lundi 31 mai 2010

Les femmes, de plus en plus victimes du tabac

Compte rendu

Les femmes, de plus en plus victimes du tabac









Le tabagisme n'est plus l'apanage des hommes et a de plus en plus d'effets néfastes sur les femmes. En 2007, on dénombrait 66 500 décès liés au tabac en France (un peu plus de la moitié par cancer), dont 7 500 - et ce chiffre ne cesse de croître - dans la population féminine.

La mortalité par cancer du poumon chez celles-ci augmente depuis 1980 jusqu'à atteindre 12,8 pour 100 000 dans les années 2000 à 2007, note Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave-Roussy (IGR) dans le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'Institut de veille sanitaire (INVS), diffusé, lundi 31 mai, lors de la Journée mondiale sans tabac. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) pointe les dangers que courent les fumeuses, notamment les plus jeunes.

Toux grasse, crachats et essoufflement sont ses principaux symptômes. On croyait la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), maladie des poumons et des bronches, réservée aux hommes. Sur les 3,5 millions de cas en France, 40 % concernent désormais les femmes. C'est le message lancé, par le biais d'une campagne, par six pneumologues et le laboratoire AstraZeneca. Cette situation incomberait aux méfaits du tabac, supposés plus virulents chez les femmes. La BPCO est responsable de 16 000 décès par an en France. Le taux de mortalité a augmenté de 78 % chez les femmes de 1979 à 1999, et de 21 % chez les hommes. Selon l'OMS, la BPCO pourrait passer de la 6e cause de mortalité dans le monde en 1990 à la 3e cause en 2020.

La mortalité par cancer du poumon chez les femmes de 40 ans a, en effet, été multipliée par quatre entre 1984 et 1999, ajoute le BEH. "L'épidémie liée au tabagisme n'a pas encore atteint son point culminant chez les femmes en France, prévient le docteur Anne-Laurence Le Faou, maître de conférences à l'université Paris-V, et praticienne hospitalière à l'hôpital Georges-Pompidou (Paris). Il existe un décalage d'environ trente ans entre le moment où le tabagisme commence à se répandre et le moment où les conséquences pour la santé se font sentir. Le cancer du poumon sera sans doute la première cause de décès chez les femmes dans les années à venir."

"On observe une hausse de la mortalité de 6,9 % par an chez les femmes de 45 à 64 ans entre 1997 et 2007", ajoute Catherine Hill. Les tabacologues sont unanimes : les femmes sont de plus en plus nombreuses en consultation.

A l'inverse, chez les hommes, le cancer du poumon, qui reste toutefois leur première cause de mortalité, a reculé à partir des années 1990. Il avait nettement progressé depuis les années 1950 pour atteindre un pic en 1993 (69,7 pour 100 000). La raison : les hommes ont réduit leur consommation. "Si, aujourd'hui, neuf morts sur dix liées au tabac concernent des hommes, il devrait y avoir une parité hommes-femmes dans vingt ou trente ans", prévient le professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) et président de l'Office français de prévention du tabagisme (OFT).

"Il y a eu un tsunami de tabagisme féminin dans les années 1970", pointe Serge Karsenty, sociologue au CNRS. Jusqu'alors, c'était mal vu, parfois même interdit... Puis, dans cette période d'émancipation, les femmes se sont mises à fumer. "Elles ont voulu faire comme les hommes, pour qui c'était alors un acte masculin, viril", constate le docteur Anne Borgne, addictologue, responsable du service de tabacologie, à l'hôpital Jean-Verdier de Bondy (Seine-Saint-Denis).

A partir de cette époque, désireuse de gagner des parts de marché, l'industrie du tabac a fait de la gent féminine une cible de choix et a tenté de banaliser le tabagisme. Tour à tour, elle a alors lancé sur le marché des cigarettes fines (ou slim), voire parfumées.

Aujourd'hui, si la consommation féminine de cigarettes est toujours moindre que celle des hommes, les écarts se resserrent. Le nombre de fumeurs réguliers (plus de dix cigarettes par jour) a baissé de 12 % en cinq ans pour atteindre 26,1 % en 2005 (11,8 millions de personnes), selon le baromètre santé de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes), dont 29,7 % d'hommes et 22,6 % de femmes. Et si le tabagisme a aussi baissé chez les 15-25 ans, les filles fument désormais autant que les garçons. L'OMS insiste sur "la nécessité de protéger les jeunes des tactiques de l'industrie du tabac qui les attirent vers un produit qui les rendra dépendants à vie de la nicotine". "L'industrie a également visé les femmes, soucieuses de leur santé, en lançant les cigarettes light, tout aussi dangereuses, puis en faisant du paquet un accessoire de mode", explique Karine Gallopel, maître de conférences en marketing social à l'université Rennes- I.

Les journaux montrent souvent des femmes séductrices, belles, minces, cigarette aux lèvres. Or les jeunes veulent ressembler à leurs modèles. Un site Internet recense même les photos des plus célèbres fumeurs, et des groupes se sont créés sur Facebook. "L'industrie a tout fait pour inciter les adolescents à fumer. Or, le fait de commencer à fumer jeune accroît les risques", avertit le professeur Dautzenberg.

L'impact de ce marketing est d'autant plus efficace que la peur d'une prise de poids est souvent un frein à l'arrêt du tabac, en particulier chez les femmes. Elles se disent pourtant attentives aux messages sanitaires alarmants, notamment dans les périodes de grossesse.

"Le décalage entre hommes et femmes s'explique aussi par des raisons pharmacologiques, explique le professeur Gilbert Lagrue, pionnier de la lutte antitabac, du centre de tabacologie de l'hôpital Albert-Chenevier, à Créteil (Val-de-Marne). Les troubles anxio-dépressifs, qui touchent plus les femmes, sont plus souvent un facteur de tabagisme. Les femmes se servent souvent de la cigarette pour calmer leur stress."

Pascale Santi

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