La très particulière discrimination positive des travestis pakistanais
Le jour où Boby s’est présenté à la Cour suprême du Pakistan, il a fait sensation. Drapé dans sa plus belle tunique, paré de bijoux, l’élégant travesti aux longs cheveux brun a réclamé aux juges des droits pour les «hijras». Au Pakistan, ce terme désigne les travestis (qui peuvent être homosexuels, transsexuels ou hermaphrodites), une caste très particulière. Les hijras seraient près d’un demi-million dans le pays. Ils vivent misérablement pour la plupart, sont danseurs, prostitués et mendiants. Ils sont aussi craints car ils peuvent jeter le mauvais œil. Harcelés par la police, reniés par leur famille, les hijras vivent en marge de la société. Boby, danseur d’une quarantaine d’années, a décidé de faire bouger les choses. «Dans leur famille, les jeunes hijras sont parfois torturés pour les corriger, raconte Boby. Mais les hijras ne sont pas des frigos ou des télévisions qui peuvent se réparer. Ils sont nés ainsi et doivent avoir des droits comme les hommes et les femmes.»
Défendu par un avocat, il a obtenu de la Cour suprême des décisions historiques. Fin décembre, le président de la Cour a ordonné au gouvernement de protéger les hijras, de garantir leurs droits à l’héritage, de leur donner des opportunités d’emploi et de leur permettre de s’inscrire comme «troisième genre» sur leur carte d’identité. Les mesures attendent toujours d’être appliquées… Le bureau des cartes d’identité assure pourtant qu’il se prépare pour la délivrance des nouveaux documents : «Nous avons prévu de rajouter une colonne 'hijra' sur les cartes en plus des hommes et des femmes. Nous avons aussi pris l’initiative de les classer parmi les personnes handicapées, avec ce logo sur leur carte», explique un officiel…
Quant au recrutement des hijras, c’est Karachi qui a tenté la première expérience. L’administration d’un quartier de la mégalopole a embauché 5 hijras pour le recouvrement des factures impayées (impôts locaux, eau, etc.). Ces employés très spéciaux se rendent chez les débiteurs, ils dansent devant leur maison et se moquent d’eux. Pour éviter cette honte publique, les particuliers s’empressent généralement de régler leurs factures. Un officiel du quartier se félicite : «Nous avons d’excellents résultats, dès le premier jour, les hijras ont recouvert plus de 500 euros d’impayés !» Loin d’être choqué, Boby n’est pas très optimiste. «Même si cela fonctionne bien, cela m’étonnerait que cette mesure soit généralisée dans tout le pays car les mauvais payeurs ont des protections en haut lieu.» Lui, rêve de quartiers réservés aux hijras dans les grandes villes avec des écoles et des hôpitaux pour sa communauté.
Par Célia Mercier
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