mercredi 25 novembre 2009

La France à la traîne

Mercredi 25 Novembre 2009

CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES, SOCIÉTÉ. Pour la journée internationale, la sociologue Laetitia Franquet note un retard en France, notamment en prévention
Femmes à la traîne

http://www.sudouest.com/accueil/actualite/france/article/783888/mil/5402919.html





Les femmes victimes de violences conjugales dans les campagnes de prévention présentent des bleus, des traces de coups. Elles ont entre 20 et 35 ans. Sont souvent mères de famille. « Et les autres ? », questionne Laetitia Franquet, doctorante en sociologie à l'université de Bordeaux 2 et à l'université de Barcelone. « Les autres se croient hors sujet. Celles qui ne présentent pas de coups, qui sont plus âgées, ne s'imaginent pas victimes de violences conjugales. Les bleus ne sont qu'une sorte de stigmates de la violence. La violence verbale, psychologique, même physique, peut ne pas laisser de trace voyante. Et pourtant... »

Laetitia Franquet travaille sur la question des violences faites aux femmes depuis 2005, ici en Aquitaine et à Barcelone. « Des deux côtés de la frontière, on ne traite pas ce problème social de la même manière. En Espagne, les féministes sont respectées, écoutées, institutionnalisées. Du coup, les moyens en Espagne pour traiter la question de la violence conjugale sont beaucoup plus importants. En France, c'est l'associatif qui prend en charge. »

Les féministes en avant

La jeune sociologue note que les campagnes d'information en France ne montrent qu'une facette de la problématique, excluant le harcèlement moral, le contrôle économique, la répartition des tâches domestiques, les violences sexuelles, l'inégalité au travail. « L'Espagne a reconnu que la société patriarcale était en soi un facteur de violence faite aux femmes. Du coup, tout est balayé, remis en question. En France, tout le boulot reste à faire. Les féministes sont les seules aujourd'hui à prendre en charge cette question. Et les féministes ont mauvaise presse. Elles rament pour se faire entendre et sont encore considérées comme des suffragettes. C'est ringard d'être féministe. Or... »

Politique familiale

« La France travaille avec sa culture de politique familiale. On parle à propos de violences conjugales, de situations intrafamiliales. La France revendique une politique familiale, protège la famille. Il y a du retard, ce n'est pas encore une priorité politique. »

L'état des lieux n'est pas si sombre puisque les associations ont su faire évoluer les mentalités. « Il y a encore quelques années, les victimes de violences physiques devaient réaliser un parcours du combattant pour se défendre. Aujourd'hui, il existe des lieux de parole où tout est simplifié. Le Centre d'accueil en urgence des victimes d'agression, au CHU de Bordeaux, est à ce titre exemplaire. Les femmes parlent davantage, le tabou se brise peu à peu, le fait qu'il y ait plus de dénonciations ne signifie pas pour autant que les hommes soient plus violents. »

Laetitia Franquet pointe une prévention encore peu efficace certes, mais aussi un manque de suivi. Les groupes de parole sous la forme de stages de citoyenneté mis en place par le tribunal de grande instance de Bordeaux, basés sur le volontariat, n'attirent encore que peu de candidats en Gironde. « Ici, en dehors du 25 novembre et du 8 mars, qui se soucie des violences faites aux femmes ? »

Numéro vert : 3919.



Société 25/11/2009 à 00h00
Violences faites aux femmes : la leçon espagnole

Sur fond de journée contre la brutalité conjugale, Nadine Morano dit vouloir s’inspirer du gouvernement Zapatero, en pointe sur la surveillance électronique.


Par FRANÇOIS MUSSEAU MADRID, de notre correspondant, CHARLOTTE ROTMAN


C’était un soir de la semaine dernière, à Meaux, en Seine-et-Marne. Une femme de 29 ans était brûlée à 70%par son ancien compagnon. Arrêté en état d’ivresse, l’homme a été mis en examen et écroué pour «tentative d’assassinat». Un drame d’exception ? Pas vraiment. En 2008, en France, tous les trois jours une femme a été tuée par son partenaire. «Les violences conjugales ne sont pas une fatalité», rappelle pourtant la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, qui a promis «une adaptation de notre droit». Un système de téléphone d’urgence, mis en place à partir de décembre en Seine-Saint-Denis, «pourrait être généralisé». Ce dispositif existe déjà en Espagne, tout comme celui du bracelet électronique que Nadine Morano souhaite «expérimenter d’ici à 2010». C’est d’ailleurs à Madrid que la secrétaire d’Etat à la Famille est allée chercher inspiration la semaine dernière. Dans la «loi intégrale contre la violence conjugale», réforme phare de José Luis Zapatero, président du gouvernement.

«Peur diffuse». Parmi les bénéficiaires espagnoles, Mari Carmen, 43 ans. Après plus de quinze ans de vie commune avec Luis, et deux enfants, elle a dit «basta», a porté plainte, et le juge a ordonné au mari de s’éloigner du domicile. Il s’installera à 150 kilomètres. «Mais une peur diffuse ne me quittait pas, explique Mari Carmen. Heureusement, avec mon boîtier, je me sens plus en sécurité.» Elle se souvient du jour où le boîtier noir a sonné. Un appareil de la taille d’un téléphone portable qu’elle a toujours sur elle : «Mon cœur battait à mille à l’heure. J’ai failli emboutir la voiture de devant. Je savais que mon mari se rapprochait de moi dangereusement.» Sur le boîtier, Mari Carmen presse la touche emergencia («urgence»), une voix du centre de contrôle lui répond dans l’instant et lui demande de quitter les lieux en voiture, tout en lui indiquant l’itinéraire. «Depuis ce moment, je me sens en sécurité avec cet engin». Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, Mari Carmen porte le boîtier, et Luis un bracelet-montre dont il n’a pas le droit de se défaire.

Sur un écran du centre de contrôle, dans la banlieue de Madrid, le boîtier est représenté par un point rouge, le bracelet par un vert. Lorsque les deux voyants lumineux se trouvent à moins de 400 mètres l’un de l’autre, l’alarme se déclenche. Une patrouille de police se met en route et aide la «victime» à se mettre à l’abri.

Récidivistes. En Espagne, depuis 2005, 168 448 conjoints ont été condamnés pour «mauvais traitements» envers leur femme. Une minorité (7 491 cas) a été envoyée en prison. 97 173 ont été condamnés à se tenir éloignés du domicile conjugal. Mais cette mesure est souvent insuffisante : un tiers d’entre eux sont des récidivistes condamnés à vivre à distance de leur femme ou compagne. D’où l’idée des bracelets électroniques.

Depuis fin juillet, 3 000 de ces appareils sont à la disposition de la justice. A l’heure actuelle, sur décision d’un juge, seuls 55 ont été distribués à des «couples à risques». Efficaces, ces gadgets électroniques ? Certains en doutent, notamment des femmes battues qui l’ont entendu sonner jour et nuit alors qu’elles ne couraient aucun danger. Ou d’autres qui, après le déclenchement de l’appareil, ont vu arriver leur mari, mais pas la patrouille de police. A l’image de Maximino Couto, 60 ans, qui, en décembre 2008, a profité d’une courte sortie de prison pour assassiner sa femme à coups de couteau.

Hormis ces cas exceptionnels, le système a la cote. Tout comme les portables d’urgence, des appareils géolocalisables avec bouton d’appel, dont 13 000 femmes seraient détentrices. «Les assassinats sont en baisse cette année, en partie grâce à la fonction dissuasive [du dispositif]», se targue la ministre de l’Egalité, Bibiana Aído.

76 femmes ont été tuées par leur conjoint en 2008, 49 depuis le début de l’année. Parmi ces dernières, aucune ne portait le boîtier.

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