parfaits, je suis conquis. Les traductrices, les femmes qui travaillent dans l’édition, toutes celles qui accordent de l’importance à la précision des mots séduisent en ligne comme des poissons dans l’eau. Il y a des dominatrices par le verbe. Celles-là n’iront pas forcément jusqu’à la rencontre.
«L’essentiel des femmes inscrites sur Meetic cherchent de la douceur, du baume plutôt que des types avec la bite à l’air. Savoir faire jaillir un univers imaginaire, ça peut avoir un côté grosse ficelle, mais finalement, pas plus que d’étaler son compte en banque ou de flamber avec son patrimoine génétique…»
Recueilli par M.-J.G.
Les filles se ramassent à la plume
"Les filles se ramassent" : on est bien dans une vision genrée de la drague par internet: les séductEURs littéraires ont tout à gagner ? mais que dire des séductrICEs ? limitées à montrer leurs "gros nichons".
Cette journaliste oriente donc son propos du point de vue masculin mais est-ce symétrique ou, puisque nous sommes dans une vision assez hétérocentrée, les femmes doivent "juste" n'être que bonnes à regarder ... La superficialité pour les filles, la profondeur pour assez de garçons pour que l'on en fasse un article ...
Pour ma part, internet ayant beaucoup joué dans ma vie privée, j'étais pourtant d'accord sur le contenu: internet permet peut être à des timides ou des "littéraires" de charmer l'intellect de l'autre, filles ou garçons ...
Les filles se ramassent à la plume
internet . Le goût d’écrire et le marivaudage s’emparent des cyberprétendants, selon le site de rencontres Meetic… et ça marche.
Il y a grosso modo deux façons de draguer en ligne. Publier la photo de sa jeune et belle gueule d’amour, ses biscotos, ses gros nichons ; ou faire usage de sa plume de poète de l’amour, sensible, délicate. Passons sur la première option, dont il n’y a pas grand-chose à dire, pour s’arrêter sur la seconde, c’est-à-dire le cas de ceux qui n’ont pas grand-chose à vendre côté plastique. Ces «cérébraux» ont d’ailleurs fait le sujet d’une table ronde cet automne, à l’occasion du premier anniversaire du site Meetic Affinity, la déclinaison plus pondérée du supermercato de la rencontre électronique.
Autour du thème «la correspondance amoureuse à l’ère d’Internet», une psychanalyste (Sophie Cadalen), une écrivaine (Eliette Abécassis), un consultant en rencontres amoureuses (Ronan Chastellier) et une journaliste de l’Express (Christine Kerdellant) semblaient manquer de mots pour dire leur émerveillement devant le lyrisme des internautes. «Techno-poésie» pour les uns, «ivresse littéraire» pour les autres, la drague en ligne auraient, selon eux, rendu le goût d’écrire aux cyberprétendants. Et même remis en selle une pratique bien française : le marivaudage. Rien de moins.
Internet démultiplicateur des jeux de l’amour et du hasard ? C’est bien possible, tant il y a de monde sur les réseaux. Mais, après vérification, les belles-lettres y sont assez rares. Un océan de dragueurs ponctuent leur e-cour de «bah !»,«rhooooooooooo !»,«lol» désolants.
Du coup, par contraste, les habiles conteurs prennent l’avantage. C’est humain : quand on ne sait rien de celui (ou de celle) qui cherche à vous séduire à travers un écran, on s’accroche à ce qui saute aux yeux. Fautes d’orthographe et pauvreté du langage en disent aussi long que l’apparence physique. Et permettent d’opérer un tri parmi les prétendants. En sortent gagnants ceux qui savent montrer leur patte raffinée et tailler leurs mots comme des diamantaires. A eux des tableaux de chasse électroniques aussi denses que la tapisserie de Bayeux (lire témoignage ci-contre). Qu’ils soient moches dans la vie n’a plus aucune importance, seule leur belle plume étincelle sur l’écran. Et crée «de la pulsion amoureuse», comme le notent, à juste titre, les experts réunis par Meetic.
Mais prudence, car avec de telles longueurs d’avance sur le commun des scribouillards, certains excellent dans la manipulation d’âmes esseulées.
Par marie-joëlle gros
Cette journaliste oriente donc son propos du point de vue masculin mais est-ce symétrique ou, puisque nous sommes dans une vision assez hétérocentrée, les femmes doivent "juste" n'être que bonnes à regarder ... La superficialité pour les filles, la profondeur pour assez de garçons pour que l'on en fasse un article ...
Pour ma part, internet ayant beaucoup joué dans ma vie privée, j'étais pourtant d'accord sur le contenu: internet permet peut être à des timides ou des "littéraires" de charmer l'intellect de l'autre, filles ou garçons ...
Les filles se ramassent à la plume
internet . Le goût d’écrire et le marivaudage s’emparent des cyberprétendants, selon le site de rencontres Meetic… et ça marche.
Il y a grosso modo deux façons de draguer en ligne. Publier la photo de sa jeune et belle gueule d’amour, ses biscotos, ses gros nichons ; ou faire usage de sa plume de poète de l’amour, sensible, délicate. Passons sur la première option, dont il n’y a pas grand-chose à dire, pour s’arrêter sur la seconde, c’est-à-dire le cas de ceux qui n’ont pas grand-chose à vendre côté plastique. Ces «cérébraux» ont d’ailleurs fait le sujet d’une table ronde cet automne, à l’occasion du premier anniversaire du site Meetic Affinity, la déclinaison plus pondérée du supermercato de la rencontre électronique.
Autour du thème «la correspondance amoureuse à l’ère d’Internet», une psychanalyste (Sophie Cadalen), une écrivaine (Eliette Abécassis), un consultant en rencontres amoureuses (Ronan Chastellier) et une journaliste de l’Express (Christine Kerdellant) semblaient manquer de mots pour dire leur émerveillement devant le lyrisme des internautes. «Techno-poésie» pour les uns, «ivresse littéraire» pour les autres, la drague en ligne auraient, selon eux, rendu le goût d’écrire aux cyberprétendants. Et même remis en selle une pratique bien française : le marivaudage. Rien de moins.
Internet démultiplicateur des jeux de l’amour et du hasard ? C’est bien possible, tant il y a de monde sur les réseaux. Mais, après vérification, les belles-lettres y sont assez rares. Un océan de dragueurs ponctuent leur e-cour de «bah !»,«rhooooooooooo !»,«lol» désolants.
Du coup, par contraste, les habiles conteurs prennent l’avantage. C’est humain : quand on ne sait rien de celui (ou de celle) qui cherche à vous séduire à travers un écran, on s’accroche à ce qui saute aux yeux. Fautes d’orthographe et pauvreté du langage en disent aussi long que l’apparence physique. Et permettent d’opérer un tri parmi les prétendants. En sortent gagnants ceux qui savent montrer leur patte raffinée et tailler leurs mots comme des diamantaires. A eux des tableaux de chasse électroniques aussi denses que la tapisserie de Bayeux (lire témoignage ci-contre). Qu’ils soient moches dans la vie n’a plus aucune importance, seule leur belle plume étincelle sur l’écran. Et crée «de la pulsion amoureuse», comme le notent, à juste titre, les experts réunis par Meetic.
Mais prudence, car avec de telles longueurs d’avance sur le commun des scribouillards, certains excellent dans la manipulation d’âmes esseulées.
Par marie-joëlle gros
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