Que va-t-il advenir d'un Etat dont la faiblesse était déjà patente bien avant le séisme ?
LE MONDE | 27.01.10 | 10h37 • Mis à jour le 27.01.10 | 10h37
Port-au-Prince Envoyé spécial
Le palais présidentiel, le palais de justice et le Parlement figurent parmi les milliers d'édifices détruits par le tremblement de terre qui a dévasté Haïti. Les sièges des trois pouvoirs de l'Etat ne sont plus que des décombres, comme la plupart des ministères. Réfugié dans le local de la police judiciaire, le président haïtien, René Préval, a été privé de moyens de communication pendant près de 48 heures.
Critiqué pour son manque de leadership dans les heures qui ont suivi la catastrophe, il a rétorqué : "L'Etat a été paralysé en une minute, nous sommes tous des réfugiés." Plutôt que de faire la tournée des centaines de camps de sans-abri, il s'est efforcé de reconstituer un embryon d'équipe gouvernementale afin de coordonner l'aide internationale.
L'Etat haïtien était déjà extrêmement fragile avant le séisme. La présence de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) limitait de fait sa souveraineté. Et une multitude d'ONG, mal coordonnées et à l'efficacité parfois douteuse, se substituait à l'Etat défaillant dans de nombreux domaines.
Le tremblement de terre a décimé les cadres administratifs, les responsables politiques et l'intelligentsia. Fils de l'historien Roger Gaillard, porte-parole du parti social-démocrate Fusion, Micha Gaillard a été tué lors de l'effondrement du palais de justice. Il servait de pont entre l'opposition et le président Préval. Monseigneur Joseph Miot, archevêque de la capitale, le leader politique Hubert Deronceray, le géographe Georges Anglade, le linguiste Pierre Vernet, l'économiste Philippe Rouzier : la liste des personnalités tuées par le séisme n'a cessé de s'allonger. La mort de Myriam Merlet, de Magalie Marcelin et d'Anne-Marie Coriolan a décapité le mouvement féministe. De nombreux musiciens, des peintres et des sportifs ont péri sous les décombres.
Le chef de la Minustah, le Tunisien Hédi Annabi, figure aussi parmi les victimes. Moins d'une semaine avant le séisme, il soulignait "l'importance capitale pour l'avenir du processus démocratique et la consolidation de la stabilité en Haïti" des élections législatives prévues le 28 février. Ce scrutin ne pourra pas avoir lieu et personne n'a encore évoqué l'élection présidentielle qui devrait être organisée à la fin de l'année.
Au cours des mois précédant le séisme, la situation s'était sensiblement améliorée. Le démantèlement des principaux gangs et la présence de la police et des casques bleus dans les bidonvilles avaient fait reculer l'insécurité. L'économie avait repris le chemin de la croissance, une partie de la dette extérieure avait été annulée, des projets hôteliers étaient en chantier. L'ancien président américain Bill Clinton, nommé envoyé spécial de l'ONU en Haïti, avait attiré près d'une centaine d'investisseurs potentiels dans l'île.
Les manœuvres électorales faisaient craindre un regain d'agitation, après l'exclusion du scrutin de la Famille Lavalas, le parti de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide, exilé en Afrique du Sud. Mais le remplacement du premier ministre Michèle Pierre-Louis par Jean-Max Bellerive s'était fait sans heurts. Ce technocrate apprécié des bailleurs de fonds a assuré que l'Etat haïtien serait en mesure "d'assurer le leadership que la population attend de lui", tout en appelant la communauté internationale "à maintenir son appui massif à moyen et à long terme".
Jean-Michel Caroit
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